Recevoir la newsletter

« Les CCAS doivent évoluer et innover »

Article réservé aux abonnés

L'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas) (1) a fêté son 80e anniversaire le 29 juin. Elle mise désormais sur l'intercommunalité, le partenariat avec les départements et les services à domicile, explique son président, Patrick Kanner, adjoint au maire de Lille et premier vice-président du conseil général du Nord.

Actualités sociales hebdomadaires : Pourquoi ces festivités ?

Patrick Kanner : Nous avons d'autant plus souhaité marquer cette décennie que les CCAS ont été menacés de disparition en 2003-2004. Un amendement sénatorial, soutenu à l'époque par le représentant du gouvernement, rendait leur existence facultative (2). Notre protestation s'est traduite par une pétition signée par 11 500 élus de toutes sensibilités. C'était l'occasion de les remercier. Nous célébrons aussi l'événement en publiant une monographie sur l'histoire et les grands enjeux de l'action sociale de proximité (3).

Quelques mots sur cette union octogénaire ?

- Elle est née en 1926 à Lille, à l'initiative des bureaux de bienfaisance de Lille, Roubaix et Tourcoing, qui créent d'abord une union départementale, puis une union nationale en 1929. Le Nord reste d'ailleurs le premier département par le nombre avec plus de 300 CCAS adhérents (sur 653 communes). Au plan national, nous rassemblons 3 350 membres. L'effectif peut paraître faible rapporté aux 36 000 communes de France, mais nous couvrons 95 % des villes de plus de 10 000 habitants et 40 millions de personnes au total, soit les deux tiers de la population. Nous rassemblons des CCAS de toutes tailles, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, celui de Paris qui compte 6 000 agents. Nous représentons aussi une grande diversité d'initiatives et de réponses sociales de proximité, les CCAS ayant très peu de compétences obligatoires.

Les CCAS ont une longue histoire...

- De plus de 200 ans : ils sont les petits-enfants des bureaux de bienfaisance issus de la Révolu-tion française, créés en 1796. Les bureaux d'aide sociale leur succèdent en 1953. Ils sont transformés en CCAS le 6 janvier 1986. C'est donc aussi, d'une certaine façon, leur 20e anniversaire.

Dans ce survol historique, vous ne mentionnez pas l'émergence de l'intercommunalité...

- A mon sens, cela reste encore un chantier d'avenir. Certes, nous avons pu faire voter en décembre 2004 deux textes favorisant le développement des centres intercommunaux d'action sociale (CIAS) (4). Mais le travail est devant nous, puisqu'on ne compte actuellement que 200 CIAS environ. Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'une réponse réaliste pour organiser le service social de proximité dans un pays qui comporte tant de petites et moyennes communes. J'ai été récemment reçu par le CIAS de la communauté d'agglomération du Grand Carcassonne. J'y ai vu des élus de toutes tendances créant des outils pour la petite enfance, les familles, les personnes âgées... dont aucune commune isolée n'aurait pu se doter - faute d'ingénierie, de finances, d'audace politique -, sauf la ville centre.

Où en sont vos relations avec les départements, chefs de file de l'action sociale ?

- ...Et dont les compétences s'accroissent considérablement. Il me semble que, plus leurs compétences sociales augmentent, plus ils ont besoin de trouver des bras séculiers pour mettre en oeuvre tout ou partie de leur politique. Je les vois mal multiplier les antennes ou les relais... Ils ont tout intérêt à passer contrat avec les structures de proximité que sont les CCAS-CIAS. Entendons-nous : ceux-ci ne sont pas de purs exécutants des politiques qui seraient décidées ailleurs, mais des développeurs éclairés qui apportent leur connaissance et leur analyse du terrain et des besoins locaux.

Vous-même, vous voulez développer les unions départementales de CCAS...

- Il existe partout des délégations départementales des CCAS-CIAS, mais nous poussons à la création d'unions départementales structurées sous une forme associative, ayant la personnalité juridique, pour nous constituer en interlocuteur indiscutable des conseils généraux. Ces unions sont déjà organisées dans la moitié des départements.

