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Les départements procèdent aux dernières mises au point avant l'expérimentation

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C'est seulement cet été, deux ans après le vote de la loi sur les libertés et responsabilités locales, que l'expérimentation de la décentralisation de l'assistance éducative va pouvoir démarrer. Le Rhône, premier des cinq départements à s'être porté candidat, s'est lancé dans une large réflexion pour aborder ce chantier plus complexe que prévu.

Une actualité politique en chasse forcément une autre. Alors que l'expérimentation de la mise en œuvre par les départements des mesures d'assistance éducative judiciaires, au titre de l'article 375 du code civil, avait suscité de vives réactions pendant l'examen de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le silence est aujourd'hui presque total sur son entrée en vigueur. La réforme de la protection de l'enfance l'a faite passer au second plan, confirmant le rôle de chef de file du département en la matière. Avec le projet de loi annoncé par le ministre délégué à la famille le 3 mai dernier (1), l'autorité judiciaire est ainsi déjà reléguée à un rôle « subsidiaire », même si ses prérogatives sont théoriquement sauves.L'évaluation de l'expérimentation de la décentralisation de l'assistance éducative, prévue en juillet 2009, pourrait bien alors relancer le débat sur la répartition des compétences en matière de protection de l'enfance.

A l'origine de l'article 59 de la loi du 13 août 2004 : les reproches faits, d'une part, à l'aide sociale à l'enfance (ASE) de saisir trop systématiquement l'autorité judiciaire pour se décharger des dossiers les plus lourds et, d'autre part, aux juges de recourir trop fréquemment aux mesures d'assistance éducative pour des publics relevant de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs. Arguant du principe « qui paie décide », plusieurs départements voulaient en outre récupérer la maîtrise d'un dispositif qu'ils financent en grande partie.Même si beaucoup considèrent plutôt qu'il s'agit d'un désengagement de l'Etat effectué « sur le dos » des conseils généraux.

Selon la « phase II » de la décentralisation, les départements volontaires se voient attribuer, pour une durée de cinq ans, la pleine compétence de la mise en œuvre des mesures d'assistance éducative décidées par le juge, sauf lorsque ces dernières sont confiées à une personne physique ou à un établissement accueillant des personnes hospitalisées pour des troubles mentaux (2). Aux conseils généraux, et non plus à l'autorité judiciaire, de choisir la structure chargée d'exécuter la mesure ou d'en assurer directement la mise en œuvre.

Mais depuis l'adoption de la loi, force est de constater que ce grand chantier de la décentralisation a patiné au démarrage. Après les résultats des élections cantonales de mars 2004 et le renouvellement des exécutifs départementaux, l'enthousiasme de certains conseils généraux était retombé. Le remaniement ministériel de juin 2005 a ensuite retardé le dossier. Ils ne sont aujourd'hui plus que cinq, sur la dizaine qui s'était au départ montré volontaire, à se lancer dans l'expérimentation :le Rhône, le Loiret, l'Aisne, la Haute-Corse et l'Yonne, dont la candidature, officielle depuis la fin de l'année 2005, devrait bientôt être agréée par le ministère de la Justice. Trois départements devraient être les premiers à signer leur convention d'expérimentation avec l'Etat d'ici à cet été : le Loiret (voir encadré), l'Aisne, qui a choisi par ce document de donner le coup d'envoi de la démarche tout en menant parallèlement une réflexion sur ses modalités d'application, et la Haute-Corse, où l'expérimentation occasionne moins de bouleversements qu'ailleurs. Ce département, qui finance à 90 % les mesures d'assistance éducative, dispose en effet d'un centre d'action éducative mais pas d'établissement propre à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Parmi ses 117 places d'accueil, seules quatre ou cinq sont consacrées à une prise en charge au titre de l'ordonnance de 1945. Quant à l'Indre-et-Loire, dont la candidature avait été agréée par le garde des Sceaux, elle a fini par se désister, jugeant le cadre de l'expérimentation trop limité. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse prévoit de son côté « une rencontre nationale » à la rentrée pour faire l'état des lieux et engager une réflexion sur les indicateurs qui permettront d'évaluer la démarche.

