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Immigration : la loi Sarkozy II définitivement adoptée par le Parlement

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L'encre des derniers décrets d'application de la loi « Sarkozy » du 26 novembre 2003 est à peine sèche que déjà - et toujours sous l'impulsion du ministre de l'Intérieur - le droit des étrangers en France connaît une nouvelle évolution. En pleine polémique sur la question des régularisations des familles d'enfants sans papiers scolarisés (voir ce numéro, page 33), le Parlement a adopté définitivement, le 30 juin, la loi relative à l'immigration et à l'intégration. Mise en forme législative de la politique d'« immigration choisie » prônée par le pensionnaire de la Place Beauvau - par opposition à « l'immigration subie » -, le texte rend plus difficiles les régularisations et durcit les conditions de l'immigration familiale, tout en entrouvrant la porte de l'immigration de travail. Tour d'horizon des principales mesures et des nouveautés apparues en cours d'examen, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel que les parlementaires de gauche ont l'intention de saisir.

La fin des régularisations automatiques

C'est la mesure ayant suscité les réactions les plus vives : la loi met fin à la délivrance automatique d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à tout étranger justifiant de dix années de présence en France. Devant le tollé provoqué par cette suppression, le gouvernement a fait, par voie d'amendement, inscrire dans le texte ce qu'il considère comme une « soupape de régularisation » : une nouvelle procédure permettant des régularisations au cas par cas, lorsque l'admission au séjour d'un étranger « répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir » (1). La formulation choisie - qui vise des situations allant au-delà de la catégorie des étrangers justifiant de dix ans de résidence habituelle - est volontairement imprécise pour ne pas fixer un cadre trop rigide. Il est prévu toutefois qu'une nouvelle instance - la « commission nationale de l'admission exceptionnelle » - donnera un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour, dans des conditions qui restent à définir (2). Elle pourra également être sollicitée, pour avis, sur un dossier individuel par le ministre de l'Intérieur, lorsqu'il sera saisi d'un recours hiérarchique et souhaitera être éclairé par la commission. En tout état de cause, au final, les préfets continueront d'être compétents pour examiner seuls les demandes de régularisation. Sans qu'on sache encore dans quelle mesure les étrangers pourront se prévaloir des critères que la commission nationale aura dégagés pour contester en justice un rejet de leur requête. La seule obligation pesant sur l'administration ne concerne, en fait, que les demandes formées par un étranger relevant jusqu'ici de la procédure de régularisation automatique. Les préfets sont en effet dorénavant tenus de soumettre ces dossiers particuliers pour avis aux commissions départementales du titre de séjour, déjà existantes.

L'immigration pour des motifs de vie privée et familiale dans le collimateur

La loi durcit les conditions entourant le regroupement familial. Ainsi, un étranger ne devrait pouvoir déposer une demande pour faire venir sa famille qu'au bout de 18 mois de séjour régulier en France, et non plus de 12 mois. La donne change également en matière de justification, par le demandeur, de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille (c'est-à-dire au moins égales au SMIC, quelle que soit la taille de la famille). Contrairement à la pratique en vigueur actuellement, les minima sociaux sont dorénavant exclus expressément du calcul des ressources (3). Par ailleurs, la condition de logement ne s'apprécie plus désormais au niveau national mais dans un contexte local : le demandeur doit disposer d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans une même région géographique. Condition supplémentaire ajoutée par la loi : l'intéressé doit encore justifier « se conformer aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », comme « la liberté de conscience et la liberté individuelle », a précisé le député (UMP) Jean-Patrick Courtois, à l'origine de cet ajout. Le maire, saisi par l'autorité administrative, pourra émettre un avis sur la question. Enfin, la loi donne à l'administration la possibilité, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial - contre deux années auparavant -, de refuser le renouvellement ou de retirer le titre de séjour qui a été remis au conjoint de l'étranger regroupant en cas de rupture de la vie commune. Toutefois, tel ne pourra être le cas si un ou plusieurs enfants sont nés de cette union et si l'étranger, titulaire d'une carte de résident, établit qu'il contribue effectivement, depuis leur naissance, à leur entretien et à leur éducation.

Autre restriction en matière d'immigration familiale : les conjoints de Français doivent dorénavant attendre trois ans après leur mariage - et non plus deux - pour demander une carte de résident. La durée de communauté de vie leur permettant de demander la nationalité française passe, en outre, de deux à quatre ans (cinq s'ils ne justifient pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France depuis le jour de leur mariage). Parallèlement, le délai laissé au gouvernement pour s'opposer, pour indignité ou défaut d'assimilation autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger, est porté de un à deux ans.

Au chapitre des mesures qui n'étaient pas prévues dans le texte initial, on notera en particulier celle permettant à l'un des parents étrangers d'un enfant gravement malade lui-même étranger et soigné en France de bénéficier, sous certaines conditions, d'une autorisation provisoire de séjour sur le territoire, valable six mois et susceptible d'être assortie d'une autorisation provisoire de travail (4). Le parent étranger qui usera de cette possibilité n'aura pas à produire un visa de long séjour, à l'inverse de beaucoup d'autres catégories d'étrangers.

