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Des éducateurs dans la rue

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Ni les bandes de jeunes, ni la prévention - non encore qualifiée de« spécialisée » - ne sont brusquement apparues pendant l'été 1959 avec les blousons noirs. Mais l'irruption de ces derniers sur la scène médiatique met soudain au jour la nécessité de lutter contre« l'inadaptation sociale de la jeunesse », comme s'y employait déjàune poignée de clubs de quartier depuis une dizaine d'années. Les éducateurs de prévention deviennent alors les « sauveurs providentiels d'une société en déroute »,expliquent Vincent Peyre et Françoise Tétard.« C'était le coup d'accélérateur qui manquait, aussi inattendu que bénéfique » : il favorise le déclenchement de l'aide publique aux structures de prévention, qui se multiplieront jusqu'au milieu des années 80. Pour les auteurs, cette période 1959-1963,délimitée par deux circulaires ministérielles marquant la reconnaissance officielle du secteur, constitue bien l'étape fondatrice de la prévention - alors que la plupart des acteurs considèrent qu'elle est née en 1972 avec l'arrêté du 4 juillet instituant un Conseil technique des clubs et équipes de prévention, qui sera dite « spécialisée », pour la première fois, dans un texte officiel trois mois plus tard.

Dans ce passionnant récit, l'historienne et le sociologue retracent le cheminement des fortes personnalités qui ont inventé le métier. Née au tournant de la Seconde Guerre mondiale, la prévention spécialisée ne repose pas, au départ, sur un socle théorique. C'est d'abord et surtout une manière d'être, une manière de faire. Le premier àl'avoir mise en pratique, en 1943-1944, est Fernand Deligny,à Lille, dans le cadre de l'Association régionale de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence : l'instituteur spécialisé organise des équipes pour allerà la rencontre des groupes d'enfants livrés àeux-mêmes. L'immédiat après-guerre voit se développer, dans les rues de Paris ou d'ailleurs, des expériences du même type, initiées par quelques pionniers - éducateurs, magistrats, assistantes sociales...-, souvent passés par le scoutisme. Il y a encore très peu de« spécialisés » : les premières écoles de formation d'éducateurs n'ont démarré qu'en 1943, et elles ne connaissent pas encore ce mode d'intervention qui consiste àpénétrer les bandes pour sauver les enfants. La France en reconstruction a besoin de ses jeunes et veut àtout prix éviter que certains tournent mal. Aussi, leséducateurs se font assez facilement entendre, d'autant qu'ils sont épaulés par un noyau de notables plusâgés, convaincus de l'intérêt de leur méthode.

Ces réseaux et interactions entre les acteurs sont au cœur de l'histoire riche et mouvementée des 60 années d'existence du métier de la prévention spécialisée. Bien sûr, la jeunesse marginalisée ou exclue des débuts du XXIesiècle n'est plus celle des années 50 ou 60, dont l'avenir était assuré par le développementéconomique rapide des trente glorieuses. Il n'empêche : l'ambition des « arpenteurs de territoires » est bien toujours de faire échapperà leur « destin » les jeunes avec qui ils font un bout de chemin, qu'ils soient dénommés« apaches »,« voyous », « blousons noirs », « sauvageons » ou« racaille ».

Des éducateurs dans la rue. Histoire de la prévention spécialisée - Vincent Peyre et Françoise Tétard - Ed. La Découverte - 19€.

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