Recevoir la newsletter

La conférence de la famille 2006

Article réservé aux abonnés

Instauration d'un congé de soutien familial et d'un « droit au répit » pour les aidants familiaux. Mais aussi création d'un prêt à taux zéro pour aider les jeunes en difficulté entrant dans la vie active et d'un « compte épargne services » au profit des retraités bénévoles. Telles sont les principales mesures arrêtées lors de la conférence de la famille consacrée, cette année, aux solidarités intergénérationnelles.

« Récréer ou consolider les solidarités entre générations. » C'est l'objectif des mesures annoncées par le gouvernement à l'issue de la conférence de la famille qui a réuni, le 3 juillet, sous la présidence du Premier ministre, les principaux acteurs de la politique familiale (mouvements familiaux, partenaires sociaux, institutions, personnalités qualifiées...). Ces dispositions, qui s'inspirent assez largement des pistes suggérées par les rapports préparatoires d'Alain Cordier et Raoul Briet (1), doivent « entrer en vigueur au plus tard au début 2007 », a précisé Dominique de Villepin. Elles laissent néanmoins les associations sur leur faim, faute d'engagement financier important (voir encadré, page 25).

« La cellule familiale se transforme, les liens entre générations se distendent. Des jeunes peinent à entrer sur le marché du travail, à acquérir un logement, à s'insérer dans la société et restent plus longtemps au domicile familial ; à l'inverse, des personnes âgées se retrouvent isolées ou sont touchées par la dépendance. » Selon le gouvernement, « ces évolutions soulignent d'autant plus le rôle de génération pivot des 55-75 ans, ces «seniors actifs» qui aident les jeunes à entrer dans la vie professionnelle mais qui aussi, bien souvent, ont la charge d'un parent plus âgé et dépendant ». C'est pourquoi il a souhaité reconnaître et soutenir les aidants familiaux, avec notamment l'instauration d'un congé de « soutien familial » et d'un « droit au répit ». Les jeunes en difficulté n'ont pas non plus été oubliés : ils pourront bénéficier d'un prêt à taux zéro pour les aider lors de leur entrée dans la vie active. Enfin, des dispositions sont prises pour encourager les retraités qui s'engagent auprès de la collectivité.

A noter : le gouvernement a également évoqué le mandat de protection future, qui permettra à toute personne juridiquement capable de donner mandat à un tiers pour la représenter le jour où elle ne pourra plus pourvoir seule à ses propres intérêts. Un dispositif inscrit dans le projet de loi réformant les tutelles qui, a rappelé le ministre délégué aux personnes handicapées et à la famille, « doit être examiné par le Parlement à l'automne 2006 ».

I - RECONNAÎTRE ET SOUTENIR LES AIDANTS FAMILIAUX

A - Reconnaître les aidants familiaux auprès des personnes âgées

Plus de 300 000 personnes âgées dépendantes sont aidées par un membre de leur famille afin d'être maintenues dans leur cadre de vie habituel aussi longtemps que possible, ce qui représente un investissement horaire deux fois supérieur à celui des intervenants professionnels. Afin d'offrir un meilleur soutien à ces aidants familiaux et, par là même, améliorer la qualité de la prise en charge des personnes dépendantes, un décret devrait paraître à l'automne 2006 pour reconnaître le statut d'aidant familial auprès des personnes âgées, au même titre que celui institué par la loi du 11 février 2005 pour ceux intervenant auprès des personnes handicapées. L'aidant familial auprès des personnes âgées pourrait ainsi être défini comme celui qui « apporte, seul ou en complément de l'intervention d'un professionnel, l'aide humaine rendue nécessaire par la perte d'autonomie de la personne âgée ou destinée à prévenir une perte d'autonomie, et qui n'est pas salarié pour cette aide ».

Concrètement, cette reconnaissance sera effectuée par l'équipe médico-sociale pluridisciplinaire du département qui, déjà aujourd'hui, évalue le besoin d'aide de la personne âgée et construit son plan d'aide.

B - Un congé de « soutien familial »

Pour permettre aux personnes qui le souhaitent de réduire ou de cesser leur activité professionnelle pour s'occuper d'un parent dépendant (enfant handicapé ouvrant droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, personne lourdement handicapée ou personne âgée) ou, par exemple, de prendre le temps de lui choisir une place en établissement, un congé de « soutien familial » de 3 mois, renouvelable dans la limite de un an, devrait être accordé de plein droit aux salariés qui ont une ancienneté de un an dans leur entreprise (2).

