Pris dans le « jeu hypocrite du montré-caché de l'ethnicité »,qu'est le terreau des discours, pratiques et dispositifs ciblant implicitement les populations immigrées ou perçues comme telles, les travailleurs sociaux doivent déjouer les pièges d'interprétations réductrices des situations auxquelles ils sont confrontés. A cet effet, il faut promouvoir leur capacité à reconnaître les déterminants des comportements des usagers immigrés,surtout quand ces conduites leur posent problème, sans les imputer ipso facto à une source culturelle ouà une distorsion pathologique dans le processus identitaire,affirme Faïza Guélamine. Dans son ouvrage, la sociologue et responsable des formations supérieuresà l'Institut régional du travail social Ile-de-France-Montrouge-Neuilly-sur-Marne invite àappréhender les discriminations racistes pour ce qu'elles sont : « l'expression d'un rapport social de domination et non la simple conséquence de croyances basées sur l'ignorance et le mépris de l'autre ». De l'indigène coloniséà l'immigré discriminé, il n'y a qu'un pas,explique-t-elle. Analysant l'histoire de l'action sociale dans la période coloniale, l'auteure met ainsi en évidence le poids de cet héritage dans la perpétuation des représentations stéréotypées concernant les migrants et leurs enfants. Pour relativiser leurs modèles de référence et identifier les causes de malentendus ou de conflits rencontrés avec les familles migrantes, des formations à l'interculturalité sont proposées aux professionnels. Sans dénier leur intérêt, la sociologue estime qu'en focalisant l'attention des travailleurs sociaux sur la culture, ces approches risquent de les amener à surestimer l'importance de ce facteur par rapport à d'autres éléments de compréhension de situations individuelles singulières. Des conflits conjugaux, par exemple, peuvent interagir avec plusieurs types de problèmes(précarité sociale, santé, relations avec l'environnement...) et ne pas se résumer à une différence de statut au sein du couple. Evidemment, la prise de conscience des inégalités racistes ne suffira pasà les éradiquer. Cependant, sortir du déni des discriminations est la condition sine qua non pour aider ceux qui en sont victimes à accéder à tous leurs droits.
Le travail social face au racisme.Contribution à la lutte contre les discriminations -Faïza Guélamine - Ed. ENSP - 20 €.