A l'occasion de l'ouverture du débat sur le projet de loi sur l'immigration et l'intégration, le 6 juin, au Sénat, Nicolas Sarkozy avait esquissé un geste en direction des familles d'enfants sans papiers scolarisés en France, promettant des régularisations au cas par cas au regard de critères d'ordre humanitaire (1). Au vu du flou entretenu autour des conditions à remplir, ses instructions aux préfectures étaient très attendues. Sa circulaire a été signée le 13 juin et envoyée le lendemain aux préfets.
Comme prévu, le ministre de l'Intérieur demande avant tout aux représentants de l'Etat d'informer, systématiquement et de manière personnalisée, les familles d'étrangers clandestins « comportant au moins un enfant mineur scolarisé, y compris les familles monoparentales », des modalités possibles de retour volontaire. Afin de rendre ce programme encore plus incitatif, le montant de l'aide (2) pourra être doublé pour les familles qui auront demandé à en bénéficier dans un délai de deux mois suivant la publication de la circulaire. Autrement dit, pour ces personnes, elle sera de 4 000 € pour un adulte seul, 7 000 € par couple, auxquels s'ajouteront 2 000 € par enfant mineur jusqu'au troisième, puis 1 000 € par enfant.
Les familles qui n'auront pas été « convaincues » verront leur situation examinée au regard du séjour, dès qu'elles en feront la demande dans le même délai de deux mois à compter de la publication de la circulaire. C'est alors seulement que pourront intervenir des régularisations, « de manière exceptionnelle et humanitaire, dans l'intérêt des enfants, afin de leur permettre de sortir d'une situation de précarité et de pouvoir bénéficier des conditions d'une intégration satisfaisante en France », explique le ministre. Plusieurs critères sont posés, à charge pour les préfets de les prendre en compte dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation :
« résidence habituelle en France d'au moins l'un des parents, depuis au moins deux ans à la date de la publication de la circulaire ;
scolarisation effective d'un de leurs enfants au moins en France, y compris en classe maternelle, au moins depuis septembre 2005 ;
naissance en France d'un enfant ou résidence habituelle en France d'un enfant depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans ;
absence de lien de cet enfant avec le pays dont il a la nationalité ;
contribution effective du ou des parents à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance, dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil (3) ;
réelle volonté d'intégration de ces familles caractérisée, au-delà de la scolarisation des enfants, notamment par leur maîtrise du français, le suivi éducatif des enfants, le sérieux de leurs études et l'absence de trouble à l'ordre public. »
Soulignant « le caractère ponctuel de ces dispositions d'admission exceptionnelle au séjour », Nicolas Sarkozy insiste : seules les familles qui auront refusé l'aide au retour, auront déposé leur demande dans les deux mois qui suivent la publication de la circulaire et dont les préfets estimeront qu'elles remplissent, à cette date, les critères définis par la Place Beauvau, ont vocation à en bénéficier.Le ministre de l'Intérieur veut faire vite. Il appelle les préfets à statuer sur chaque demande d'admission exceptionnelle au séjour dans un délai de un mois suivant la réception de la requête et, en tout état de cause, avant la rentrée scolaire de septembre 2006. Les personnes admises se verront délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
Quid de l'avenir ? Le ministre indique simplement que, face à des familles placées dans des situations comparables, il appartiendra aux préfets de statuer sur leurs demandes « dans le cadre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile [en passe d'être modifié par la future loi relative à l'immigration et à l'intégration] et de [leur] pouvoir d'appréciation consacré par la jurisprudence ».
A noter : le dispositif d'admission exceptionnelle n'est pas applicable aux étrangers pour lesquels l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat.
(1) Voir ASH n° 2459 du 9-06-06, p. 17.
(2) Voir ASH n° 2451 du 14-04-06, p. 15 et n° 2433 du 9-12-05, p. 18.
(3) Cet article dispose que « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent ainsi que des besoins de l'enfant ».