Le système français a produit une situation paradoxale : les personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux sont en majorité prises en charge par le système pénitentiaire, en raison, essentiellement de l'évolution des conditions d'appréciation de la responsabilité pénale de l'individu, mais aussi du souci de la réparation des victimes. Le rapport d'information de la commission des lois du Sénat « sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses » (1), estime ainsi que 23 % des détenus sont atteints de troubles mentaux, une proportion qui monte à 30 % parmi les condamnés à de longues peines. Or la prison ne constitue pas « le cadre le plus propice pour traiter les pathologies et la durée de la peine n'est pas nécessairement en phase avec l'évolution de la dangerosité de l'individu », souligne-t-il. D'autant que la prise en charge en milieu carcéral, s'avère nettement insatisfaisante : l'établissement pénitentiaire de Château-Thierry spécialisé dans l'accueil des détenus malades mentaux ne compte ainsi qu'un seul psychiatre, rapportent les sénateurs. De plus, le suivi de ces personnes se heurte à une connaissance insuffisante de leur dangerosité et aux moyens limités consacrés à leur suivi socio-judiciaire.
La commission fait donc une série de propositions : l'expertise, conduite actuellement de manière isolée et intervenant tardivement, devrait se voir renforcée par la mise en place de « centres d'expertise » où serait placée pendant 25 jours la personne suivie, sous la responsabilité d'une équipe pluridisciplinaire. Ces structures pourraient intervenir à tout moment, pour préparer une libération conditionnelle par exemple. Le rapport suggère également la création « d'unités hospitalières spécialement aménagées de long séjour », adossées aux futures unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Ces UHSA de long séjour permettraient la prise en charge, sous responsabilité médicale, des délinquants dangereux atteints de troubles mentaux. Ces derniers pourraient être accueillis pour toute la durée de leur peine et au-delà : si l'état de dangerosité devait persister, le tribunal de l'application des peines ou le juge des libertés et de la détention pourrait prolonger leur séjour pour une durée de deux ans. La commission souhaite aussi renforcer le suivi des personnes après leur libération : le juge de l'application des peines pourrait prononcer une injonction de soins, indépendamment d'une condamnation à un suivi socio-judiciaire, pour les personnes dont une double expertise concordante aurait dans les six mois précédant la remise en liberté attesté la permanence d'un trouble mental. Enfin, la mise en place d'un fichier des personnes condamnées ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office ou d'un placement dans une unité hospitalière spécialement aménagée de long séjour devrait être envisagée « pour permettre un meilleur suivi sanitaire ».
(1) Rapport d'information de la commission des lois du Sénat n° 420 - Philippe Goujon et Charles Gautier - Juin 2006 - Disponible sur