Lever les ambiguïtés

Les départements concernés devront donc s'engager dans l'expérimentation de la décentralisation de l'assistance éducative et préparer en même temps l'application de la réforme de la protection de l'enfance, dont l'examen au Parlement était initialement annoncé pour septembre. Il leur faudra à la fois travailler à une meilleure coordination et à la continuité des parcours - objectif visé dans les deux textes -, mais aussi lever les ambiguïtés qui planent encore sur les modalités concrètes de l'expérimentation. Même si la circulaire d'application du 10 février 2006 (voir encadré) précise clairement que l'extension des compétences départementales « ne remet pas en cause la spécificité de la justice des mineurs », la ligne de partage entre les prérogatives judiciaire et administrative demande en effet à être clarifiée au niveau local. « La réforme de la protection de l'enfance ne positionne pas le juge de la même façon, puisque, hormis le circuit de sa saisine, son rôle n'a pas été modifié, estime Françoise Neymarc, vice-présidente du tribunal pour enfants de Lyon. Dans ce contexte encore flou, nous essayons d'empoigner le problème de façon pragmatique et d'avancer. » La circulaire renvoie de fait aux départements et aux représentants de l'Etat le soin de préciser les « modalités de cette extension de compétences », selon les exigences et les problématiques locales.

C'est dans ce chantier d'envergure - qui illustre toute la réflexion suscitée par l'expérimentation -, que le département du Rhône s'est engagé en premier depuis près de deux ans. Et pour cause : il est présidé par Michel Mercier (UDF), bien connu pour avoir dénoncé les relations « conflictuelles » entre la justice et les conseils généraux, et compte comme premier vice-président Dominique Perben, à l'époque garde des Sceaux. Cristallisant la polémique, le conseil général avait annoncé, dès le mois de juin 2004, sa candidature. Les voix s'étaient alors élevées, parmi les associations et les magistrats, pour énumérer les inquiétudes soulevées par un élargissement des compétences départementales en matière de protection de l'enfance. Cette décentralisation n'allait-elle pas ouvrir la voie à la logique gestionnaire impulsée par des conseils généraux, désormais « décideurs, payeurs et exécuteurs » ?, déposséder le juge des enfants de ses prérogatives ?, porter atteinte au droit des familles à être informées par le juge du contenu des mesures ?, installer les établissements dans une situation de dépendance par rapport au seul pouvoir administratif ? Il ne faudrait pas, s'alarmaient en outre les associations, que, sous prétexte de plus de cohérence, on introduise une confusion entre les pratiques administrative et judiciaire. Ce qui serait contre-productif en termes de lisibilité des procédures.

Face à la démarche très volontariste du conseil général, la direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse du Rhône, les associations et les magistrats montaient au créneau dès 2004. Ils obtenaient d'être associés par le département au sein de groupes de travail devenus, après l'agrément officiel de la candidature en décembre 2005, des structures de pilotage en bonne et due forme. Face à l'importance et à la complexité des enjeux politiques, techniques et financiers mis sur la table, ce qui semblait au départ une urgence politique nécessitera... plusieurs mois de travail. La convention devrait finalement n'être signée avec l'Etat qu'à l'automne prochain, et l'expérimentation ne devrait démarrer qu'au début de l'année 2007.Prévue pour durer cinq ans, elle ne se déroulera donc que sur deux ans et demi, puisque la loi a prévu son achèvement au 31 décembre 2009.

