Réorganisation de la prévention de la délinquance autour des maires, partage des informations entre professionnels, « responsabilisation » des parents d'enfants en difficulté, suivi de la santé des enfants à l'école, réforme de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants, lutte contre la toxicomanie, modification des règles en matière d'hospitalisation d'office et de sortie des établissements psychiatriques, lutte contre les violences conjugales... Présenté le 10 mai par Nicolas Sarkozy à l'occasion d'une audition devant les commissions des lois et des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, la version définitive du « plan national de prévention de la délinquance » ratisse large. Au moment où le ministre de l'Intérieur s'exprimait, la question de savoir si ces annonces trouveraient leur traduction législative dans un ou plusieurs projets de loi restait posée. Une réunion interministérielle devait avoir lieu le 11 mai pour trancher et fixer un calendrier. Cela n'aura pas empêché Nicolas Sarkozy d'exprimer son souhait : un seul projet de loi - afin de « permettre un débat d'ensemble » -, défendu selon les articles par des ministres différents et soumis au conseil des ministres au mois de juin. Les mesures présentées par le ministre de l'Intérieur ne manqueront pas, en tout cas, de susciter la controverse. En effet, certaines figuraient dans l'avant-projet de loi qui avait envoyé dans la rue des milliers de travailleurs sociaux en 2004 (1) ou filtrent depuis des mois et font d'ores et déjà l'objet de virulentes attaques de la part du monde associatif (2). D'autres ont été évoquées par des membres du gouvernement, tel le garde des Sceaux, Pascal Clément (3), ou par le ministre de l'Intérieur lui-même, notamment lors de la Ve conférence des villes organisée par l'Association des maires des grandes villes de France (4).
Au chapitre des sujets sensibles, le ministre a redit toute l'importance qu'il attache au « partage de l'information entre professionnels » . Il a notamment indiqué, sans entrer dans les détails, qu'un « coordonnateur » devrait être désigné parmi ces professionnels et serait donc lui-même soumis au secret professionnel (5).
Sans donner, là encore, de précisions quant à l'articulation de cette mesure avec le nouveau contrat de responsabilité parentale - placé entre les mains du président de conseil général par la loi pour l'égalité des chances (6) -, Nicolas Sarkozy a également confirmé l'institution dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants de « conseils pour les devoirs et droits des familles présidés par le maire » . « Cette instance pourra effectuer auprès des familles des rappels à leurs droits et devoirs dans les cas de problèmes particuliers (carences éducatives, troubles de voisinage, problèmes scolaires inquiétants, sorties tardives des enfants...). » « Les parents se verront rappeler leurs obligations légales et leur responsabilité à l'égard de leurs enfants », a expliqué le ministre. Et « un cadre juridique permettra au maire de proposer un stage de responsabilité parentale, indépendamment de toute procédure judiciaire directe ».
Par ailleurs, afin plus spécifiquement de faire respecter l'obligation scolaire, le maire devrait pouvoir mettre en place avec les caisses d'allocations familiales un « dispositif d'accompagnement à l'utilisation des prestations familiales ». « Ce dispositif doit permettre d'intégrer les allocations familiales dans un projet global autour de la famille », a indiqué le ministre, sans dire un mot sur son articulation avec la mesure d'accompagnement budgétaire contractualisé de la famille prévue par le projet de loi réformant la protection de l'enfance.
Autre cheval de bataille du ministre de l'Intérieur : la détection précoce des troubles du comportement. « Il faut créer une chaîne continue de suivi de la santé des enfants en intensifiant les interventions de la protection maternelle et infantile, et faire prendre le relais par la médecine scolaire à partir de 6 ans », a-t-il expliqué. « Il faut des rendez-vous fixes, à 3 ans, à 6 ans, et des bilans codifiés pour pouvoir les évaluer. »
Enfin, le champ psychiatrique est également visé par le plan national. Deux mesures sont ainsi prévues en matière d'hospitalisation d'office. En premier lieu, la création d'une période d'observation de 72 heures au maximum, au lieu de 24 heures actuellement, pour « permettre une appréciation sereine de la dangerosité éventuelle de la personne concernée ». Aussi et surtout, à l'instar du préfet, le maire devrait pouvoir prononcer l'hospitalisation d'office non seulement, comme aujourd'hui, si les troubles mentaux de l'intéressé représentent un danger imminent pour la sûreté des personnes, mais également s'ils portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Deux autres mesures concerneront les sorties des personnes hospitalisées. La levée définitive de la mesure d'hospitalisation devrait ainsi se faire sur décision du préfet et non plus seulement sur l'avis convergent de deux psychiatres. Par ailleurs, il est prévu que le maire soit systématiquement informé sur les sorties d'essai des malades (identité de la personne concernée, date de retour à l'hôpital, calendrier des visites médicales obligatoires).
(1) Voir ASH n° 2351 du 19-03-04.
(2) Voir en dernier lieu ASH n° 2439 du 20-01-06 et n° 2453 du 28-04-06.
(3) Voir ASH n° 2454 du 5-05-06.
(4) Voir ASH n° 2434 du 16-12-05.
(5) Il n'a jamais évoqué le projet de loi réformant la protection de l'enfance, qui consacre par ailleurs la notion de secret partagé pour toutes les personnes participant à la mission de protection de l'enfance et soumises au secret professionnel - Voir ASH n° 2454 du 5-05-06.
(6) Voir ASH n° 2451 du 14-04-06.