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Satisfecit nuancé de la Cour des comptes pour une CNSA encore en cours de construction

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Oui, le produit de la « journée de solidarité » a bien été intégralement affecté à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Oui, celle-ci a bien utilisé les fonds pour financer des actions en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, même si une partie a été mise en réserve. Non, il n'y a pas eu d'effet de substitution par rapport aux autres financeurs.

Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, se montre rassurant sur le démarrage de la CNSA, du moins sur les craintes exprimées lors de sa création. Dans un rapport au Premier ministre rédigé au terme d'une année de fonctionnement effectif de la caisse (1), la juridiction estime en tout cas qu'il n'y a pas eu « d'effet vignette », impôt resté célèbre pour avoir été créé à l'origine pour les personnes âgées et finalement utilisé à d'autres fins. Il précise aussi que les nouvelles ressources perçues en 2004 et 2005 ont été utilisées à 60 % pour les personnes âgées et à 20 % pour les personnes handicapées. Quant aux 20 % restants (500 millions d'euros), il estime légitime qu'ils aient pu être mis en réserve, parce qu'il « est irréaliste de penser que l'on peut créer instantanément des places en établissement ou recruter immédiatement l'ensemble des personnels prévus ».

Un risque de désengagement des autres financeurs

Sur le possible effet de substitution, Philippe Séguin est moins catégorique : le « risque » d'une compensation des ressources nouvelles par une réduction des concours pré-existants « est réel », estime-t-il, même si, « à ce stade », il ne constate rien de tel. Globalement, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour les personnes dépendantes a augmenté de 20,7 % entre 2003 et 2006, contre 13,9 % pour l'ONDAM général (2) et l'effort total prévu en faveur des personnes dépendantes a crû de 29,2 %. « La contribution de solidarité pour l'autonomie est bien venue s'ajouter et non se substituer aux ressources anciennement disponibles. » Cependant, en 2006, la cour relève une « très nette décélération » de l'objectif de dépenses d'assurance maladie pour les personnes handicapées (du moins en pourcentage, pas en valeur absolue) et une diminution de certains fonds de concours de l'Etat aux établissements. « Nous devrons veiller à ce qu'à l'avenir les autres financeurs ne se désengagent pas. Cela n'est pas pour l'instant garanti », conclut Philippe Séguin.

Le rapport rédigé par François Delafosse et Bernard Cieutat, présidents de chambre, pointe aussi d'autres difficultés. Clairement, la mise en place de la CNSA n'est pas encore achevée. Les conditions de sa création, en deux temps, par la loi du 30 juin 2004, complétée et modifiée par la loi du 11 février 2005, avec « une période transitoire assez longue et peu satisfaisante sur le plan juridique » n'ont pas facilité les choses. Ni caisse de sécurité sociale (quoique gérant des fonds importants de l'assurance maladie), ni administration d'Etat (bien qu'appelée à des missions de régulation et de péréquation), elle a eu du mal à trouver, par exemple, une organisation comptable satisfaisante, la cour estimant même qu'il lui reste à « professionnaliser sa gestion financière ». A sa décharge, elle juge aussi que la segmentation entre les différentes enveloppes imposée par le législateur « rigidifie et complexifie la tenue des comptes ». L'embauche récente d'un « vrai directeur financier » devrait lui permettre de progresser. L'organigramme, qui compte actuellement 64 salariés, ne sera d'ailleurs complet qu'à la fin de l'année avec 75 personnes.

Plus étonnant : les conventions de fonctionnement avec les caisses de sécurité sociale ne sont toujours pas signées. C'est pourtant par elles que passe l'essentiel des recettes de la CNSA et l'ordonnancement de ses crédits aux départements et aux établissements.

En position délicate face à la DGAS et aux départements

Les relations de la CNSA avec l'Etat ne semblent pas non plus totalement clarifiées. La direction générale de l'action sociale (DGAS) n'a « pratiquement plus de moyens budgétaires pour agir sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes ». Elle ne gère plus qu'une partie des crédits concernant les personnes handicapées. Mais c'est elle « qui assume la fonction de réglementation [...] et dispose de l'autorité hiérarchique sur les services déconcentrés », dont la CNSA a besoin pour assurer ses missions. Le rapport évoque à de nombreuses reprises le risque d'un « dédoublement du travail ». Il note aussi au passage que les conditions de la mise en place de la caisse sont « incompatibles avec les objectifs de la loi organique relative aux lois de finances ».

Enfin, la cour estime que la CNSA n'a pas non plus les « moyens juridiques » des missions d'animation et de régulation qui lui sont confiées par rapport aux conseils généraux. Placées sous la tutelle de ces derniers, « les maisons départementales des personnes handicapées seront sans doute difficiles à piloter », note-t-elle. Hormis les cas d'insincérité des déclarations, la caisse n'a pas le pouvoir de contraindre les départements qui s'écarteraient trop de la moyenne en matière de prestation de compensation ou d'allocation personnalisée d'autonomie. Sauf à leur faire une mauvaise publicité... Bref, « l'insertion dans un dispositif institutionnel déjà très complexe s'avère difficile ». Et la caisse aura peut être du mal à obtenir de ses partenaires les données nécessaires à la construction d'un système d'information pertinent, condition indispensable au pilotage du secteur.

Malgré ces difficultés, François Delafosse relève avec satisfaction que la CNSA affecte une dizaine de personnes au suivi des établissements et services, là où la DGAS disposait de moins d'un temps plein, ce qui devrait améliorer la régulation et la péréquation. Plus globalement, la cour juge que la direction de la caisse a su « impulser de façon dynamique le travail » de ses équipes, tandis que son conseil, du fait sans doute de sa « composition originale » (avec des représentants des associations de personnes âgées et de personnes handicapées) et bien que n'ayant que « peu de pouvoir de décision », « joue un véritable rôle de veille et d'alerte ».

Notes

(1) Les conditions de mise en place et d'affectation des ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie - Disp sur www.ccomptes.fr.

(2) Les chiffres cités concernent les prévisions de dépenses. Il faudra attendre les résultats pour se faire une opinion définitive, précise la Cour des comptes.

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