Dans le Rhône, où sont prononcées environ 4 500 mesures d'action éducative en milieu ouvert(AEMO) et plus de 4 000 placements judiciaires par an, l'engagement simultané dans le nouveau schéma départemental de la protection de l'enfance et dans la décentralisation de l'assistance éducative nécessite de remettre tout le dispositif à plat.Objec-tif du conseil général : améliorer la gestion quantitative et qualitative des places, alors que sa capacité d'accueil (1 644 places en établissements et 1 155 en familles d'accueil) l'oblige à intervenir « à flux tendu ». « Les démarches sont intrinsèquement liées, commente Isabelle Dorliat, déléguée générale du pôle « enfance-famille et PMI » au conseil général. L'essentiel est de travailler sur les objectifs et sur le sens des actions, ce qui n'a rien à voir avec des querelles de pouvoir. »

Une extension de compétences qui a un coût

Reste que la collectivité territoriale, qui consacre près de 180 millions d'euros à sa politique de l'enfance, doit se donner les moyens de cette refonte d'envergure, qui pourra difficilement se faire à coût constant...Sur la base d'un calcul de son activité au civil ces trois dernières années et pour l'année 2005, la PJJ devra au titre de la compensation mettre à disposition du département un peu plus de 14 postes, dont une majorité d'éducateurs. Si ces postes ne trouvaient pas preneurs, il est prévu que les crédits correspondants soient transférés. Le département prévoit par ailleurs des redéploiements de moyens pour privilégier les actions de prévention : « L'objectif est de réduire les placements sans pour autant couper les vivres aux établissements », souligne Isabelle Dorliat.

Pour poser les jalons d'une expérimentation négociée, le conseil général, les associations - représentées par deux Sauvegarde de l'enfance et l'adolescence et l'Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uriopss) -, les magistrats et la direction départementale de la PJJ ont choisi de procéder par étapes. Chacune des parties a, courant février, couché noir sur blanc ce qui constitue, selon elle, les limites et les points de blocage de la décentralisation des mesures d'assistance éducative judiciaires. Le comité a ensuite rédigé et validé un préambule qui définit les principes partagés par les quatre parties sur le sens donné à la protection de l'enfance. Parmi eux : le respect des pratiques professionnelles, la préservation de l'intérêt des mineurs et de leur fa-mille, le refus d'une organisation qui conduirait à stigmatiser les mineurs délinquants, l'affirmation du caractère expérimental de la décentralisation et la possibilité de sa réversibilité... Pas moins de neuf groupes de travail, munis d'une feuille de route, sont chargés de plancher jusqu'à l'automne sur l'ensemble des questions et sur les points d'achoppement.

Premier débat : la place du juge des enfants dans le dispositif. Si l'ASE assure le suivi, l'harmonisation et la coordination des mesures, où s'arrêteront ses prérogatives après la décision du juge ? « Chacun doit continuer à exercer ses compétences, mais il faut que le magistrat conçoive que l'administration puisse avoir des suggestions », estime pour sa part Isabelle Dorliat. Reste à savoir jusqu'où chacune des parties acceptera de placer le curseur.Pendant tout le débat sur la décentralisation, les magistrats ont rappelé le rôle pivot du juge des enfants dans le dispositif de protection de l'enfance. Lors des assises du Carrefour national de l'action éducative en milieu ouvert en mars 2005, Côme Jacqmin, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, rappelait un arrêt de la Cour de cassation de 1993, selon lequel « la finalité propre de la juridiction des mineurs, la primauté des facteurs psychologiques, la recherche d'une influence sur les structures mentales du mineur, appellent entre celui-ci et son juge une relation singulière ». Les acteurs de la protection de l'enfance s'accordent, par ailleurs, à reconnaître que la possibilité pour le juge des enfants de choisir le service le mieux approprié pour la mise en œuvre de la mesure éducative et celle de s'assurer des conditions de son exécution sont partie intégrante de la souveraineté de ses décisions, de l'indépendance de ses fonctions et de la recherche de l'intérêt supérieur de l'enfant. Si ces prérogatives lui étaient retirées, les relations que le magistrat entretient avec les familles, qui facilitent l'adhésion de ces dernières aux mesures prononcées, se trouveraient distendues, tout comme ses liens avec les équipes éducatives.