Cette mesure devrait être débattue au Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, pour entrer en vigueur au 1er janvier 2007.

Concrètement, le salarié devrait pouvoir faire valoir auprès de son employeur, 2 mois avant le début du congé, sa qualité d'aidant familial reconnue par la commission des droits et de l'autonomie ou par l'équipe médico-sociale du département qui suit la personne aidée. En cas d'urgence attestée par certificat médical, comme une très rapide décompensation physique d'une personne âgée, le délai de prévenance pourrait être ramené à 15 jours.

Ce cadre juridique protecteur permettra, selon le gouvernement, de garantir aux intéressés le retour dans leur emploi ou dans un emploi équivalent dans l'entreprise. Pendant la période du congé, les bénéficiaires resteront couverts par l'assurance maladie et continueront d'acquérir des droits à retraite via l'assurance vieillesse du parent au foyer.

Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, ce congé ne sera pas rémunéré. A l'issue de la conférence, le ministre délégué aux personnes handicapées et à la famille, Philippe Bas, a toutefois émis l'hypothèse d'une « rémunération » qui, selon les cas, pourrait être accordée dans le cadre de la prestation de compensation, voire de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), dès lors qu'une prestation de service est bien assurée. En cas de décès ou d'admission en établissement de la personne aidée, ou encore en cas de diminution importante des ressources du bénéficiaire du congé, la reprise anticipée de l'activité professionnelle sera possible avec un délai de préavis de un mois avant la date de reprise.

Le coût de cette mesure est estimé à 10,5 millions d'euros en année pleine.

C - Un « droit au répit »

Déjà présentés à l'occasion du plan « solidarité-grand âge » (3), des dispositifs devraient permettre aux aidants de « souffler » de temps en temps.

Ainsi, pour leur permettre de faire valoir leur « droit au répit », 2 500 places d'accueil de jour et 1 100 places d'hébergement temporaire dans les maisons de retraite devraient être créées chaque année sur la période 2007-2012. En outre, des formules innovantes seront mises en place, notamment pour que l'aidant familial puisse être remplacé pour des courtes durées au domicile de la personne âgée par un professionnel volontaire figurant sur une liste prévue à cet effet. Sa rémunération pourra être assurée en tout ou partie par l'APA ou l'aide sociale, explique le gouvernement.

Coût de ces dispositifs : 18 millions d'euros de mesures nouvelles chaque année sur la période 2007-2012.

D - L'accompagnement et la formation des aidants familiaux

1 - ACTIONS DE FORMATION ET VALIDATION DES ACQUIS DE L'EXPÉRIENCE

Pour accompagner le quotidien des aidants familiaux, il est prévu de développer un accès à la formation. Au-delà d'actions collectives de soutien psychologique et de gestion du stress, les formations pourront consister en des actions d'information et de sensibilisation à la prise en charge de la perte d'autonomie, en une préparation aux premiers secours, en des actions de formation professionnalisante pour ceux qui souhaitent obtenir un diplôme... Il pourra s'agir aussi de formations plus techniques liées aux spécificités de la perte d'autonomie. Pour ce faire, un appel à projets national sera lancé à l'automne 2006 et piloté par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui devrait participer au financement des projets à hauteur de 50 %.

En outre, tout aidant familial qui souhaiterait s'engager professionnellement dans une carrière médico-sociale pourra faire reconnaître officiellement les acquis de son expérience selon une procédure spécifique. Un comité de pilotage devrait être constitué afin d'identifier les diplômes qui pourraient être concernés (diplômes d'Etat d'auxiliaire de vie sociale ou d'aide médico-psychologique, par exemple), de déterminer les modules de formation dont l'aidant pourrait être dispensé ou encore d'organiser la diffusion de ces informations.

2 - FACILITER LES DÉMARCHES DES AIDANTS FAMILIAUX

Le gouvernement a décidé de mieux coordonner les différents acteurs intervenant auprès des personnes âgées et handicapées pour faciliter les démarches des aidants familiaux. Les expériences déjà développées seront recueillies auprès de l'ensemble des partenaires (départements, régions, associations, agences locales pour l'emploi...) afin de les diffuser et de mieux organiser et coordonner l'accès aux services et aux lieux d'information. A terme, ce travail, qui doit « débuter cet été en étroite association avec les départements et les régions », devrait permettre à un aidant familial « d'identifier un lieu unique, apte à le renseigner et à l'orienter tout au long de son parcours », assure le gouvernement.

