Environ 800 familles, avait estimé le ministère de l'Intérieur, seraient concernées par la circulaire du 13 juin sur la régularisation sous certaines conditions des familles ayant au moins un enfant scolarisé en France (1). Au 1er juillet, elles étaient déjà 1 900, selon la préfecture de police de Paris, à s'être déclarées dans l'un des trois centres de réception des étrangers de la capitale. Les rendez-vous en préfecture doivent être pris avant la fin août, pour des entretiens qui vont s'étaler jusqu'en septembre.
Dans ce contexte tendu, la nomination par le ministre de l'Intérieur de l'avocat Arno Klarsfeld comme médiateur national n'apaise pas l'angoisse des associations, qui y voient plutôt une opération de communication. Les critères de régularisation « sont si flous, et laissent tant de place à l'arbitraire, que Monsieur Sarkozy n'a pas osé assumer lui-même la responsabilité de leur mise en oeuvre », s'indigne la Ligue des droits de l'Homme (LDH). Elle doute du pouvoir d'intervention du médiateur, qui estime à l'inverse que les critères requis sont « souples, larges et généreux ». « Comment concilier la circulaire du 13 juin et les instructions du ministre ? », s'interroge Amnesty International France, s'inquiétant particulièrement du sort réservé aux déboutés du droit d'asile et « des instructions répétées aux préfectures de faire du chiffre » en matière d'expulsions. Même scepticisme du côté de la Confédération syndicale des familles, selon laquelle les quelques régularisations promises « ne peuvent cacher la réalité de la politique du gouvernement : limiter le regroupement familial et organiser une immigration choisie selon les besoins économiques de la France ». France terre d'asile, qui en appelle à une régularisation massive des sans-papiers, réclame quant à elle une harmonisation des pratiques préfectorales. Pour cela, « il est nécessaire d'activer les commissions départementales du titre de séjour en permettant aux associations d'y siéger et aux personnes en demande de régularisation de s'y exprimer ».
Avec la contestation, l'action s'organise partout en France pour soutenir les familles. Après la manifestation du 1er juillet, à l'appel du Réseau éducation sans frontières (RESF) et du collectif « Uni(e)s contre l'immigration jetable » - qui a rassemblé 50 000 personnes selon les organisateurs, 7 200 selon la police -, les mouvements de « désobéissance civile » se multiplient. La Fédération des centres sociaux de Paris affirme sa solidarité avec les centres sociaux qui, « de leur initiative et en conscience, se mobilisent de façon concrète pour éviter la reconduite à la frontière » des enfants. Des dizaines de cérémonies de parrainage de familles et d'enfants sans papiers se sont déroulées en région. RESF et la Cimade mettent à disposition, jusqu'au 3 septembre, un numéro Indigo : 08 20 20 70 70 (0,09 centimes la minute). Il vise à orienter et à soutenir les familles avec enfants scolarisés et les jeunes majeurs scolarisés sans papiers et à permettre « aux citoyens de manifester une solidarité active en participant au réseau de veille et d'alerte ». A l'initiative de la LDH, une cinquantaine de personnalités issues des secteurs associatif, culturel, scientifique et politi-que ont lancé un appel à « violer la loi » (2) pour s'opposer aux mesures d'expulsion et protéger les familles.
Le mouvement de résistance gagne aussi les élus. Après le parrainage collectif d'une trentaine d'enfants et de parents à l'Assemblée nationale par des élus nationaux et locaux, le député (PCF) Patrick Braouzec a annoncé, le 30 juin, la création d'un « comité de vigilance parlementaire ». Composé de neuf sénateurs et de onze députés - tous de gauche (Verts, PS et PCF) à l'exception du député UMP Etienne Pinte -, il travaillera tout l'été avec les collectifs associatifs afin « qu'aucune expulsion ne puisse être rendue effective ».
Ce raz-de-marée solidaire fait des émules : à l'image de RESF, une trentaine d'organisations, dont l'Union nationale des étudiants de France, la FSU, la LDH et le Groupe d'information et de soutien des immigrés, ont lancé le 29 juin à Paris le Réseau universités sans frontières, qui entend s'opposer à l'expulsion d'étudiants étrangers.
(2) Disponible sur