En effet, l'obtention d'un visa d'une durée supérieure à trois mois est dorénavant indispensable pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire. A quelques exceptions près, donc. On retrouve notamment, parmi les personnes dispensées de cette obligation la plupart des étrangers pouvant prétendre de plein droit à une carte de séjour « vie privée et familiale ».

La liste des bénéficiaires de plein droit de ce titre de séjour comprenait jusqu'à présent 11 catégories de personnes, mais la loi Sarkozy II la modifie profondément. Une nouvelle catégorie d'immigrés fait ainsi son apparition : le jeune majeur étranger qui a été confié, depuis qu'il a atteint l'âge de 16 ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et qui s'est inscrit dans un parcours d'insertion qu'il souhaite poursuivre, « sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de l'intéressé dans la société française ». Il n'a pas à présenter de visa de long séjour.

L'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France figure, pour sa part, toujours dans la liste. Mais il doit dorénavant établir qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis au moins deux ans (contre un an auparavant), étant entendu que cette durée ne vaut toujours que dans l'hypothèse où l'étranger n'a pas contribué à l'entretien et l'éducation de l'enfant depuis la naissance de ce dernier. Il est lui aussi dispensé de l'obligation de présenter de visa de long séjour.

La loi supprime par ailleurs une catégorie de bénéficiaires - les étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France (voir ci-dessus) - pour en créer une autre : le conjoint et les enfants d'un titulaire de la carte « compétences et talents » ou de la carte portant la mention « salarié en mission », qui font partie des nouveaux outils de l'immigration « choisie ». Mais, précision importante, ces personnes sont soumises à l'obligation de visa de long séjour. Tout comme les conjoints de Français dépourvus de titre de séjour, eux aussi bénéficiaires de plein droit de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». Ces derniers devraient toutefois rencontrer moins de difficultés que les autres demandeurs pour obtenir un visa. Le sésame ne pourra, en effet, leur être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. En outre, s'ils se sont mariés en France, ils ne seront pas obligés de retourner dans leur pays d'origine pour obtenir ce visa, à condition toutefois d'être entrés sur le territoire régulièrement et de pouvoir justifier de six mois de vie commune en France.

Enfin, des précisions sont apportées sur les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire aux personnes qui ne relèvent d'aucune des autres catégories pouvant bénéficier de la carte « vie privée et familiale » de plein droit, mais dont les attaches particulières en France justifient l'obtention de cette dernière. Plusieurs critères, non exhaustifs, sont désormais inscrits dans la loi. Les administrations et les tribunaux confrontés à des demandes apprécieront ainsi, notamment, l'intensité, l'ancienneté et la stabilité des conditions d'existence de l'intéressé, son insertion dans la société française ou encore la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine.

Dispositions diverses

La signature d'un contrat d'accueil et d'intégration devient obligatoire pour tout étranger admis pour la première fois au séjour en France et qui souhaiterait s'y maintenir durablement. Nouveauté par rapport au texte original : cette obligation pèse aussi sur les primo-arrivants âgés de 16 ans à 18 ans. La notion d'intégration entre aussi dorénavant en ligne de compte pour l'étranger désireux d'obtenir une carte de résident.

Comme prévu, la loi organise par ailleurs la sortie des centres d'accueil pour demandeurs d'asile de la catégorie des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, l'objectif du gouvernement étant, rappelons-le, que ces établissements n'accueillent plus, à terme, que des demandeurs d'asile et non plus des déboutés ou des réfugiés.

Figurent également au menu de la loi diverses mesures ayant trait aux reconduites à la frontière, à la nationalité, aux ressortissants communautaires ou encore à la maîtrise de l'immigration dans les départements et territoires d'outre-mer. Enfin, un pan entier du texte est bien évidemment consacré à la promotion de l'immigration « choisie », avec la création de nouveaux titres de séjour destinés aux migrants hautement qualifiés et à leurs familles ou encore aux étudiants étrangers les plus diplômés.

Nous reviendrons plus en détail sur cette loi « Sarkozy II » dans un prochain numéro.

(Loi à paraître)
Notes

(1) Ce faisant, elle légalise le pouvoir de régularisation au cas par cas que le Conseil d'Etat a reconnu au préfet.

(2) Un décret doit détailler sa composition et ses modalités de fonctionnement. A lire les rapports parlementaires, elle pourrait être composée de responsables des administrations compétentes et de représentants de la société civile. Et, selon le ministre délégué à l'aménagement du territoire, Christian Estrosi, l'association Forum réfugiés aurait d'ores et déjà donné son accord pour y siéger.

(3) Revenu minimum d'insertion, allocation de solidarité aux personnes âgées, allocation temporaire d'attente, allocation de solidarité spécifique, allocation équivalent retraite.

(4) Et notamment lorsque l'état de santé de ce dernier nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont il ne peut bénéficier dans le pays dont il est originaire.

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