Selon Gérard Marchand, directeur général adjoint de la Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Rhône, le risque est de voir la justice des mineurs devenir « une justice de décision » et cesser d'être une « justice de suivi ». « Il existe en AEMO une véritable clinique née du contact direct entre les associations et les services judiciaires, précise-t-il. On ne peut imaginer que l'expérience d'une culture partagée avec le judiciaire depuis l'ordonnance du 23 décembre1958 sur l'assistance éducative ne soit conservée. » C'est pourquoi le secteur associatif plaide pour continuer à en référer directement au juge et à lui adresser les rapports éducatifs d'AEMO.

D'autres questions alimentent la réflexion, comme la capacité du juge à donner des indications sur l'établissement où l'enfant sera accueilli.Concrè-tement, une chose est sûre, l'expérimentation de la décentralisation met fin à la pratique du placement direct dans les établissements habilités (sans intermédiaire de l'ASE), procédure qui concerne 30 % des placements dans le Rhône. Cependant l'article 59 de la loi du 13 août 2004 n'abroge pas l'article 375 du code civil. Et, selon la jurisprudence, le juge est toujours compétent pour orienter les placements, même lorsqu'ils ont été confiés à l'ASE. La loi sur la décentralisation a-t-elle nourri de faux espoirs parmi les conseils généraux à cause d'une interprétation un peu trop large ? « La circulaire précise que le département est désormais seul pour mettre en œuvre les mesures, sans atteinte à la souveraineté des décisions judiciaires », défend Eric Nojac, directeur départemental de la protection judiciaire de la jeunesse.Michel Duvette, directeur de l'administration centrale de la protection judiciaire de la jeunesse, veut d'ailleurs écarter tout malentendu, tout en confirmant l'ambiguïté de la loi : « Rien ne s'oppose à ce que le magistrat donne des indications sur la façon dont la mesure doit être mise en œuvre », assure-t-il. Les modalités de recours sont sujettes au même type d'interrogations. En cas de désaccord de la famille sur l'orientation du mineur par le département, qui doit trancher ? « Nous n'avons jamais eu de problème de recours pour les 70 % de placements confiés à l'ASE, affirme Isabelle Dorliat. Aujourd'hui, si les parents sont réticents à une orientation, le juge des enfants décide. Nous n'excluons pas de continuer. »

Le sens des missions de la PJJ en péril

Autre écueil majeur à éviter : celui de voir instaurer une césure entre la protection des mineurs et le traitement de la délinquance. « Les juges des enfants prennent les jeunes en charge dans leur globalité, explique Eric Nojac. Jusqu'à aujourd'hui, ils pouvaient agir au civil comme au pénal.Avec l'expérimentation pointe le danger d'une dichotomie entre l'administration de la victime et l'administration de l'auteur, avec un risque accru de rupture des parcours. » Il est fréquent aujourd'hui, argumente le directeur départemental de la PJJ, qu'à la fin d'une mesure décidée au titre de l'ordonnance de 1945, la PJJ ait besoin de poursuivre le suivi du jeune, tout simplement parce que le temps éducatif est parfois plus long que le temps pénal. « Le magistrat ordonne alors une AEMO mise en œuvre par la PJJ, très proche d'une mesure de liberté surveillée, qui peut être exécutée par le même service.Demain, je crains une cassure de cette continuité. »

Pour Eric Nojac, c'est tout le sens de l'ordonnance de 1945, articulée à celle de 1958, qui est en péril. « La PJJ ne peut aborder un mineur uniquement par son comportement. Elle doit continuer à protéger, éduquer et sanctionner. C'est pourquoi il faut organiser un "tuilage" entre les mesures pénales et les mesures civiles. » Guy Labopin, directeur général de la Société lyonnaise pour l'enfance et l'adolescence, structurequi regroupe des activités d'accueil familial, un centre éducatif et professionnel, une maison d'enfants à caractère social et un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique, partage la même inquiétude : « Un enfant pourra-t-il changer de statut en fonction de son évolution au cours de la prise en charge ? » A la DPJJ, Michel Duvette reconnaît là un tournant décisif : « L'expérimentation revêt une dimension très importante, car elle doit nourrir en interne la réflexion sur l'évolution des missions de la protection judiciaire de la jeunesse. » Laquelle PJJ resserre déjà sensiblement ses activités sur le pénal au plan national, « surtout dans les départements urbains, où les mesures prononcées au titre de l'ordonnance de 1945 progressent ».

