Les oppositions aux mesures du projet de loi sur la prévention de la délinquance sont toujours aussi fermes après sa présentation en conseil des ministres, le 28 juin dernier (1). Le bureau de l'Association des maires de France (AMF) (2), qui sont les premiers concernés par la réforme, a adopté une position sans ambiguïté : s'il se réjouit de voir la fonction de coordinateur du maire reconnue, il « ne souhaite pas que les nouvelles compétences confiées aux maires entraînent une confusion entre les missions de chacun des acteurs de la sécurité et un transfert de responsabilités de la part des services de police, de justice ou de l'éducation nationale vers les seuls maires, qu'il s'agisse notamment de tutelle aux prestations familiales ou de rappel à la loi ».
Les maires demandent par ailleurs que les dispositifs mis sous leur responsabilité dans le projet de loi, dont le conseil des droits et devoirs des familles, restent facultatifs. Malgré moult remaniements, l'article sur le secret partagé n'a pas non plus fini d'alimenter les débats : pour que le maire « puisse jouer efficacement son rôle de médiateur », il doit disposer d'une information complète et précise, plaide l'AMF, qui attend que les dispositions concernées soient précisées.
L'analyse de Défense des enfants International (DEI)-France (3) est plus pessimiste : « Au lendemain des événements de l'automne 2005, un rendez-vous avec l'Histoire a été raté. Les mesures sociales et institutionnelles qui s'imposaient n'ont pas été prises et le feu couve dans les banlieues. » L'association dénonce donc l'inadéquation de la réponse, et même « l'inanité » de la stratégie développée par le ministère de l'Intérieur.
Ce texte propose non seulement « la seule répression comme stratégie de prévention », mais il porte, souligne DEI-France, « de sérieux coups de canif au droit pénal des mineurs français ». Parmi ces dérogations : l'introduction du flagrant délit pour les mineurs et le recours à la composition pénale pour des enfants de 13 ans. DEI-France s'interroge par ailleurs sur « l'opportunité de cette quatrième réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 sous la même législature, quand, dans le même temps, on se targue d'une baisse de la délinquance ». Dénonçant le camouflage de « la non-réduction de la fracture sociale par un procès fait aux magistrats », l'organisation présidée par Jean-Pierre Rosenczveig réclame une politique globale et cohérente de prévention de la délinquance. Celle-ci devrait passer, selon elle, par un soutien aux parents dans l'exercice de leurs responsabilités, « en tenant compte de la diversité des situations familiales et du souci d'apporter un soutien aux familles issues de l'immigration », par une aide aux enfants « pour accéder à des conditions de vie décentes et à l'éducation » et par la promotion des droits de l'enfant.
Mêmes observations de la part de l'Association nationale des assistants de service social (4), qui constate, malgré des améliorations dans la dernière version du texte - dont l'abandon, pour le travailleur social, de l'obligation systématique d'informer le maire -, une « philosophie » qui repose encore sur le contrôle et la stigmatisation des familles.
Parmi les dispositions qui l'inquiètent : la constitution d'un fichier national des personnes hospitalisées d'office, qui place les personnes malades « dans la position de coupables potentiels ». Ce projet est également condamné par la Fédération CGT de la santé et de l'action sociale (5), selon laquelle cet amalgame « ne peut que concourir à l'isolement des malades, à une culpabilisation de l'entourage et à un retour à une conception aliéniste de la psychiatrie ».
(2) AMF : 41, quai d'Orsay - 75343 Paris cedex 07 - Tél. 01 44 18 14 14.
(3) DEI-France : 30, rue Coquillière - 75001 Paris - Tél. 06 85 84 94 54.
(4) ANAS : 15, rue de Bruxelles - 75009 Paris -Tél. 01 45 26 33 79.
(5) Fédération CGT de la santé et de l'action sociale : 263, rue de Paris - Case 538 - 93513 Montreuil cedex - Tél. 01 48 18 20 99.