« Philip Mondolfo souligne bien la nécessité d'inventer une nouvelle économie politique afin d'accéder «à une autre conception du rapport entre l'économie et le social». L'erreur de certains économistes, qui, nous dit-il, ne considèrent que l'efficacité productive en écartant l'efficience sociale, montre la difficulté qu'il y a aujourd'hui à percevoir l'organisation des établissements sociaux autrement que par mimétisme avec les entreprises commerciales traditionnelles. Pourtant, certaines associations ont pu concilier l'esprit militant et les règles de gestion grâce notamment à la production de sens.
« Le gestionnaire d'organisme à vocation sociale ou culturelle doit ainsi donner du sens à l'économie pour pouvoir gérer la tension qui existe entre le développement du projet social (ou projet d'établissement) et les contraintes budgétaires et économiques. Lesquelles pèsent en effet bel et bien sur les associations dites loi 1901. Les établissements médico-sociaux, issus pour la plupart, du monde associatif, participent bien à l'activité économique et à la circulation des richesses, même si beaucoup font encore l'erreur d'opposer l'expression «sans but lucratif» à celle d'activité économique. Les règles juridiques sont quasiment identiques entre les organisations d'essence «capitaliste» et le secteur de l'économie sociale, ce qui importe c'est le sens qu'on leur donne. Il s'agit de donner du sens à la rigueur de gestion, de donner une orientation, une direction. Dans un monde complexe et de plus en plus mouvant, changeant, l'anticipation est de mise... pour ne pas dire de rigueur.
« Mais que devons nous anticiper ? Des circonstances économiques difficiles ? Dans ce cas la rigueur ne serait qu'un palliatif en attendant des jours meilleurs. Cette seule idée de la rigueur écarterait tout aspect d'amélioration et d'optimisation des ressources. Il s'agit donc pour l'organisation sociale d'entretenir une rigueur de gestion sans que cette dernière ne perturbe la réalisation et le développement de son projet social. Dans sa quête de sens, le gestionnaire doit s'attacher à équilibrer au sein de la structure sociale les objectifs à court terme (qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui pour la personne accueillie par exemple ?) et les finalités (le projet institutionnel).
Au niveau de la politique économique, cela pourrait se traduire par : qu'est-ce qu'on fait pour améliorer le quotidien des citoyens tout en préservant la vie des futures générations ? C'est le sens du développement durable, cette responsabilité envers les futures générations que l'on a peut-être du mal à mettre en place. Jacques Dufresne (3) parle d'un «sens du lointain» que l'on aurait perdu. Au Moyen Âge, alors qu'on croyait à une vie après la mort, que l'existence sur terre était vécue comme un passage, il eut été légitime de ne construire que des baraques provisoires. Or ce sont des cathédrales qui fleurissent, des monuments pour l'éternité. Le peuple du Moyen Âge avait alors ce «sens du lointain».
« Comme ces bâtisseurs de cathédrales, le gestionnaire doit avoir le souci de concilier ces deux visions, l'une transversale (l'équilibre entre les forces et faiblesses de l'institution) et l'autre tournée vers l'avenir. Cette recherche de plus d'efficience entre les moyens disponibles et les projets mis en oeuvre peut être mise en évidence par l'expérimentation. Autrement dit les professionnels (et/ou les bénévoles), experts de leur propre pratique, en coopérant avec le gestionnaire (et vice versa) vont permettre de créer un modèle d'action afin de développer l'innovation, tout en se préservant des difficultés économiques passagères ou à venir.
« Une nouvelle politique économique doit permettre cette coopération nécessaire entre la gestion du quotidien et celle de l'avenir et entre l'économie et le social. »
(2) Adapei d'Oyonnax - Secteur enfants : 1, rue Françoise-Dolto - BP 50090 - 01103 Oyonnax cedex - E-mail :
(3) Article consultable sur