En redessinant les circuits de prise en charge, les partenaires locaux s'apprêtent-ils du même coup à sceller le sort des structures de la PJJ ? Comment vont-elles pouvoir continuer à assumer leurs

missions ? La direction départementale de la PJJ gère par exemple à Villeurbanne une activité de jour pour jeunes déscolarisés de 13 à 16 ans, accueillis non pas au titre de l'ordonnance de 1945, mais en raison de leur détresse sociale, familiale et personnelle. « L'Education nationale manque de solutions pour ces publics. Aurai-je toujours à les accueillir demain ? », s'interroge Eric Nojac. Les deux centres de placement immédiat (24 places au total) qui avaient, en 1991, signé un protocole pour accueillir en urgence des mineurs qui relèvent de l'assistance éducative sont également dans l'incertitude. « Le cantonnement de la PJJ au pénal pourrait remettre en cause cette organisation, alors que le dispositif d'accueil d'urgence est encombré », regrette Françoise Neymarc, qui précise que le procureur de la Répu-blique de Lyon a demandé à la PJJ que le protocole d'accueil d'urgence soit maintenu. Preuve que les besoins sont réels : les partenaires avaient prévu en 2005 d'élargir le protocole à 20 places supplémentaires. L'administration centrale de la PJJ et le département devraient bientôt trancher, promet Michel Duvette.

Après les craintes initiales, chacun des partenaires se félicite de la qualité du dialogue engagé, même si les plus pessimistes redoutent qu'il aboutisse à « un grand cafouillage à l'automne ». Le compromis trouvé devrait, en tous cas, octroyer moins de prérogatives au conseil général que celui-ci ne l'aurait sans doute souhaité, tandis que la PJJ, elle, aura forcément à y perdre. Quant au grand pari de « déjudiciariser » les procédures, il n'est pas pour autant gagné d'avance. « Le conseil général a déployé des efforts ces dernières années pour proposer un travail en amont avec les familles.Mais cela n'a pas empêché le nombre de mesures judiciaires de remonter depuis la deuxième moitié de l'année dernière, analyse Gérard Laujorrois, directeur de la Sauvegarde de Villefranche. Pour inverser la tendance, il faudrait pouvoir, dans le cadre administratif, affiner la notion de contrat, aujourd'hui mal adaptée aux personnes qui ont énormément besoin d'aide. Il est également nécessaire de renforcer l'accompagnement social après une mesure judiciaire : il y a des cas où l'intervention du juge ne se justifie plus, mais où la famille, encore fragile, a besoin d'être soutenue. »

Dans le cadre du schéma départemental de protection de l'enfance, travaillent surtout en étroite collaboration le conseil général, la juridiction des mineurs, la protection judiciaire de la jeunesse et les associations. Pour Laure Chareyre, directrice de l'Uriopss de Rhône-Alpes, il faudrait par exemple « nouer davantage de liens avec l'agence régionale de l'hospitalisation et l'Education nationale ». Le fonctionnement des institutions et les décisions sont encore trop cloisonnés, regrette-t-elle, craignant que la coordination entre tous les acteurs prônée par les réformes successives ne reste un vœu pieux...

