L'accouchement sous X peut-il priver d'effet la reconnaissance paternelle in utero d'un enfant ? C'est une question à laquelle la Cour de cassation vient de répondre par la négative, bouleversant ainsi les règles de l'accouchement sous X.
Une femme accouche sous anonymat, le 14 mai 2000, d'un enfant qui avait été reconnu avant sa naissance par son père, le 13 mars 2000. Le jour de sa naissance, l'enfant est confié au service d'aide sociale à l'enfance puis placé, en vue de son adoption, auprès d'un couple. Séparé de la mère avant l'accouchement, le père n'a plus eu de nouvelles de son enfant, dont il retrouve la trace à l'issue de démarches effectuées auprès du procureur de la République. Le 18 janvier 2001, il adresse une demande de restitution de son enfant à la cellule d'adoption du conseil général. Celle-ci, ignorant sa requête, donne malgré tout au couple accueillant, le 26 avril 2001, son accord à l'adoption. Dès lors, le tribunal de grande instance de Nancy est saisi de deux requêtes : l'une portant sur la demande de restitution de l'enfant à son père naturel et l'autre sur la demande d'adoption plénière. Par jugements du 16 mai 2003, le tribunal accède à la demande de restitution du père et rejette la demande d'adoption du couple auquel a été confié l'enfant. Ce dernier fait alors appel de cette décision et obtient gain de cause auprès de la cour d'appel de Nancy, qui a considéré que la « reconnaissance [in utero] s'est trouvée privée de toute efficacité du fait de la décision de la mère d'accoucher anonymement, l'identification de l'enfant par sa mère, contenue dans la reconnaissance, étant devenue inopérante ». Et d'ajouter que « la reconnaissance paternelle n'est jamais devenue effective, l'enfant n'ayant été identifié qu'après son placement en vue de l'adoption ». La juridiction tire donc les conséquences de ce raisonnement et conclut à la légitimité de l'adoption, une décision contestée par le père naturel de l'enfant devant la Cour de cassation.
La Haute Juridiction vient de trancher, le 7 avril dernier, en faveur de ce dernier, au motif que « l'enfant ayant été identifié par [son père] à une date antérieure au consentement à l'adoption, la reconnaissance prénatale avait établi la filiation paternelle de l'enfant avec effet au jour de sa naissance, de sorte que le conseil de famille des pupilles de l'Etat, qui était informé de cette reconnaissance, ne pouvait plus, le 26 avril 2001, consentir valablement à l'adoption de l'enfant ». L'affaire est désormais renvoyée devant la cour d'appel de Reims qui, si elle suit la Cour de cassation, devrait annuler l'adoption et permettre ainsi au père naturel de faire valoir ses droits sur son enfant.