La CNSA financera jusqu'à 50 % des démarches d'organisation et de coordination, sur la base d'un appel à projets qui sera lancé d'ici à la fin 2006 avec une enveloppe de 3 millions d'euros

3 - CRÉATION D'UN CARNET DE L'AIDANT

Au début de l'année prochaine, un « carnet de l'aidant » sera diffusé dans les départements et les lieux d'information (réseaux gérontologiques, maisons départementales des personnes handicapées...). Il pourrait bénéficier, selon le gouvernement, à plus de 500 000 aidants familiaux auprès de personnes âgées dépendantes et de personnes handicapées. Fournissant des informations nécessaires en début de parcours (description de la réglementation, services à contacter en cas d'urgence...), ce carnet permettra en outre à l'aidant de consigner au fur et à mesure la nature de l'accompagnement réalisé, les formations suivies avec le cachet des organismes de formation et de mettre en valeur son expérience acquise.

II - FACILITER L'INTERGÉNÉRATIONNEL AU QUOTIDIEN

A - Un prêt à taux zéro pour les jeunes les plus défavorisés

Le second volet des mesures présentées lors de la conférence de la famille vise d'abord à soutenir les jeunes de 18 à 25 ans « les plus défavorisés » qui entrent dans la vie active avec la création du prêt « avenir jeunes » à taux zéro, remboursable sur 5 ans et pouvant aller jusqu'à 5 000 € . Distribué par le réseau bancaire, ce prêt sera garanti par l'Etat grâce au fonds de cohésion sociale qui y consacrera une enveloppe de 150 millions d'euros par an. Selon Philippe Bas, le montant de ce prêt devrait s'élever à 2 000 € en moyenne et permettre de contribuer à l'achat d'un véhicule, d'équipements personnels ou professionnels... Son octroi ouvrira droit également à un Locapass (caution, garantie des impayés des loyers) afin d'aider le bénéficiaire à trouver plus facilement un logement. Les conditions de ressources pour l'obtention du prêt devraient être prochainement définies.

B - Un « compte épargne services »

Le gouvernement a également annoncé la création d'un « compte épargne services », un mode d'indemnisation incitative en nature et différée, grâce auquel les collectivités territoriales et leurs établissements publics (centres communaux et intercommunaux d'action sociale) pourront offrir, s'ils le souhaitent, des services à des retraités qui en ont rendu auparavant à la collectivité sous forme d'actions de bénévolat et de solidarité (surveillance des trajets des écoliers, aide aux devoirs...). Par exemple, la commune pourra ouvrir ce compte dans les banques aux jeunes retraités en y versant des chèques emploi service universel (CESU) pré-financés dont la durée de validité restera illimitée. Les retraités bénévoles bénéficiaires de cette aide pourront ainsi, le moment venu, retirer ces chèques nominatifs et d'une valeur unitaire de 10 € , 20 € ou plus, pour rémunérer de petits services à la personne effectués par un prestataire choisi sur une liste préétablie (petits travaux de jardinage, préparation de repas à domicile, courses...).

La mise en oeuvre de ce dispositif, prévue pour début 2007, sera confiée à l'Agence nationale des services à la personne.

C - Un « passeport pour une retraite active »

A partir de janvier 2007, toute personne qui part à la retraite (environ 650 000 personnes par an) ou chaque retraité qui en fait la demande recevra un « passeport pour une retraite active » destiné à l'inciter à s'engager dans le bénévolat. Celui-ci comprendra des informations générales sur le bénévolat et sur les services la personne, des conseils nutritionnels ainsi qu'un encart sur les principales associations à contacter au plan local pour effectuer une démarche de bénévolat. La caisse nationale d'assurance vieillesse est chargée d'élaborer et d'organiser sa diffusion, tandis qu'un comité d'élaboration réunira les principaux partenaires concernés.

A retenir également

Promouvoir l'urbanisme intergénérationnel

Le gouvernement a réaffirmé son intention de promouvoir un « urbanisme intergénérationnel » qui se traduirait, par exemple, par la création d'établissements rassemblant dans un même lieu une crèche et une maison de retraite. Ainsi, dans le processus d'autorisation des projets, la priorité sera donnée aux « innovations intergénérationnelles ». Une circulaire sera adressée en ce sens aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales et entrera en application le 1er janvier 2007. Avant la fin de l'année 2006, un document recensera les projets innovants développés sur le territoire.

