Alors que le flou règne encore quant au contenu du futur plan de prévention de la délinquance, le ministre de la Justice, Pascal Clément, a indiqué le 2 mai, lors d'un déplacement à Senlis (Oise) sur le thème de la délinquance des mineurs, qu'il entend, de son côté, « combattre vigoureusement le sentiment d'impunité qui se développe trop souvent chez les mineurs ». Il a levé le voile à cette occasion sur ses « pistes de travail » en la matière (1).
Il souhaite ainsi tout d'abord « éviter que ne soient prononcées des peines identiques dont la répétition rend la justice virtuelle ». Pointés du doigt, en particulier : les mineurs interpellés à répétition et « convoqués des dizaines de fois devant l'autorité judiciaire » pour faire l'objet, au final, d'une simple série d'admonestations. Le garde des Sceaux réfléchit ainsi à une limitation du nombre d'admonestations et de remises aux parents. Et estime qu'il faut développer les mesures de réparation pénale. « Ecrire une lettre à la victime, remettre en état un lieu dégradé » sont « autant de gestes tangibles qui à la fois ont une portée éducative et ne laissent pas l'infraction impunie », a-t-il expliqué.
Pascal Clément veut par ailleurs « diversifier davantage la réponse pénale » et évoque trois pistes pour y parvenir. Il entend en premier lieu diversifier les mesures de contrôle judiciaire pour les 13-16 ans. Ainsi, alors que les jeunes de cette tranche d'âge ne peuvent être placés sous contrôle judiciaire qu'au sein d'un centre éducatif fermé, il envisage qu'ils puissent être placés « dans d'autres structures adaptées à leur situation ». Sans donner plus de précisions.
Il propose également « une nouvelle alternative aux poursuites pour les mineurs » : il s'agirait de donner au parquet la possibilité d'user de la composition pénale (2) à l'égard de ceux qui reconnaissent les faits qu'ils ont commis, « avec toutes les garanties procédurales exigées ». L'idée serait ainsi de « favoriser une réaction rapide après la commission d'une infraction » mais aussi de « développer [...] un mode de sanction approprié à l'usage de stupéfiants ». Le garde des Sceaux souhaite aussi que les mineurs puissent faire l'objet d'injonctions thérapeutiques et qu'ils participent à des « stages de sensibilisation aux dangers de la drogue ».
Autre piste évoquée, toujours pour diversifier la réponse pénale : la création d'une « mesure éducative de jour » , qui pourrait être prononcée à titre principal ou comme obligation d'un contrôle judiciaire, d'un ajournement du prononcé de la peine ou d'une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve. « Elle permettra une nouvelle alternative entre les mesures éducatives en milieu ouvert et le placement judiciaire » et « s'adressera principalement aux adolescents déscolarisés et en rupture de formation pour lesquels la situation personnelle et familiale n'impose [...] pas un placement ». « L'activité se déclinera sous des formes variées », explique encore le ministre : « remise à niveau scolaire, insertion scolaire, initiation professionnelle, accompagnement à l'apprentissage, formation en alternance. »
Enfin, « lutter contre le sentiment d'impunité, c'est aussi accélérer le jugement des mineurs », a conclu le garde des Sceaux. Il ne souhaite pas, à cet égard, transposer la comparution immédiate des majeurs aux mineurs. Mais pense qu'il faut améliorer le dispositif de jugement à délai rapproché (3) en élargissant les cas dans lesquels cette procédure peut intervenir, « notamment quand le mineur est connu ».
Au-delà de ses pistes de réflexion, Pascal Clément a annoncé la création, d'ici à 2007, de 29 centres éducatifs fermés et de six nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs de 60 places. Sans préciser toutefois les lieux où ils seront implantés.
(1) « Pistes de travail » dont, Place Vendôme, on aimerait voir la concrétisation dans un projet de loi spécifique consacré à la prévention judiciaire de la délinquance.
(2) La composition pénale est une mesure consistant, pour le parquet, à proposer à l'auteur d'une infraction d'exécuter une ou plusieurs obligations : versement d'une amende, remise du permis de conduire, dessaisissement au profit de l'Etat du produit de l'infraction ou de la chose qui a servi à la commettre, réparation des dommages, réalisation d'un travail non rémunéré, etc.
(3) Créée par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, cette procédure permet une comparution plus rapide devant le juge des enfants du mineur qui a commis des faits graves - Voir ASH n° 2278 du 27-09-02.