Dans deux décisions récentes, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a précisé sa position sur l'étendue des frais hospitaliers qui peuvent être pris en charge par un organisme de sécurité sociale lorsqu'un de ses assurés a été autorisé, souvent pour une maladie grave, à se faire soigner dans un autre Etat membre de l'Union européenne (1).
Dans un premier arrêt du 16 mai, la CJCE a tout d'abord considéré l'exigence d'une autorisation préalable « comme une mesure tout à la fois nécessaire et raisonnable [afin] de garantir une accessibilité suffisante et permanente à des soins hospitaliers de qualité, d'assurer une maîtrise des coûts et d'éviter tout gaspillage de ressources financières, techniques et humaines ». Toutefois, a-t-elle estimé, « il est nécessaire que les conditions mises à l'octroi d'une telle autorisation soient justifiées au regard de [ces] impératifs, qu'elles soient proportionnées », et que « les critères d'octroi ou de refus » soient précisés. Ainsi, pour pouvoir refuser cette autorisation au motif qu'il existe une liste d'attente dans l'autre Etat membre, un organisme de sécurité sociale « se doit d'établir que le délai [...] dans lequel le traitement hospitalier requis par l'état de santé du patient peut être obtenu dans un établissement relevant du système national n'excède pas le délai acceptable » au regard des besoins médicaux de l'intéressé. Et même lorsque le délai découlant des listes d'attente « s'avère excéder ce délai acceptable », l'institution compétente ne peut pas refuser l'autorisation sollicitée en se fondant sur des motifs tirés de l'existence de ces listes d'attente, de la gratuité des soins hospitaliers prodigués dans le cadre du système national ou encore d'une comparaison des coûts du traitement entre les deux Etats.
L'arrêt indique également que le droit ainsi conféré au patient de se faire soigner dans un autre Etat membre « porte exclusivement sur les dépenses liées aux soins de santé reçus par ce patient dans l'Etat membre de séjour, à savoir, s'agissant des soins de nature hospitalière, les coûts des prestations médicales proprement dits ainsi que les dépenses, indissociablement liées, afférentes au séjour de l'intéressé dans l'établissement hospitalier ». Une position confirmée et précisée dans un arrêt du 15 juin.
Dans cette seconde décision, la Cour de justice des communautés européennes réaffirme qu'un assuré autorisé par son organisme de sécurité sociale à se faire soigner dans un autre Etat membre n'a pas « droit au remboursement des frais de déplacement, de séjour et de repas encourus sur le territoire de cet Etat membre par [lui-même] et la personne l'ayant accompagné, à l'exception [de ses propres] frais de séjour et de repas dans l'établissement hospitalier ». En revanche, rappelle la cour, une législation nationale peut permettre le remboursement de ces frais dans des situations d'urgence. Enfin, elle précise que ces frais ne peuvent pas non plus être considérés comme des prestations en espèces.
Avec ces deux décisions, la Cour de justice des communautés européennes risque de créer un système de santé à deux vitesses : il y aura ceux qui auront les moyens de payer leurs frais de déplacement, et les autres.
(1) La CJCE se prononce uniquement sur les déplacements programmés pour y recevoir des soins et non sur les soins inopinés qui surviennent lors d'un séjour à l'étranger.