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« On ne guérit pas de son milieu comme d'une sale maladie »

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Jean-Marie Petitclerc estimait dans nos colonnes (1) que le problème principal des jeunes des quartiers résidait dans leur absence de mobilité. Une opinion que conteste vivement Laurent Ott, directeur de l'association Intermèdes-Robinson (2), qui préconise de renforcer d'abord le travail social dans les quartiers.

« Il serait tout de même extraordinaire qu'après avoir vécu la relégation dans les quartiers, l'éviction de leurs parents de la vie publique, sociale et culturelle, les couvre-feux saisonniers, les interdictions de regroupement dans les cages d'escalier, on réserve maintenant aux jeunes des quartiers un nouveau traitement de faveur : ils seraient gentiment priés de se disperser, d'arrêter de se fréquenter entre eux et surtout de mettre un terme à leurs solidarités dissidentes.

« Le texte de M. Petitclerc semble apporter un nouvel horizon à la progression des solitudes : pour «réussir», il conviendrait de renoncer à son voisin, et s'extraire de sa fratrie, de ses camarades, et de son environnement comme s'il s'agissait de guérir d'une maladie.

« On peut être sidéré de la sécheresse de la condamnation sans appel, derrière le terme de «zonage», du travail de développement local mené dans ces quartiers : «ça ne marcherait pas», estime l'auteur de l'article. On peut vraiment se demander où et combien de temps on a réellement essayé de mettre en place des permanences éducatives, un peu durables, ouvertes à tous les âges, avec des équipes qui tiennent.

« Pour les acteurs associatifs engagés dans des projets sociaux, la réalité est tout autre ; s'il y a une chose que l'on n'a vraiment pas essayé, c'est de soutenir dans la durée les porteurs de projets, de leur permettre de s'émanciper des pressions des municipalités ou de la précarité des subventions.

« Et on dit encore que l'on a tout essayé ? Quand les municipalités sont de plus en plus nombreuses à rejeter des cantines les enfants dont les parents sont privés d'emploi ? Quand les mêmes se voient interdits aux mêmes motifs des centres aérés et de multiples activités par de nombreuses complications ?

« Oui, il y a aujourd'hui un grave problème d'éducation au collectif dans les quartiers. Oui, ces problèmes produisent plus encore qu'ailleurs des réactions individualistes ou peu propices à la socialité. Mais comment peut-on vraiment croire que c'est en renforçant la concurrence entre frères, soeurs, copains et voisins que l'on inversera la tendance ?

« A l'inverse de pratiques de dispersion qui ne seraient visiblement destinées qu'à en finir avec les manifestations trop voyantes et trop gênantes de protestation des jeunes, ce qu'il s'agit de construire c'est la compréhension de cet environnement et non pas sa fuite.

« Les jeunes des quartiers ont besoin d'être accompagnés à comprendre ensemble ; ils ont besoin de pédagogie dans leurs écoles ; ils ont besoin de la force de l'hétérogénéité de leurs histoires et de leurs origines. N'offrir comme horizon que la réussite des autres, celle qui nous fait tourner le dos à ceux qui nous entourent. N'offrir comme perspective que les «classes prépas» aux «grandes écoles» c'est renforcer la division et la solitude dans des milieux qui en souffrent déjà trop, mais c'est surtout dédouaner le modèle de réussite scolaire de toute autocritique.

« Est-il vraiment besoin d'aller dans les grandes écoles ? Pourquoi les écoles de nos quartiers ne seraient-elles pas grandes ? Qui en décide ? Ce sont là des questions bien plus dérangeantes mais plus fondamentales que les concessions sur les petits quotas, les petits nombres d'élus qui jetteraient l'opprobre sur tous les autres et dédouaneraient le système.

« Du reste, quand il s'agit d'aborder les questions pratiques de cette «vaste re-sectorisation» souhaitée, allant jusqu'à la disparition (mais pas tout de suite) des établissements de quartier, M. Petitclerc semble bien en difficulté ; aux uns (les jeunes des quartiers), il réserverait visiblement une sorte d'obligation de se déplacer et de prendre le bus ; pour les autres, issus de milieux plus favorisés, il se déclare, par contre, en défaveur de toute contrainte contre-productive... Visiblement l'égalité des chances, ça n'a toujours pas grand-chose à voir avec l'égalité des droits ! »

Notes

(1) Voir ASH n° 2462 du 30-06-06, p. 23.

(2) Association Intermèdes-Robinson : 28, rue des Marguerites - 91160 Longjumeau - intermedes@orange.fr - http://assoc.intermedes.free.fr.

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