Le projet de loi de Philippe Bas sur la protection de l'enfance (1), adopté en première lecture au Sénat le 21 juin, a déjà subi d'importantes modifications avant la poursuite de son examen au Parlement en septembre. Si certaines vont dans le bon sens et reprennent en partie ses propositions d'amendements, estime l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) (2), d'autres suscitent pour le moins de vives interrogations.
Au rang des inquiétudes : la création d'un « Fonds national de financement de la protection de l'enfance » au sein de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) - alimenté par la CNAF et par l'Etat - et dont l'objet serait de compenser les charges résultant pour les départements de la mise en oeuvre de la réforme. Revient-il à la CNAF de financer l'ensemble des mesures de protection de l'enfance, comme le texte le laisse entendre, alors que la compensation par le budget de l'Etat est prévue par voie constitutionnelle ?, s'interroge Karine Métayer, conseillère technique chargée de l'enfance et de la famille à l'Uniopss.
L'organisation s'alarme également de l'élargissement du champ des acteurs concernés par le partage du secret professionnel : seraient désormais visés non seulement les intervenants soumis au secret professionnel et participant aux missions de protection de l'enfance, mais aussi ceux « qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance » ou qui « lui apportent leur concours ». Quant à la proposition de l'Uniopss de recueillir le consentement des parents avant la transmission d'information les concernant, elle a été rejetée.
L'union déplore par ailleurs, tout comme les collectifs de résistance à la délation et « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans » (3), l'introduction, parmi les missions de la protection maternelle et infantile, du dépistage précoce et obligatoire des troubles du comportement de l'enfant, disposition initialement contenue dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance (4).
Quant au document signé entre les représentants de l'aide sociale à l'enfance et les parents et qui doit préciser les actions mises en oeuvre, leurs objectifs et le rôle des parents, il « ne doit pas être un contrat de prise en charge avant la lettre », prévient l'Uniopss. Aussi déplore-t-elle que le projet de loi adopté au Sénat ne distingue toujours pas ce document des outils créés par la loi du 2 janvier 2002 (document individuel de prise en charge, contrat de séjour), comme elle l'avait réclamé.
Craignant, comme les magistrats, que les compétences des juges des enfants soient vidées de leur substance, l'organisation regrette que les sénateurs n'aient pas réintroduit explicitement, comme elle l'avait suggéré, la possibilité d'une saisine directe du juge des enfants. Elle relève également « l'ambivalence » de la notion « d'informations préoccupantes » recueillies par la cellule départementale de signalement. L'absence de définition, « si elle laisse le champ libre à l'appréciation éclairée du professionnel, ouvre aussi la porte à l'arbitraire ou à la négligence », déplore-t-elle.
Autre regret, enfin, pour l'Uniopss : ne pas avoir réussi à faire revenir à une élaboration conjointe entre l'Etat et le département des schémas départementaux de protection de l'enfance, les conseillers généraux étant seuls compétents depuis la loi du 13 août 2004.
Une satisfaction néanmoins sur la disposition qui prévoyait la séparation des mineurs dans des unités de vie distinctes selon les raisons de leur prise en charge. Si l'article demeure, les sénateurs ont modifié la manière de distinguer les jeunes : ils ne seraient plus séparés selon la nature de la saisine judiciaire, mais « en fonction du projet éducatif de chacun d'entre eux ». Ce qui supprime, du moins dans le texte, le « clivage » entre les mineurs délinquants et les mineurs ayant besoin d'une protection, estime l'Uniopss.
Cette dernière se réjouit également de plusieurs avancées, comme la prise en compte des associations dans le dispositif départemental de protection de l'enfance, l'association des pères aux consultations de prévention médico-sociale et l'information du mineur par le juge de son droit à être entendu lors de toute procédure le concernant.
(2) Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex - Tél. 01 53 36 35 00.
(4) Qui vient d'être présenté en conseil des ministres - Voir ce numéro, p. 5.