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Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance présenté en conseil des ministres

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Le texte était dans les cartons du ministère de l'Intérieur depuis 2003. Il en est ressorti opportunément à l'automne dernier, en réponse aux émeutes qui ont secoué les banlieues. Après avoir fait l'objet d'ultimes ajustements à la suite des arbitrages rendus par Matignon, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance a été présenté le 28 juin en conseil des ministres. Il entamera en principe son parcours parlementaire en septembre, au cours d'une session extraordinaire. Touchant à des sujets aussi divers que le secret professionnel des travailleurs sociaux, l'internement psychiatrique ou le régime des mineurs délinquants, il fait du maire le nouveau « patron » de la prévention de la délinquance, en lui offrant notamment de nouvelles possibilités d'action en matière de contrôle social de ses administrés. Tour d'horizon des principales dispositions.

Le rôle pivot du maire

Le projet de loi consacre le rôle central du maire dans l'animation et la coordination de la politique de prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune. Pour lui permettre d'assurer pleinement cette tâche, le texte en fait le récepteur d'un certain nombre d'informations nominatives sur ses administrés. Alors que la loi Perben II du 9 mars 2004 permet d'ores et déjà aux élus d'être informés sur les actes de délinquance commis dans leur ville (1), le projet de loi va beaucoup plus loin en étendant cette possibilité à des informations à caractère social, scolaire et même sanitaire.

Dossier particulièrement sensible : la question de la transmission au maire de données à caractère personnel par les travailleurs sociaux. Le texte aura été, sur ce point, retravaillé au cours de ces derniers mois. Il impose finalement à tout professionnel de l'action sociale d'informer le maire de la situation d'une personne ou d'une famille lorsque celle-ci nécessite l'intervention de plusieurs professionnels compte tenu de « la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles » que le ou les intéressés rencontrent. Intervenant seul à ce stade, le travailleur social devrait être « autorisé » à révéler au maire les informations confidentielles « nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif ». Au cas où plusieurs professionnels interviendraient auprès d'une même personne ou d'une famille, le maire devrait désigner parmi eux un coordonnateur, après consultation du conseil général. Professionnels et coordonnateur devraient être « autorisés » à partager entre eux les informations et documents « nécessaires à la continuité et à l'efficacité de leurs interventions », tout en restant tenus au secret professionnel. Autrement dit, le projet de loi offre, comme prévu, une consécration législative au secret partagé. Il « autorise » également le coordonnateur à révéler au maire les informations confidentielles « nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif ».

Par ailleurs, afin qu'il puisse améliorer le suivi de l'obligation d'assiduité scolaire, le maire devrait pouvoir enregistrer dans un fichier des informations à caractère personnel sur les enfants en âge scolaire de sa ville. Cette base de données devrait être alimentée par les caisses d'allocations familiales mais aussi par l'inspecteur d'académie, à qui le projet de loi impose de communiquer au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune à qui il a notifié un avertissement.

Mieux informé, le maire devrait se voir confier, par ailleurs, de nouveaux pouvoirs de sanction à l'égard de ceux que le gouvernement appelle « les parents défaillants ». Placé à la tête d'un « conseil des droits et devoirs des familles », il devrait pouvoir proposer un « accompagnement parental » - c'est-à-dire « un suivi individualisé au travers d'actions de conseil et de soutien à la fonction éducative » - et saisir, en cas d'échec de la démarche, le président du conseil général en vue de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale (2). Il devrait également pouvoir effectuer des rappels à l'ordre ou encore demander à la caisse d'allocations familiales de mettre en place en faveur des intéressés un dispositif d'accompagnement à l'utilisation des prestations familiales. Enfin, l'édile pourrait proposer au juge des enfants saisi pour mettre en place une tutelle aux prestations sociales, de désigner comme tuteur le professionnel coordonnateur de la commune.

