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« Inversons notre rapport à la pauvreté »

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Le rapport intitulé « Le travail social confronté aux nouveaux visages de la pauvreté et de l'exclusion », approuvé le 16 juin par le Conseil supérieur du travail social (CSTS) et non encore rendu public (1) propose de développer une « logique d'alliance » avec les usagers. Explications de Christian Chassériaud, président du groupe de travail.
Vous présentez ce rapport comme étant engagé. En quoi l'est-il ?

Il relève d'un parti pris au sens positif du terme : celui de proposer une démarche de refondation des pratiques du travail social à partir des logiques d'alliance avec les publics en difficulté et de coproduction des actions mises en oeuvre. Les constats successifs sur la massification de la pauvreté et les difficultés à en sortir interrogent les pratiques des travailleurs sociaux, installés dans une logique de guichet et de prestation de services. Il faut leur permettre de retrouver le sens de l'accompagnement social, étouffé au profit de l'aide sociale à court terme, qui a, elle, souvent pour seul objectif de justifier les dispositifs et la commande publique. Pour éviter de pérenniser les situations d'assistance, le travail social doit pouvoir mettre les publics en capacité d'être les acteurs de leur insertion. Ce pari implique une vision politique des questions de pauvreté et de leur lien avec les pratiques du travail social, en rupture avec les politiques publiques actuelles.

Les travailleurs sociaux seraient, selon vous, les alliés du système...

Ont-ils vraiment des marges de manoeuvre ? Cela pose la question du rapport social qu'une société, à travers ses institutions, instaure avec les populations en difficulté. La pression sociale pousse les professionnels à agir dans le sens d'une gestion des publics, avec une dimension très prégnante de responsabilisation de l'usager, voire de défiance. D'où le mal-être des professionnels, pris dans un discours négatif qui va à l'encontre d'une dynamique productrice de changement. Les travailleurs sociaux, qui entretiennent des rapports difficiles avec l'autorité et le politique, sont en quelque sorte cantonnés dans une position de résistance passive.

Vous préconisez donc d'« inverser la charge de la preuve »...

Cette expression est apparue au fil des discussions à partir de ce constat : les pauvres ne sont pas seulement une charge, ils sont, par leur potentiel laissé en attente, une richesse dont l'ensemble de la société se prive. La lutte contre la pauvreté implique, au-delà de l'impératif de redistribution des richesses, un changement culturel passant par la reconnaissance de tous les membres de la société. Tout ce qui va dans le sens d'un échange, d'une réciprocité, d'un rapport égalitaire et non d'infériorisation participe de l'alliance avec les usagers. Inverser la charge de la preuve, c'est aussi se demander s'il faut continuer à interroger la responsabilité des usagers ou bien les mécanismes d'une société qui permet que 15 % de la population vivent à la limite ou en dessous du seuil de pauvreté.

Mais certaines expériences vont déjà dans ce sens...

Les expériences de participation des usagers sont essentiellement menées à partir de dispositifs préalablement définis, pensés pour eux et à leur place. Les conseils généraux pourraient par exemple financer des projets de territoire associant en amont les publics concernés. Mais leur action, guidée par un souci de rationalisation des coûts et de résultats, s'inscrit davantage sur le mode du traitement individuel, du découpage en « actes sociaux ».

Vous proposez six axes de travail...

Ces propositions, qui rejoignent en partie les conclusions du rapport sur la grande exclusion que j'ai réalisé en 1993, s'inscrivent dans une approche globale. La première : articuler et homogénéiser les dispositifs dans une perspective de diagnostic partagé sur une base territoriale. Il faudrait aussi réorganiser les services pour les adapter aux besoins des publics, ne serait-ce qu'en termes d'accueil, favoriser les partenariats ainsi que la coproduction entre les familles et les travailleurs sociaux. Une autre piste à explorer est la prise en compte de l'expertise des professionnels dans l'élaboration des politiques sociales. Il est par ailleurs apparu au CSTS que l'accompagnement social est mis en danger par la logique de productivité. C'est pourquoi nous recommandons de le repositionner comme un droit, tout en tenant compte de la singularité des demandes et des personnes. L'évaluation, en outre, paraît indispensable à l'amélioration de la cohésion sociale de territoire. Encore faudrait-il ne pas la réduire à un contrôle budgétaire et y associer les personnes accompagnées. La dernière préconisation, enfin, qui conditionne la mise en oeuvre de l'approche proposée, est de faire évoluer les compétences et les qualifications des professionnels vers le développement des apprentissages de coproduction avec les personnes pauvres et exclues.

Notes

(1) Il sera, comme les deux autres rapports de la cinquième mandature du CSTS (voir ASH n° 2448 du 24 -03-06, p. 37 et 38), prochainement publié aux Editions ENSP.

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