« Plutôt que fusion et incitation, les maîtres mots devraient être revalorisation et mobilisation. » L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) met en doute la pertinence des choix gouvernementaux visant les allocataires de minima sociaux, et n'est pas davantage convaincu par une éventuelle fusion des revenus d'assistance. Il s'en explique dans sa dernière lettre (1).
Pour l'OFCE, en premier lieu, les effets de la réforme du mécanisme d'intéressement à la reprise d'un emploi par les allocataires de minima sociaux seront contrastés. « Favorable aux célibataires sans enfant, quel que soit le type d'emploi repris, et aux personnes reprenant un emploi au SMIC à temps plein », le nouveau dispositif, au cœur de la loi pour le retour à l'emploi du 23 mars 2006 (2), le sera moins que l'ancien « pour les personnes ayant des enfants à charge » qui concluent « des contrats aidés types contrat d'insertion-revenu minimum d'activité ou contrat d'avenir ». L'institut de recherche juge par ailleurs « irréaliste » l'objectif que s'est fixé le gouvernement avec ce dernier contrat, censé constituer « un tremplin efficace vers l'emploi stable non aidé, sans retour dans le dispositif des minima sociaux », d'autant plus que « le budget ne permet de financer que des contrats de un an ». Une durée qui rend « peu probable », selon lui, l'hypothèse selon laquelle une majorité de personnes concernées accédera à un emploi stable. « Bon nombre d'entre eux, prédit-il, repasseront par des phases de revenu minimum d'insertion et de chômage. » Et, selon ses prévisions, la situation n'est pas en passe de s'améliorer : « pour que les 250 000 personnes entrant en contrat d'avenir chaque année trouvent un emploi stable au terme de celui-ci et sortent définitivement de l'assistance, il faudrait deux millions d'emplois supplémentaires, ce qui suppose un dynamisme du marché du travail qui n'est pas perceptible à ce jour, et qui, s'il se produisait, rendrait cette masse de contrats aidés inutile. »
L'OFCE rejette en outre l'idée d'une fusion en une seule allocation, qui impliquerait les mêmes droits et devoirs pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation de parent isolé (API). En raison notamment, explique-t-il, de la difficulté à homogénéiser leurs montants, étant rappelé que celui du RMI est « nettement plus faible » que les deux autres. « Proposer un alignement par le bas reviendrait à dégrader la situation des 540 000 bénéficiaires de l'API et de l'ASS », alors qu' « une harmonisation par le haut irait à contre-courant de la tendance dominante qui exige un creusement de l'écart entre les revenus sociaux et ceux du travail »... avec le risque de faire resurgir le spectre de la désincitation au travail. Par ailleurs, estime l'observatoire, fusionner les minima sociaux d'insertion reviendrait à « diffuser l'image [stigmatisante] véhiculée par le RMI à tous les allocataires ». L'institut de recherche n'est pas plus favorable à une fusion du RMI et de l'API en une « allocation unique d'insertion ». Et ce, même si elle aurait l'avantage de préserver les montants d'allocation différenciés en fonction du statut du bénéficiaire. La proposition des sénateurs Michel Mercier et Henri de Raincourt (3), note l'étude, « loin de simplifier le système », l'opacifiera davantage « en rendant moins explicite les raisons pour lesquelles les montants versés diffèrent ».
Pour l'OFCE, mieux vaudrait « repenser les minima sociaux » en tenant compte du degré de proximité des bénéficiaires par rapport au marché du travail. Il revient en particulier sur la situation des personnes pour qui le RMI est « leur revenu principal et permanent » et qui ont « peu d'espoir d'en sortir ». Pour eux, l'insertion pourrait prendre la forme d'un « accompagnement social plutôt que professionnel ». Au-delà, leur allocation devrait être revalorisée, recommande l'étude, par exemple au niveau du montant de l'allocation aux adultes handicapés (610,28 € par mois depuis le 1er janvier).
T.R.
(1) « Quel sort pour les allocataires de minima sociaux ? » - Lettre de l'OFCE n° 273 - Mars 2006 - Disponible sur
(2) Voir ASH n° 2449 du 31-03-06.
(3) Sur leur rapport intitulé « Plus de droits et plus de devoirs pour les bénéficiaires de minima sociaux », voir ASH n° 2435 du 23-12-05.