Le Forum français pour la sécurité urbaine a adopté, le 30 mai, une position partagée par la majorité des maires, toutes tendances politiques confondues(3). Lors d'un colloque sur la crise des banlieues, l'Association des maires de France s'est exprimée dans le même sens. A la proposition de placer le maire au cœur du dispositif de prévention, nous disons oui tout de suite : c'est lui que les habitants viennent interpeller pour rechercher un appui. En qualité de président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), lui seul peut réunir autour de la table les services sociaux, l'Education nationale, la police... Mais nous refusons en revanche de devenir des délégués du procureur. Le maire rappelle sans cesse ce qu'est la loi, mais en prononçant des sanctions,des mesures de tutelle aux prestations familiales, il ne serait plus un animateur de la vie communale, mais un juge sans moyens. Je ne suis pas laxiste avec les délinquants, mais je n'ai pas le temps de réaliser une enquête sociale ! Le gouvernement, au lieu de développer les maisons de la justice et du droit, d'augmenter la capacité d'accueil de la protection judiciaire de la jeunesse, veut se désengager en transférant vers les maires les petites sanctions pénales. Mais pour rendre la justice, il faut être indépendant. La justice serait-elle toujours indépendante si les juges de proximité étaientélus par les habitants ? Le risque est de voir mener les élections municipales sur le thème sécuritaire.
La formule du secret partagé me convient, car elle se situe dans le registre de l'assistance à personne en danger.Comme les travailleurs sociaux, les maires ne veulent pasêtre contraints à la délation. La plupart du temps, nous sommes les premiers à avoir des informations sur nos administrés. Que devons-nous en faire ? Notre rôle est d'alerter les enseignants, les travailleurs sociaux,pas d'interpeller la police. En tant qu'officier de police judiciaire, le maire a une obligation de réserve sur les informations dont il dispose. Sur les 36 000 maires de France,il n'y en a peut-être que 250 qui se montrent irresponsables en la matière ! Le projet de loi devrait préciser que le partenariat entre les acteurs « peut », et non « doit », se concrétiser par unéchange d'informations, avec pour objets la prévention, l'insertion et la prévention de la récidive. A Tourcoing, ce partage de l'information aété organisé dans le cadre d'une charte. Il y a aujourd'hui environ 25 lieux en France où cela fonctionne.Je pense qu'il faut analyser les expériences réussies avant de légiférer. Le moment est venu pour que les maires et les travailleurs sociaux se parlent en toute confiance.
Aujourd'hui, les maires ont la capacité de valider qu'il n'y a pas de décision d'internement abusive en signant l'acte d'hospitalisation. C'est déjà une lourde responsabilité... Nous donner en plus le pouvoir de décider des hospitalisations d'office [au-delà des seules situations de danger imminent aujourd'hui prévues par la loi] reviendrait à nous attribuer des compétences médicales et de police. Bientôt, nous nous retrouverions seuls devant les délinquants, les victimes,les malades. Qui dans ces conditions aura encore le courage de se présenter aux élections municipales ?
Les associations d'élus ne se sont pas exprimées car elles n'ont pas été consultées. Nous avonsécrit deux fois au ministre de l'Intérieur pourêtre entendus. En vain. Le projet de loi ne pouvant apparemment plus passer en juin au Parlement, nous avons décidé de rencontrer les présidents des groupes parlementaires. Dans le contexte actuel, le risque est de voir le texte durci davantage par voie d'amendements. Nous sommes déterminés à monter au créneau !
Propos recueillis par Maryannick Le Bris
(1) FFSU : 38, rue Liancourt - 75014 Paris - Tél. 01 40 64 49 00.
(2) Voir ASH n° 2455 du 12-05-06 et n° 2457 du 26-05-06.
(3) Les élus du FFSU ont actualisé le « manisfeste des villes pour la sécurité » - Voir ASH n° 2365 du 25-06-04 - Disponible sur www.fsu.org.