Maryannick Le Bris

DANS LE LOIRET, LA PJJ DÉJÀ RECENTRÉE SUR LE PÉNAL

Le conseil général du Loiret et l'Etat devraient signer leur convention d'expérimentation au mois de juillet.La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) s'étant déjà progressivement désengagée des mesures d'assistance éducative depuis 2001 (7,4 % de son budget total en 2005), la compensation de la décentralisation devrait être symbolique : 0,65 %du budget total de l'aide sociale à l'enfance (ASE) (46 millions d'euros).La quasi-totalité des placements judiciaires au titre de l'assistance éducative est déjà confiée par le juge à l'ASE. « Nous tirons les conséquences de cet état de fait pour entrer dans l'expérimentation, commente Jean-François Kerr, chef de mission de l'aide sociale à l'enfance. Nous allons piloter l'ensemble des mesures de la protection de l'enfance sans entrer en concurrence avec l'autorité judiciaire. » Dans cette logique, le projet de convention n'exclut pas que le juge puisse continuer à procéder à des placements directs, notamment dans des établissements d'éducation spéciale et de soins. « Il est déjà arrivé que l'ASE ait à prendre en charge des enfants handicapés pour qui l'orientation en commission départementale de l'éducation spéciale a fait défaut, justifie Jean-François Kerr. C'est pour éviter ce type de placement inapproprié que nous ne voulons pas priver le juge de la possibilité de placer l'enfant directement dans un établissement adapté. » Comme dans celui du Rhône, le conseil général entend articuler l'expérimentation et son schéma départemental.Les services d'action éducative en milieu ouvert (900 mesures par an) devraient être désormais intégrés au dispositif de protection de l'enfance, en étant coordonnés avec les services de l'ASE et ceux de la protection maternelle et infantile.

« PAS DE REMISE EN CAUSE DE LA JUSTICE DES MINEURS », SELON LA CIRCULAIRE D'APPLICATION

Encore non publiée, la circulaire du 10 février 2006 sur l'expérimentation de l' « attribution des compétences des départements pour l'exécution des décisions judiciaires prises en matière d'assistance éducative » précise que la loi du 13 août 2004 lance ce chantier « sans remettre en cause la spécificité de la justice des mineurs et sans autoriser, dans ce domaine, un véritable transfert de compétences ». La convention signée par l'Etat et le département, en vue de définir les modalités opérationnelles de l'expérimentation et les moyens qui l'accompagnent, doit déterminer les aspects locaux à prendre en compte, notamment les modalités d'accueil d'urgence, de placement judiciaire, ou de renouvellement d'une mesure préalablement confiée à un service de l'Etat.Par dérogation aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'action sociale et des familles (CASF), l'habilitation des établissements à recevoir des mineurs confiés habituellement par l'autorité judiciaire au titre de l'assistance éducative est délivrée par le conseil général, après avis conforme du procureur de la République et du président du tribunal de grande instance du département. Les règles de la tarification applicables pendant l'expérimentation sont celles prévues par l'article L. 314-4 du CASF. La tarification est arrêtée conjointement par le département et l'Etat dès lors que le financement des prestations est assuré en tout ou partie par le département. Les « contrôles sont conduits par les autorités compétentes, tels que prescrits par le deuxième alinéa de l'article 313-20 du CASF ».L'expérimentation prend effet « le premier jour du deuxième mois suivant la date de signature de la convention » et s'achèvera le 31 décembre 2009. Le comité national de suivi, déjà créé pour renforcer la complémentarité entre les services publics et privés associatifs habilités, « devient compétent également pour assurer le suivi de l'expérimentation ». Présidé par le garde des Sceaux, il devra, à partir des bilans réalisés par les départements, dresser une évaluation et élaborer un rapport que le gouvernement soumettra au Parlement six mois avant la fin de l'expérimentation. Une grille nationale sera utilisée « pour analyser l'ensemble des données de terrain ». Au vu de cette évaluation, la loi déterminera le maintien et la généralisation des mesures ou l'abandon de l'expérimentation.

Notes

(1) Voir ASH n° 2454 du 23-05-06.

(2) Voir ASH n° 2372 du 10-09-04.

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