Le pouvoir du maire devrait encore être renforcé en matière d'internement psychiatrique, un domaine profondément modifié par le projet de loi. On citera en particulier la création d'une période d'observation de 72 heures au maximum, au lieu de 24 heures actuellement. En outre, à l'instar du préfet, le maire devrait pouvoir prononcer l'hospitalisation d'office non seulement, comme aujourd'hui, si les troubles mentaux de l'intéressé représentent un danger imminent pour la sûreté des personnes, mais également s'ils portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le projet de loi prévoit encore la création d'un fichier national des personnes hospitalisées d'office, dans lequel les intéressés pourraient figurer jusqu'à cinq ans après leur internement. Un bouleversement des règles est également à prévoir en matière de « sorties d'essai des établissements psychiatriques ». Le projet de loi impose notamment que le maire soit systématiquement informé des décisions de sorties des malades, et donc de l'identité de la personne concernée, de son adresse, du calendrier de ses visites médicales obligatoires ou encore, le cas échéant, de sa date de retour à l'hôpital.

Les mineurs délinquants dans le collimateur

La réforme de l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante est un autre des points saillants du projet de loi. Le texte propose, comme prévu, d'élargir la palette des sanctions susceptibles d'être prononcées à l'égard de mineurs. L'avertissement solennel, déjà utilisé de manière prétorienne par les procureurs de la République, devrait être consacré par la loi. En outre, les parquets devraient pouvoir user de la composition pénale à l'égard des mineurs d'au moins 13 ans et proposer, dans ce cadre, l'exécution d'une ou de plusieurs obligations comme l'accomplissement d'un stage de formation civique, le suivi de façon régulière d'une scolarité ou d'une formation professionnelle ou encore la consultation d'un psychiatre ou d'un psychologue.

Une nouvelle mesure - dite « d'activité de jour » - devrait, par ailleurs, être créée. Susceptible d'être proposée dans le cadre d'une composition pénale, mais aussi d'être décidée en matière correctionnelle par une juridiction pour enfants, elle devrait consister en la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire au sein du service de protection judiciaire de la jeunesse auquel il est confié ou encore, par exemple, auprès d'une association habilitée à organiser de telles activités.

Le projet de loi donne également la possibilité au tribunal pour enfants d'ordonner le placement d'un enfant d'au moins 10 ans, pour une durée de un mois, « dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation habilité permettant la mise en oeuvre d'un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel » ou encore « dans un établissement scolaire doté d'un internat pour une durée correspondant à une année scolaire avec autorisation pour le mineur de rentrer dans sa famille lors des fins de semaine et des vacances scolaires ».

A signaler également : la limitation du nombre d'admonestations et de remises à parents, une diversification des mesures de contrôle judiciaire pour les 13-16 ans ou encore la création de stages de responsabilité parentale, que les parquets devraient pouvoir imposer aux parents négligeant leurs enfants délinquants.

Enfin, un nouveau concept devrait faire son apparition : la « présentation immédiate » des mineurs récidivistes âgés de 16 à 18 ans devant une juridiction pour enfants aux fins de jugement. Toujours au chapitre des nouvelles réponses à la délinquance mais cette fois-ci concernant les majeurs, une peine de sanction-réparation devrait être créée. Elle pourrait être prononcée en cas de délit puni d'une peine d'emprisonnement, à la place ou en même temps que celle-ci. Le projet de loi propose encore d'élargir le cercle des structures susceptibles de proposer des travaux d'intérêt général.

A noter : figurent également au menu de ce projet de loi un certain nombre de dispositions ayant trait à la délinquance sexuelle, à la lutte contre la toxicomanie (avec notamment le développement à tous les stades de la procédure pénale des injonctions thérapeutiques), à la création d'un service volontaire citoyen de la police nationale « destiné à accomplir des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi » ou encore à la lutte contre les violences conjugales.

Nous reviendrons plus en détails sur l'ensemble de ce projet de loi dans un prochain numéro.

Notes

(1) Voir ASH n° 2360 du 21-05-04, p. 17.

(2) Voir ASH n° 2451 du 14-04-06, p. 19.

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