Les actuelles concertations interminis- térielles sur la protection de l'enfance et le projet de loi sur la prévention de la délinquance (1) -texte qui devrait être validé le 24 mai par le comité interministériel de prévention de la délinquance et pourrait être présenté en conseil des ministres dans les semaines qui viennent - renforcent les inquiétudes sur les futurs arbitrages, notamment sur le rôle du maire et le partage du secret professionnel.
A l'issue de la réunion gouvernementale du 11 mai « sur la sécurité et la protection de l'enfance », les déclarations de Matignon ont attisé les craintes d'une confusion entre prévention sociale et prévention de la délinquance. La détection des situations de violences familiales, estime en effet le Premier ministre, est un objectif des deux projets de loi et nécessiterait la mobilisation de tous les partenaires, dont le conseil général et le maire. Ces propos ont fait réagir les signataires de l' « appel des 100 » initié par Claude Roméo et Jean-Pierre Rosenczveig, qui dénoncent une vision réductrice du projet de réforme engagé par le ministre délégué à la famille, qui dépasse le seul problème de la violence et vise trois types d'action : le renforcement de la prévention, l'organisation du signalement et la diversification des modes de prise en charge. « Mêler des problématiques aussi fondamentalement différentes nous paraît non seulement inacceptable, mais aussi fâcheux pour la pertinence des réponses susceptibles d'être apportées aux véritables besoins de la protection de l'enfance », s'indignent les signataires, qui demandent un entretien avec le président de la République « pour que les engagements pris [pour la réforme de la protection de l'enfance] soient respectés ». Craignant que la concurrence des deux textes ne soit finalement réglée par le calendrier parlementaire, ils réclament le maintien de l'examen rapide du projet de loi de Philippe Bas au Sénat, comme initialement prévu.
Après avoir rencontré le ministre de l'Intérieur le 5 mai dernier avec plusieurs organisations dont l'Association nationale des assistants de service social (2), la Coordination nationale des associations de protection de l'enfance (CNAPE) demande pour sa part que soit respectée « la compétence du conseil général en matière de protection de l'enfance » et défend « la priorité éducative de la justice des mineurs ». Ses membres se félicitent néanmoins que le ministre de l'Intérieur se soit engagé à préparer le projet de loi dans la concertation. Ils prévoient d'ores et déjà de proposer des amendements au texte, une fois qu'il leur sera communiqué. Réunis en assemblée générale le 12 mai dernier, les membres du Comité national de liaison des associations de prévention spécialisées (CNLAPS) revendiquent un « positionnement particulièrement ferme » vis-à-vis du ministère de l'Intérieur, « sur la base » du projet de réforme de la protection de l'enfance, qui correspond, selon eux, aux évolutions attendues par les associations et les professionnels.
La CGT et l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens (UGICT) -CGT, quant à elles, exigent le retrait du projet de loi sur la prévention de la délinquance et « l'ouverture d'un réel débat avec les organisations syndicales et professionnelles ». Les dispositions du texte ne répondent, selon elles, « en rien aux problématiques de souffrance sociale, de dysfonctionnements sociaux et familiaux et de délinquance juvénile, mais au contraire viennent perturber la logique de la relation d'aide et d'insertion que mettent en œuvre au mieux et dans le temps les professionnels de l'action sociale, de la justice, du soin et de l'éducation ». Elles déplorent un amalgame entre aide sociale et sécurité, « qui se traduit par une attaque contre le secret professionnel ». Alors qu'il existe un maillage territorial de responsabilités, conférer aux maires des pouvoirs supplémentaires « est dangereux pour les libertés individuelles et collectives ainsi que pour la cohérence du travail et de la place de chacun des intervenants », ajoutent-elles.
La Coordination des actions pour le droit à la connaissance des origines (CADCO) s'inquiète de son côté des conséquences de dispositions sécuritaires sur la famille. Elle craint que le projet de loi réformant le dispositif de protection de l'enfance et, plus encore, le projet de loi sur la prévention de la délinquance ne « discréditent la famille » et n'entraînent « davantage de retraits abusifs d'enfants et de séparations ». Le premier droit de l'enfant « est d'avoir des parents en capacité de l'élever », estime-t-elle.
(1) Voir ASH n° 2455 du 12-05-06.
(2) Voir ASH n° 2455 du 12-05-06.