Le développement de partenariats intelligents entre le département et les communes est d'autant plus important que l'Etat est de moins en moins présent sur le terrain. Un exemple : alors que le département du Nord rassemble 2,5 millions d'habitants, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ne compte guère que 200 agents. C'est un interlocuteur qui manque cruellement de moyens humains.

Pourtant, peu de départements ont associé les CCAS aux nouvelles maisons départementales des personnes handicapées (5)...

- Nous nous étions battus pour être membres de droit de la commission exécutive de ces maisons départementales, mais on ne gagne pas à tous les coups. Notre présence dans cette instance dépend donc de la bonne volonté de chaque conseil général. Cela me semble incohérent car nous sommes membres de droit du conseil de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui harmonise leurs actions.

Néanmoins, certains départements feront sans doute appel aux CCAS pour faire face aux centaines ou aux milliers de dossiers qu'ils devront instruire pour la prestation de compensation. Et puis, les citoyens eux-mêmes viennent plus souvent frapper à la porte des communes qu'à celle des départements. Un sondage déjà ancien avait montré que les deux organismes sociaux les plus connus des Français étaient les caisses d'allocations familiales et les bureaux d'aide sociale. Le résultat serait le même si l'enquête était refaite aujourd'hui.

L'Unccas s'est associée à la création d'une enseigne de services à la personne. Pourquoi ?

- C'est effectivement l'un de nos grands chantiers. Notre union préside France Domicile, la première enseigne de France par l'implantation et le nombre de services, et c'est un signe fort de notre engagement (6). L'enjeu est très important pour les prochaines années. Nous n'avons pas droit à l'erreur, car la concurrence s'annonce vive sur le terrain. Historiquement, nos services se sont souvent tournés vers les personnes âgées, qui formaient l'essentiel des « économiquement faibles » des trente glorieuses. Il s'agit maintenant de répondre aux besoins de toutes les catégories de la population, y compris des plus modestes. Nous sommes demandeurs d'un débat sur le moyen de faire accéder les familles non imposables aux services à domicile, elles qui ne bénéficient pas de l'incitation accordée aux autres ménages via la déduction fiscale.

En tout cas, je vois dans notre engagement en la matière le signe que les services publics savent évoluer, explorer de nouveaux champs d'intervention, aller de l'avant. De plus en plus d'élus en charge des CCAS ont l'esprit d'entreprise. Avant, il faut bien le dire, le social était la dernière roue du carrosse. Prendre ce secteur en charge était moins valorisant que de s'occuper du développement économique, de la culture ou du sport. Maintenant, les politiques sociales sont portées par des élus dont le poids politique est de plus en plus important. Je m'en suis rendu compte lors des dernières élections cantonales et régionales. Des collègues qui s'étaient fait connaître de leurs pairs par leur implication dans le champ social ont été amenés à prendre d'autres responsabilités au plan départemental ou régional. C'est un signe. Comme toutes les autres structures, les CCAS et CIAS sont condamnés à s'adapter, à évoluer, à innover, afin de trouver la réponse la plus pertinente face à l'évolution de la demande et des besoins des usagers.

Le projet de loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance, qui vient d'être présenté en conseil des ministres (7), donne au maire un pouvoir de sanction. Qu'en pensez-vous ?

- L'un de vos confrères a parlé de « maire fouettard »... Je n'en pense pas de bien, de même que de nombreux élus, de toutes tendances politiques. Les associations d'élus n'ont d'ailleurs pas été consultées sur ce projet (8). On ne peut faire ce coup-là aux maires ! Ne serait-ce que parce que, sauf dans les grandes villes, ils n'ont pas les équipes pour faire face. Et puis, le maire, qui a un rôle de médiateur, ne doit pas détenir de pouvoir de sanction. Il me semble que l'on dit trop vite que les institutions chargées de la répression, police, gendarmerie, justice, ont échoué dans leur mission. Il faut d'abord aller voir de ce côté ce qui doit et peut être amélioré.

