Les organisations récemment reçues au comité interministériel de prévention de la délinquance dénoncent à l'unisson la méthode qui a présidé à l'élaboration du projet de loi de prévention de la délinquance, qui devrait être présenté en conseil des ministres le 28 juin. Reçue le 15 juin, la Conférence permanente des organisations professionnelles du social (CPO) (1) regrette « une nouvelle fois qu'un processus de rencontres et d'échanges réunissant les organisations professionnelles et l'ensemble des ministères concernés n'ait pas été engagé avant la rédaction du texte ». Pour elle, « le débat parlementaire qui aura lieu ne remplacera pas le débat public qui était nécessaire » sur un sujet aussi lourd d'enjeux. « Nous ne partageons pas la conception de la prévention développée dans ce projet, insiste la CPO. Nous ne voyons pas où est l'intérêt des usagers. Nous constatons le glissement d'une logique d'accompagnement social par les professionnels vers une logique sécuritaire. Cette confusion est grave. » Seule la responsabilité individuelle prévaut, renchérit la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants, fustigeant « une logique stigmatisante ».
Un mélange des genres sur lequel revient le Conseil supérieur du travail social (CSTS) dans un avis daté 10 juin, en complément de celui adopté le 17 mai dernier (2). Vouloir modifier les compétences en matière d'action sociale et leur répartition, c'est « ignorer des organisations et des modalités de coopération déjà prévues par la loi dans le champ de l'action sociale, sans avoir effectué d'évaluation », souligne l'instance. Jugeant « très préjudiciable - voire contre-productif - d'englober l'action sociale dans la prévention de la délinquance » et de modifier les « textes fondamentaux de l'action sociale », elle rappelle les compétences que les centres communaux d'action sociale (CCAS) peuvent exercer par convention avec le conseil général : « pour coordonner l'action sociale de proximité, il est inutile de créer un nouveau montage avec le maire, car il est tout à fait possible de mieux utiliser, voire de développer la palette de dispositions de proximité existantes, notamment le CCAS. »
De son côté, l'Association nationale des assistants de service social (ANAS) s'irrite de voir que, malgré ses analyses très fournies, partagées par le CSTS, le projet de loi de Nicolas Sarkozy ne tient pas compte des méthodologies d'intervention des professionnels du social et prévoit toujours la transmission d'informations soumises au secret professionnel au maire. Elle demande avec fermeté le retrait du texte, sans proposer d'amendements : « Nous appelons les professionnels de l'action sociale à s'informer et se mobiliser afin de ne pas laisser passer un tel texte, une telle méthode, un tel mépris. » L'Union nationale des syndicats autonomes, ainsi que la Fédération syndicale unitaire (FSU), le Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique-FSU et l'Union syndicale de la psychiatrie s'indignent de la même façon du « passage en force » du gouvernement.
(1) Qui réunit l'AIRe, l'ANAS, les CEMEA, Education et société, la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants, France ESF, la Ligue des droits de l'Homme-Travail social, le Mouvement national pour la coordination en travail social, Pratiques sociales et Témoins et solidaires.