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Tutelles : des parlementaires décidés à agir avant la fin de la législature

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Nous n'allons pas lâcher le gouvernement sur ce sujet », promet Philippe Houillon, député (UMP) du Val-d'Oise et président de la commission des lois de l'Assemblée nationale. « Nous ne voulons pas que la mandature s'achève sans avoir au moins entamé cette réforme », insiste Laurent Wauquiez, député (UMP) de la Haute-Loire, représentant de la commission des affaires sociales. Les deux parlementaires s'étaient joints ès qualités, le 25 avril, à l'Association nationale des juges d'instance (ANJI), aux quatre grandes fédérations tutélaires - FNAT, UNAF, Unapei et Unasea - et au médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, pour affirmer, une nouvelle fois, l'urgence de la réforme de la protection juridique des majeurs (1). « La situation est catastrophique » pour les professionnels, pour les personnes protégées mais aussi pour celles qui ne peuvent l'être, assure Anne Caron-Deglise, présidente de l'ANJI. « Seuls 80 à 90 juges des tutelles en équivalent temps plein [ETP] doivent suivre 700 000 à 800 000 personnes protégées, avec 30 000 nouvelles mesures par an », rappelle-t-elle, en donnant l'exemple du tribunal de Besançon, qui suit 2 000 adultes et 1 000 enfants avec trois juges (très occupés par ailleurs), soit avec 0,5 ETP effectivement consacré à la question. « Avec des moyens d'enquête quasi inexistants », qu'il s'agisse d'évaluation sociale ou médicale, et avec une insuffisance criante des contrôles par des greffiers eux aussi débordés et non formés. Quant aux associations, « elles travaillent avec des bouts de ficelle », reconnaît la magistrate.

Tout cela entraîne de « graves dysfonctionnements », constate le médiateur, pour qui l'opacité du système est forcément source de suspicions, fondées ou non, et qui ne cache pas les risques de scandales liés à des détournements de biens par des professionnels ou à des conflits d'intérêts au sein des familles. « L'un des grands dangers est aussi l'infantilisation des majeurs concernés », ajoute François Rigouste, président de la FNAT. «  Nous n'avons pas le droit d'attendre que ce système à bout de souffle explose d'un jour à l'autre », prévient Laurent Wauquiez, qui parle aussi d'une « procédure à réhumaniser ».

100 à 200 millions d'euros de dépenses supplémentaires

La «  frilosité » du gouvernement en la matière est d'autant plus étonnante que le projet de reforme (qui est à l'ordre du jour depuis 1995) a fait « l'objet de concertations innombrables » et qu'il est « consensuel, sous réserve de quelques petits amendements qui pourraient être apportés par les parlementaires », estime Laurent Coquebert, directeur général de l'Unapei. «  Il replace le majeur au centre du dispositif, précise Anne Caron-Deglise, redonne, quand c'est possible, tout son rôle à la famille, ne fait intervenir le juge que par subsidiarité, et organise un accompagnement par des services professionnalisés, formés (2) , payés. »

Autant de principes effectivement consensuels mais qui butent sur un obstacle financier soulevé par l'Assemblée des départements de France (ADF), ce qui suffit pour l'heure à bloquer le projet. De l'avis général, en effet, les mesures destinées à l'origine à protéger des personnes handicapées ou âgées, atteintes d'altération de leurs facultés physiques ou mentales, ont souvent été «  détournées » et étendues aux personnes dépendantes de l'alcool ou de la drogue, aux exclus, aux surendettés..., qui auraient besoin d'un accompagnement social. Autant de personnes- 200 000, selon Laurent Wauquiez - qui devraient relever de l'action sociale des départements, lesquels seraient alors obligés de recruter des travailleurs sociaux. Alors que les mesures de protection (du moins les 300 000 qui ne sont pas confiées à la famille) sont actuellement financées par l'Etat (à 80 ou 85 %) et par la sécurité sociale (à 15 ou 20 %). Sur les 100 à 200 millions d'euros de surcoût occasionnés par la réforme, 50 à 60 millions seraient ainsi à la charge des départements, estime le parlementaire.

Les autres dépenses nouvelles seraient liées à l'évaluation par une équipe pluridisciplinaire, au renfort à apporter aux juges et aux greffiers, enfin à la formation et au statut accordés aux gérants de tutelle, précise Laurent Wauquiez. « Les enjeux budgétaires sont réels mais pas démesurés », juge Jean-Paul Delevoye.

Conscients de cette difficulté avec l'ADF (déjà échaudée par les nouvelles charges issues de la décentralisation), les parlementaires de la majorité, qui envisageaient de créer une mission d'information sur la question, ont accepté d'attendre jusqu'à l'été. Ils promettent néanmoins de relancer le gouvernement en mai et si, en juin, rien n'avait bougé, de créer cette mission, « mais sous forme d'un commando, pour une durée d'un mois, pas plus ». Déjà, au cas où le projet resterait enlisé, Laurent Wauquiez est mandaté pour préparer une proposition de loi. La « niche parlementaire » ne permettrait pas de traiter de tout le dossier, mais au moins de débloquer quelques points. Ce ne serait pas l'idéal, mais permettrait « d'enclencher un processus vertueux », espère-t-il.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2450 du 7-04-04.

(2)  Pour sa part, l'Association nationale des délégués et personnels des services de tutelle estime ce volet insuffisant, notamment quant à la formation - qu'elle voudrait voir sanctionnée par un diplôme - et aux exigences d'éthique et de secret professionnel.

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