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Il faut faire baisser la facture des maisons de retraite, insiste une mission de l'Assemblée nationale

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Il est « anormal que le financement des maisons de retraite incombe directement à leurs résidents ». Dès les premières pages de son rapport, rendu public le 17 mai, la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale annonce la couleur. Saisie d'une étude sur « le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées » (1), elle ne s'est pas attachée à chiffrer les besoins de places et les investissements afférents à court ou long terme - d'autres instances en sont chargées (2) -, mais a décidé de se focaliser sur le coût, très élevé, du tarif « hébergement » acquitté chaque mois par les résidents (en moyenne 1 700 € par mois, soit 500 € de plus que la pension de retraite moyenne) . Un problème souvent évoqué par les organisations de professionnels, plus rarement attaqué de front par les politiques...

C'est ainsi que la mission, coprésidée par Paulette Guinchard, députée PS du Doubs (et ancienne secrétaire d'Etat aux personnes âgées du gouvernement Jospin), également rapporteure de ce texte, et par Pierre Morange, député UMP des Yvelines, a voulu « comprendre les mécanismes constitutifs du coût de séjour en maison de retraite » et « proposer des mesures permettant de les contenir.Trop souvent le "reste à charge" facturé aux familles réduit de façon inacceptable le "reste à vivre" des personnes âgées. »

Comme toutes les autres instances qui se sont penchées sur la question (3), la MECSS déplore le manque d'informations sur ce secteur - aucune étude d'ensemble n'a été faite sur la facture acquittée par les 671 000 résidents en établissement, par exemple -, la multiplicité des intervenants (Etat, départements, assurance maladie, caisse nationale de solidarité pour l'autonomie [CNSA], assurance vieillesse, communes, opérateurs associatifs, groupes privés) et l'impossibilité d'avoir une vision claire des compétences. Ainsi, juridiquement, la responsabilité des investissements incombe aux départements mais, dans la pratique, le rythme des créations de places est régi par le flux des financements accordés par l'assurance maladie, qui ne règle pourtant qu'une part des coûts de fonctionnement à travers le budget « soins ».

La mission met en cause les règles de la tarification tripartite qui s'applique aux établissements et propose de les réorganiser. Elle épingle d'abord le fait que l'amortissement des investissements pèse entièrement sur le tarif « hébergement » acquitté par le seul résident. Dans les exemples cités par le rapport, cette charge financière représente de 24 à 30 % du prix de revient journalier. « Les usagers d'équipements collectifs tels qu'un terrain de sport ou un pensionnat de collège ne sont pas redevables des charges liées » à la création de ces structures, note la mission. De même, elle conteste la répartition de la totalité du coût de l'administration et de l'animation des maisons de retraite sur le tarif hébergement, ou encore l'affectation à cette même section tarifaire de 70 % des salaires des personnels de service qui réalisent fréquemment les toilettes (en lieu et place de personnels plus qualifiés qui seraient rémunérés, eux, sur les budgets « soins » et « dépendance » ). Toutes ces distorsions avec la logique ont le même résultat : alourdir la facture du résident et alléger d'autant les tarifs « soins », pris en charge par la sécurité sociale, et « dépendance », partiellement abondé par le département. Petite compensation pour ce dernier : une diminution du tarif « hébergement » pourrait entraîner une baisse non négligeable du nombre de résidents qui doivent faire appel à l'aide sociale (111 000 aujourd'hui), glisse au passage le rapport.

La mission reprend aussi à son compte les critiques des professionnels qu'elle a auditionnés sur le coût exorbitant des mises aux normes « incendie » et, plus globalement, sur le renchérissement lié à des contraintes de sécurité hors de proportion avec les risques encourus. Elle rappelle également les bizarreries de la fiscalité applicable aux établissements selon leur statut (public, associatif ou commercial). Les uns acquittent la taxe sur les salaires, les autres la taxe professionnelle et la taxe foncière. Certains récupèrent la TVA sur les investissements (s'ils sont gérés par les centres communaux d'action sociale ou relèvent du secteur commercial), d'autres non (s'ils sont pilotés par une association ou ont un statut public autonome). La récupération de la TVA par tous serait un bon moyen de faire baisser le coût de l'hébergement, note la mission.

La MECSS souhaite également une augmentation du volume des prêts aidés accordés aux projets de construction et de rénovation et l'extension des aides personnelles au logement à tous les résidents.Elle relaie la revendication des établissements publics de pouvoir placer leurs réserves de trésorerie pour accroître leur autofinancement.

Dans un autre domaine, sans doute plus polémique, la mission débusque des « marges de manœuvre à récupérer » par la suppression de lits de médecine et de chirurgie dans les hôpitaux (où 18 % des journées d'hospitalisation concerneraient des personnes âgées relevant du secteur médico-social) et par le transfert des crédits correspondants vers les structures pour personnes âgées. Une journée d'hospitalisation en chirurgie coûte de 400 à 800 €, contre 50 € dans une unité de soins de longue durée (hors région parisienne), indique le rapport.Lequel plaide, une fois de plus, pour une meilleure coordination entre les secteurs sanitaire et médico-social et espère que les nouvelles structures de planification mises en place au niveau régional produiront leurs effets.

A plusieurs reprises, la mission revient aussi sur la nécessité d'établir des référentiels de bonnes pratiques et de mieux former les personnels, notamment à des « techniques de soins moins agressives privilégiant la douceur à travers le regard, la parole, le toucher ». Cela améliorerait le bien-être des résidents, mais pourrait aussi être source d'économies par diminution des durées d'alitement et des surconsommations médicamenteuses, estime la rapporteure.

Reste à « désigner clairement et impérativement l'autorité compétente en matière de financement des investissements » et à « envisager » « un transfert des charges et une responsabilité plus complète des départements ».

Les 16 recommandations formulées - et même le constat, partagé avec la Cour des comptes, de « l'inéluctable prise en charge par la collectivité d'une part croissante de la dépendance » face au vieillissement attendu -ont recueilli l'accord de tous les membres de la MECSS. En revanche, le rapport mentionne des différends -certaines discussions ont même été animées - sur les modalités de financement de la dépendance. La rapporteure rappelle que la contribution solidarité autonomie (0,3 % de la masse salariale) instituée en 2004 ne pèse que sur les entreprises et les salariés. Elle préconise de la remplacer par un recours à la contribution sociale généralisée. Ce que contestent les membres de l'UMP, qui veulent d'abord mesurer le résultat des mesures préconisées avant d'envisager tout nouvel appel à la solidarité nationale.

M.-J.M.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2387 du 24-12-04.

(2)  Notamment le commissariat général du Plan (devenu Centre d'analyse stratégique)  : voir son premier rapport dans les ASH n° 2416 du 15-07-05. Un deuxième rapport a été remis il y a quelques semaines au ministère, qui devrait le rendre public durant la seconde quinzaine de juin, en même temps qu'un « plan solidarité grand âge », annoncé comme « ambitieux ».

(3)  Notamment la Cour des comptes, dont la mission partage la plupart des analyses - Voir ASH n° 2430 du 18-11-05.

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