Poursuivre la réforme du congé parental

Afin de faciliter la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, le Premier ministre doit prochainement confier à un parlementaire une mission sur la mise en oeuvre du complément optionnel de libre choix d'activité opérationnel (COLCA) (4), applicable depuis le 1er juillet 2006. Il sera également chargé de proposer une deuxième étape de cette réforme du congé parental pour que ce dernier puisse s'appliquer aux première et deuxième naissances et soit plus incitatif pour les pères. Ses conclusions sont attendues pour le mois de novembre 2006.

Compte d'épargne à la naissance

Une mission va être confiée au Centre d'analyse stratégique (CAS) afin d'évaluer l'opportunité et les modalités techniques de la création d'un compte ouvert à la naissance de l'enfant, qui permettrait à ses proches de lui constituer un pécule en vue du moment où il entrera dans la vie active. Les conclusions du CAS sont attendues d'ici à la fin de l'année 2006.

DES RÉACTIONS EN DEMI-TEINTE

Il n'a échappé à aucune des organisations du secteur que le cru 2006 de la conférence de la famille n'était assorti d'aucun engagement financier important. Même si la plupart d'entre elles se félicitent, à l'instar de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et de Familles rurales, de la mise en place d'un « droit au répit » ou de la création d'un statut de l'aidant familial, mesures que toutes deux avaient elles-mêmes préconisées. L'UNAF se réjouit en particulier de voir reprise sa suggestion d'instaurer un prêt à taux zéro pour les jeunes les plus défavorisés, qu'elle avait présentée en 2001 dans un avis du Conseil économique et social - dont le rapporteur était son propre président (5). Mesure phare, le congé de « soutien familial » est, d'une façon générale, bien accueilli sur le principe. Reste qu'il n'est ni indemnisé, ni rémunéré. « Ce congé est déjà très important », défend, toutefois, François Fondard, président de l'UNAF, qui ajoute que les droits en matière de retraite et de maladie sont maintenus.

Plus sévère, l'Association vivre et vieillir ensemble en citoyens (AVVEC) - constituée de l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées (Adehpa) et de la Fédération nationale des associations de personnes âgées en établissement et de leurs familles (Fnapaef) - estime que cette conférence, en dépit de certaines mesures intéressantes contenues dans les rapports introductifs, « ne débouche que sur des propositions vagues aux financements tout aussi incertains que le plan solidarité-grand âge dévoilé la semaine passée » (6). L'AVVEC demande donc au Premier ministre « d'opérer les arbitrages budgétaires nécessaires en 2006 et dans la préparation des budgets 2007, afin que les bonnes intentions soient réellement financées ».

Le scepticisme est également de mise du côté de l'Union des familles laïques de France (UFAL), qui juge que le congé de « soutien familial » marque « le désengagement de l'Etat dans la prise en charge de la dépendance ». Réserve aussi du côté de la Confédération syndicale des familles (CSF), qui craint que ce congé ne soit qu'« une solution de remplacement à la crise de l'emploi dans les professions qui prennent en charge des personnes âgées ». L'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) déplore d'ailleurs que les mesures annoncées n'intègrent pas davantage le rôle des intervenants professionnels, dont elle souligne la nécessaire coordination avec les aidants familiaux. Pour ces derniers, les dispositions concernant la formation doivent en outre être précisées, « sur le plan de la faisabilité comme du financement », ajoute-t-elle.

Un regret également du côté de Familles rurales : que les mesures n'aient pas plus mis l'accent sur les moyens de mieux informer les familles quant aux dispositifs auxquels elles ont droit - et qu'elles ignorent trop souvent.

Anne-Corinne Zimmer

Notes

(1) Voir ASH n° 2456 du 19-05-06, p. 5.

(2) Ce congé devrait également être ouvert aux professions non salariées.

(3) Voir ASH n° 2462 du 30-06-06, p. 13.

(4) Voir ASH n° 2462 du 30-06-06, p. 7.

(5) Voir ASH n° 2208 du 30-03-01, p. 7.

(6) Voir ASH n° 2462 du 30-06-06, p.13.

LES POLITIQUES SOCIALES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur