Comment préparer l'hôpital de demain àassurer la prise en charge d'un nombre croissant de personnesâgées ? Comment atténuer l'impact, sur le fonctionnement des hôpitaux, du « choc démographique gériatrique » qui s'annonce ? Le ministre de la santé, Xavier Bertrand,avait demandé au directeur du CHU de Limoges, Philippe Vigouroux, ainsi qu'aux professeurs Pierre Pfitzenmeyer et Claude Jeandel, de plancher sur le sujet. Dans leurs conclusions remises au ministre le 17 mai, ils proposent une batterie de 45 mesures qui représenteraient, si elles étaient appliquées,un coût de 395 millions d'euros entre 2007 et 2014(1). Certaines d'entre elles devraient être reprises dans un plan « solidarité grandâge » annoncé par le gouvernement pour« les prochaines semaines ».
Les auteurs plaident notamment pour la création d'un label « filière gériatrique » pour chaqueétablissement de santé doté d'un service d'urgences.
Dénommé « centre référent gériatrique », cetétablissement animerait « le réseau gériatrique développé sur son territoire en harmonie avec les dispositifs médico-sociaux et l'ensemble des professionnels de santé ». Ce dispositif,sur lequel travaillent actuellement Xavier Bertrand et son ministre délégué aux personnes âgées,Philippe Bas, implique, selon le rapport, un accroissement des moyens budgétaires afin que chaque établissement de santé de référence puisse disposer de lits de courts séjours gériatriques, d'uneéquipe mobile de gériatrie et d'un pôle d'évaluation gériatrique regroupant des consultations et un hôpital de jour gériatrique. La création de lits de soins de suite et de réadaptation (SSR) gériatriques est jugéeégalement nécessaire.
Autre élément constitutif de la filière gériatrique jugé indispensable : les unités de soins de longue durée (USLD), dont la vocation est d'« accueillir et de soigner les personnes âgées de 60 ans et plus ayant une pathologie organique chronique ou une polypathologie, soit active au long cours, soit susceptible d'épisodes répétés de décompensation et pouvant entraîner un handicap psychique et/ou physique durable ». Une redéfinition de ces structures est d'ores et déjà prévue(2). Le rapport préconise à cetégard de généraliser le recours àl'outil Pathos pour évaluer la charge en soins,d'adapter les moyens en personnel médical et non médical à celle-ci ou encore de« planifier à moyen terme un forfait soins s'appuyant sur une tarification à l'activité prenant en compte les indicateurs Pathos et AGGIR ». Il recommande également de créer, au sein des USLD, des unités de soins spécifiques permettant la prise en charge des patients atteints d'affections démentielles avec troubles psycho- comportementaux.
Le document juge par ailleurs nécessaire de « faire contractualiser en tant que "partenaires de la filière gériatrique labellisée" lesétablissements et structures associés à la filière » : les services de psychiatrie,accueils de jour, services de soins infirmiers à domicile.Mais aussi les services d'hospitalisation à domicile(HAD) et les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD).S'agissant des premiers, il suggère notamment de« les doter des compétences gériatriques nécessaires à la prise en soin des patients âgés en impliquant un médecin gériatre au sein de l'équipe pluridisciplinaire », de leur permettre d'intervenir au sein des EHPAD « afin d'éviter certaines hospitalisations » ou encore de les doter d'une« tarification à l'activité prenant en compte tous les aspects de la prise en charge ». Les auteurs souhaitent également favoriser les entrées des patients de l'hôpital vers les EHPAD et permettre la prise en charge adaptée des patients accueillis dans ces structures par le secteur sanitaire gériatrique, lors desétats de crise et de compensation.
Ils suggèrent encore d'adapter l'ensemble des dispositifs de la filière et de ses partenaires aux problèmes spécifiques des personnes handicapées vieillissantes. Par exemple, en favorisant le développement des relations entre les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les centres locaux d'information et de coordination (CLIC), en offrant aux personnes âgées handicapées de 60 ans et plus l'accès à l'ensemble des services et prestations dédiés aux patients gériatriques(pôles d'évaluation, court séjour, SSR gériatriques) tout en tenant compte de la spécificité de leur handicap, ou encore en étendant l'intervention des équipes mobiles de gériatrie et de l'HAD aux établissements pour handicapés.
Enfin, plus généralement, le rapport appelleà la fin de la séparation« délétère » de la gestion entre le sanitaire d'un côté et le médico-social de l'autre, « qui aboutit souvent à une absence de communication et à un déficit de coordination des actions sur le terrain ». Il propose à cet égard que les agences régionales d'hospitalisation (ARH) - si,comme cela est envisagé, elles devaient évoluer vers des agences régionales de santé - voient leur champ élargi au médico-social. En attendant,et afin de simplifier le dialogue entre l'Etat et les conseils généraux, il suggère l'expérimentation,dans une ou plusieurs régions, d'« une unité de décision ARH pour l'Etat ».
O.S.
(1) Un programme pour la gériatrie - 5 objectifs, 20 recommandations, 45 mesures pour atténuer l'impact du choc démographique gériatrique sur le fonctionnement des hôpitaux dans les 15 ans à venir - Claude Jeandel, Pierre Pfitzenmeyer, Philippe Vigouroux - Avril 2006.
(2) Sur les craintes des associations à propos de la réforme des USLD, voir en dernier lieu ASH n° 2455 du 12-05-06. Et sur la réponse du ministre délégué aux personnes âgées, voir ci-dessous.