La Commission européenne a adopté, le 26 avril, sa communication sur les services sociaux d'intérêt général (SSIG), très attendue par le secteur. Prévue à l'origine pour 2005 (1), cette communication tend à encadrer la notion de SSIG, un exercice rendu encore plus nécessaire par l'exclusion de la plupart des services sociaux de la directive « services » (2). Mais, comme l'a expliqué Vladimir Spidla, le commissaire européen pour l'emploi, les affaires sociales et l'égalité des chances, cela ne constitue qu'une « première étape » vers un texte éventuellement plus contraignant (une communication interprétative, voire une directive-cadre). L'intérêt de ce document reside surtout dans la reconnaissance de la place spécifique des services sociaux d'intérêt général et dans l'ébauche d'une clarification des règles communautaires qui leur sont applicables.
Pour la Commission, la spécificité des SSIG tient tout d'abord « au caractère vital des besoins qu'ils sont destinés à satisfaire, garantissant l'application des droits fondamentaux tels que la dignité et l'intégrité de la personne ». Ils se distinguent aussi par leur organisation, « qui peut comprendre une ou plusieurs caractéristiques » :
fonctionnement fondé sur le principe de solidarité (non-sélection des risques, pas de corrélation entre cotisations et prestations) ;
caractère polyvalent et personnalisé intégrant les réponses aux divers besoins nécessaires pour garantir les droits humains fondamentaux et protégeant les plus vulnérables ;
absence de but lucratif ;
participation de volontaires et de bénévoles ;
ancrage marqué dans une tradition culturelle (locale) ;
relation asymétrique entre prestataires et bénéficiaires qui ne peut être assimilée à une relation « normale » fournisseur-consommateur requérant la participation d'un tiers payant.
La communication discerne trois grands groupes de SSIG :les « services de santé », qui ne font pas l'objet de cette communication (3) ; les « régimes légaux et régimes complémentaires de protection sociale » ; les « autres services essentiels prestés directement à la personne ». Ce dernier groupe comprend notamment les services d'insertion professionnelle, de réhabilitation, d'aide aux personnes en difficulté (chômeurs, endettés, toxicomanes...), aux familles ou aux handicapés. Mais la liste des SSIG « ne peut être établie limitativement » . Les « services sociaux ont, au-delà des personnes dans le besoin, une mission de cohésion sociale et de prévention, qui concerne aussi les classes moyennes ».
Pour la Commission, la quasi-totalité des « services prestés » dans le domaine social exercent une « activité économique » au sens large où l'entend la Cour de justice des communautés européennes (4). Ils peuvent donc être soumis aux règles communautaires. Par conséquent, si les Etats restent « libres de définir [...] ce qu'ils entendent par services d'intérêt économique général ou en particulier par services sociaux d'intérêt général », cette liberté doit s'exercer « sans abuser de la notion d'intérêt général ». Les Etats membres doivent aussi prendre en compte les « principes de proportionnalité, de transparence et de non-discrimination » lorsqu'ils déterminent les modalités d'application des services. Selon les cas, devront être respectés le droit communautaire des marchés publics ou des aides d'Etat, le libre établissement et la libre prestation de services. Ces règles doivent, conclut la Commission, « inciter les pouvoirs publics à préciser, au-delà de la définition des missions d'intérêt général qu'ils confient à un organisme social, la correspondance entre les charges ou obligations attachées à cette mission et les limitations à l'accès au marché qu'ils estiment nécessaires pour permettre à ces organismes de faire face à ces charges ou obligations ».
Sur cette base, la Commission va lancer une nouvelle consultation de tous les acteurs (Etats, partenaires sociaux, organisations non gouvernementales, entreprises) sur les questions suivantes : quelle est la pertinence des critères de définition ? comment les Etats peuvent-ils utiliser ces critères pour définir les missions des services sociaux et leurs modalités d'organisation ?Parallèlement, une étude, à laquelle le secteur peut contribuer, a été lancée (5). Des rapports seront ensuite publiés tous les deux ans : le premier devrait sortir à la mi-2007. Une conclusion politique pourrait être tirée, selon Vladimir Spidla, en novembre 2007.
(1) Une première synthèse des avis des Etats membres et du secteur avait été réalisée en 2005 - Voir ASH n° 2403 du 15-04-05.
(2) Voir ASH n° 2450 du 7-04-06.
(3) Le commissaire Charlie Mc Creevy, chargé du marché intérieur, s'est engagé à présenter une initiative spécifique.
(4) Pour une analyse complète du secteur social face aux règles de la concurrence et du marché intérieur, voir ASH n° 2404 du 22-04-05 et ASH n° 2407 du 13-05-05.
(5) Etude coordonnée par le Centre européen pour la politique d'aide sociale et de recherche (Vienne) :