Quelques mois après le 1er janvier 2006, date officielle du démarrage des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le constat est sans ambiguïté : les conseils généraux affichent leur autorité sur cette nouvelle institution créée par la loi du 11 février 2005. L'analyseémane de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) (1), qui a réalisé la première enquête sur le sujet et recueilli des informations auprès de 87 des 96 départements métropolitains entre la fin février et la mi-avril (2). La loi et ses décrets leur laissent une « marge de manœuvre non négligeable » dans la mise en place de cette structure, rappelle l'ODAS. Ils l'ont donc utilisée en prenant, malgré une« décentralisation inachevée », la claire responsabilitéde son fonctionnement.
Pour autant, ils ne veulent pas être les seuls impliqués dans le dispositif. Ainsi, pour la constitution du groupement d'intérêt public (GIP), structure juridique obligatoire de la MDPH, seuls 38 % des départements ont choisi de s'en tenir à la composition de 20 membres au minimum de l'instance dirigeante qu'est la commission exécutive. La majorité (54 %) l'a élargieà 24 ou 28 membres, quelques-uns allant même jusqu'à 36. Et cela, le plus souvent, pour faire une place plus large aux autres financeurs comme la caisse régionale d'assurance maladie, la Mutualité sociale agricole ou la Mutualité française. En revanche, seuls cinq départements ont ouvert l'instance aux acteurs communaux...
Quant à la représentation du conseil général lui-même (de droit, la moitié de la commission exécutive), elle comporte, dans la majorité des cas, à la fois des élus et des fonctionnaires, et parmi ces derniers, souvent des représentants de l'ensemble des services, y compris ceux des transports, du logement, de l'urbanisme, de la culture..., ce qui est plutôt de bon augure. Néanmoins, 19 % des départements n'ont désigné que des conseillers généraux pour les représenter.
Enfin, dans le tiers des départements qui avaient mis en place la commission des droits et de l'autonomie au moment de l'enquête, trois sur quatre en ont confié la présidence à un représentant du conseil général et quatre sur cinq la vice-présidenceà un représentant des associations ou de l'Etat.
Le mode d'encadrement reflète aussi une« forte emprise départementale ». Trois collectivités sur quatre ont désigné un directeur issu de leurs services. Les autres viennent en majorité d'autres administrations. Les quelques directeurs issus du secteur privé, établissements ou associations, constituent donc des exceptions. Les responsables « mis àdisposition » par le conseil général lui restent subordonnés, et gardent même une place dans son organigramme dans plus d'un tiers des cas, remarque l'observatoire.
Les équipes de travail ne sont pas encore totalement constituées et l'évaluation des besoins en personnels reste approximative. A la date de l'enquête, 91 % des départements ont mis des salariés àdisposition, à titre gracieux dans la très grande majorité des cas (les autres ayant signé des conventions de remboursement). Il s'agit le plus souvent de médecins-coordonnateurs, de travailleurs sociaux et d'ergothérapeutes, de personnels d'accueil et administratifs. 74 % ont aussi recruté ou envisagent de le faire, pour les mêmes profils. L'ensemble des services du département est souvent mobilisé pour apporter des prestations en nature, qui vont des fournitures àl'assistance informatique ou aux écritures comptables.« Sans apport logistique des conseils généraux, les MDPH ne seraient pas en mesure de fonctionner. »
Les conventions fixant les apports des partenaires ne sont pas encore toutes signées. Dans les 45 départements qui l'ont fait à la date de l'enquête, les services de l'Etat ont prévu partout des mises à disposition de personnels, qui varient de 12 personnes en moyenne pour les« petits » départements à 29 pour les « gros ». Mais ces décisions ne sont pas forcément suivies d'effet, faute d'accord des personnels concernés, qui expriment des craintes en matière de statut, d'horaires de travail...« Le recours à la formule du GIP, qui devait faciliter les transferts, n'a pas produit les effets positifs que certains espéraient », estime l'ODAS. Les organismes de sécurité sociale ne mobilisent guère de moyens supplémentaires, sauf lorsqu'ils décident de réaliser l'instruction de la prestation de compensation pour leurs ressortissants. Seuls deux départements (Côte-d'Or et Mayenne) ont demandéaux caisses d'allocations familiales de faire office d'organismes payeurs de cette prestation.
Enfin, le recours aux communes est faible. Une vingtaine de départements seulement évoquent une« articulation » avec elles, les centres communaux d'action sociale pouvant alors servir de relais d'information ou de points labellisés par les MDPH. Le réseau de proximité, qui « resteà construire », devrait s'appuyer essentiellement sur les services déconcentrés des conseils généraux (unités d'action sociale,pôles...) et sur les nouvelles technologies de l'information(base de données, dossiers dématérialisés, numéro vert...). Ces antennes devraient être en relation avec une structure identifiée comme MDPH au chef-lieu, dans des locaux ad hoc ou au siège même du conseil général. Seuls deux départements envisagent de s'en tenir à une maison virtuelle, sans lieu physique propre.
Au total, l'ODAS identifie trois situations types : dans 40% des départements, la MDPH ressemble purement et simplementà un service du conseil général. Dans 56 % des cas, elle constitue un outil distinct, doté d'une marge d'autonomie, mais au service de la politique départementale.Seules 3 % des collectivités ont choisi de faire vivre une organisation autonome, où le conseil général est un partenaire parmi les autres.
Cette prise de responsabilité des conseils généraux favorise-t-elle une convergence avec le dispositif de soutien aux personnes âgées ? 45 %des départements envisagent un rapprochement de la MDPH avec les centres locaux d'information et de coordination gérontologiques (CLIC), mais à moyen terme le plus souvent. Une collectivité sur deux s'affirme ouverteà l'idée d'articuler les équipes d'évaluation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation.Concrè-tement, 16 départements parlent d'une même équipe ou d'un même coordinateur et 18 envisagent la création d'une maison de l'autonomie. Seules quatre collectivités ont déjà mis en place des services communs aux deux publics : numéro vert dans les Landes et le Doubs, points d'accueil et d'information dans le Gard et en Meurthe-et-Moselle.
(1) ODAS : 250 bis, boulevard Saint-Germain - 75007 Paris - Tél. 01 44 07 02 52.
(2) « Maisons départementales des personnes handicapées : une réforme bien engagée » - Disponible sur www.odas.net.