C'est aussi le partage des informations détenues par les travailleurs sociaux qui pose question...

- J'ai tendance à penser qu'il s'agit d'un faux débat. Le maire, les administrateurs des CCAS sont, eux aussi, soumis au secret professionnel. Quand un climat de confiance règne entre les élus et les travailleurs sociaux, il n'y a pas de problème. Le maire ou son représentant doit rester à sa place, avoir une visée stratégique et ne pas entrer dans le détail des dossiers. Il doit faire confiance aux travailleurs sociaux. Il peut toujours discuter avec eux, notamment quand il est sollicité directement par l'usager.

Bien sûr, il peut exister des difficultés ici ou là, mais je suis opposé à ce que la loi institue le secret partagé. Je préfère une approche coutumière plutôt que législative ou réglementaire. Inutile de crisper les réflexes professionnels. D'autant que la loi prévoit déjà que le secret peut, et même doit, être rompu en cas de danger, pour un enfant par exemple. Cette affaire ressemble à une initiative médiatique propre à flatter certaines catégories plus qu'à une réforme mûrement réfléchie.

Quel est l'avenir des logements-foyers, dont les CCAS gèrent 70 % du parc ?

- Contrairement à ce qui était envisagé, nous pensons qu'il ne faut pas transformer tous les logements-foyers en maisons de retraite médicalisées. Sachant que l'âge moyen d'entrée dans ces dernières tourne autour de 83-85 ans, je dirai, en simplifiant, qu'il existe une frange de la population des 75-85 ans qui souhaite garder une vie autonome mais sécurisée, pour qui le logement-foyer reste une solution intéressante. Nous sommes en train de gagner la bataille. Les assouplissements envisagés en matière de règles de sécurité vont dans le bon sens (9).

Cela n'enlève rien à la nécessité d'un grand plan de modernisation et de réhabilitation des établissements, la plupart ayant été créés dans les années 70. Un plan que les communes ne pourront mener sans aide. J'imagine, par exemple, qu'un grand et riche établissement comme la Caisse des dépôts pourrait être mobilisé afin de proposer des prêts à taux zéro. Cela serait utile et créerait des emplois !

Où en sont les discussions sur le statut des directeurs de CCAS ?

- Ce dossier avance bien avec nos partenaires de l'Association nationale des cadres communaux de l'action sociale (Anccas). Ils devraient bientôt avoir un vrai statut, sans devoir passer par la case de directeur général adjoint de la commune, comme j'ai dû le faire moi-même quand j'étais directeur du CCAS de Roubaix.

Les directeurs occupent un poste stratégique et gèrent la cité sous ses aspects souvent les plus délicats et les plus difficiles. Cela doit être reconnu à sa juste valeur. La prochaine loi réformant la fonction publique territoriale devrait en fournir l'occasion.

Quid des directeurs des établissements créés par les CCAS ?

- Avalons les plats les uns après les autres ! Il est clair, en tout cas, que nous ne voulons pas donner à chaque structure, crèche, logement-foyer..., un statut d'établissement autonome. Nous voulons garder la cohérence d'un seul établissement public, le CCAS ou CIAS.

Notes

(1) Unccas : 6, rue Faidherbe - BP 568 - 59208 Tourcoing cedex - Tél. 03 20 28 07 50.

(2) Voir ASH n° 2348 du 27-02-04, p. 39.

(3) Combattre l'exclusion. Des bureaux de bienfaisance aux CCAS, une histoire de l'action sociale de proximité - Editions Public Histoire : 51, rue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny - 91450 Soisy-sur-Seine - Tél. 01 60 75 85 61.

(4) Dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale - Voir ASH n° 2386 du 17-12-04, p. 38.

(5) Voir ASH n° 2458 du 2-06-06, p. 33.

(6) Voir ASH n° 2458 du 2-06-06, p. 35.

(7) Voir ce numéro, p. 5.

(8) Voir ASH n° 2458 du 2-06-06, p. 36.

(9) Voir ASH n° 2448 du 24-03-06, p. 39.

LES ACTEURS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur