Le Conseil constitutionnel a validé le 30 mars la plupart des dispositions de la loi pour l'égalité des chances (1), et en particulier celle qui est de loin la plus controversée : le contrat première embauche (CPE). La loi étant parue le 2 avril au Journal officiel, la signature d'un tel contrat est juridiquement possible depuis le 3 avril. Aucun CPE ne devrait toutefois être signé dans l'immédiat. Du moins, a annoncé le 31 mars Jacques Chirac, pas avant que le dispositif n'ait été amendé sur deux points : la durée de la période d'essai et le droit du jeune salarié à « connaître les raisons » de la rupture de son contrat.
Les neuf sages ont censuré l'article 21 de la loi qui visait à exclure du décompte des effectifs d'une entreprise, pour les élections professionnelles, les salariés y intervenant en exécution d'un contrat de sous-traitance. Au motif que cette disposition était issue d'un amendement « dépourvu de tout lien avec le projet de loi ». Pour les mêmes raisons, les magistrats ont écarté l'article 22 qui amendait la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 afin de rendre applicable à compter du 1erjanvier 2003, au lieu du 1er janvier 2006, la nouvelle définition des heures de travail servant de base aux mesures de réduction de cotisations de sécurité sociale - dite réduction « Fillon » (2).
A noter que le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la « loi fondamentale » le « contrat de responsabilité parentale », tout comme la possibilité laissée au maire, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, de proposer à l'auteur de certaines contraventions ayant causé un préjudice à la commune une transaction de nature à éteindre l'action publique.
Les « sages » ont rejeté en bloc les arguments portés par les parlementaires de l'opposition dans leur charge contre le CPE. En particulier, les requérants soutenaient qu'il attentait au principe d'égalité devant la loi. Un grief que n'ont pas retenu les magistrats, au motif « qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées ». Par conséquent, le législateur « pouvait créer un nouveau contrat de travail destiné à faciliter l'insertion professionnelle des jeunes, a considéré le Conseil constitutionnel, compte tenu de la précarité de [leur] situation sur le marché du travail ». Et d'ajouter que les différences de traitement qui en résultent sont « en rapport direct avec la finalité d'intérêt général poursuivie par le législateur et ne sont, dès lors, pas contraires à la Constitution ».
La loi ne prive pas davantage les salariés embauchés en CPE de « droit au recours » en cas de rupture de leur contrat de travail, ont par ailleurs estimé les juges. Car, ont-ils rappelé, les termes mêmes de la loi prévoient que ceux dont le contrat prend fin au cours des deux premières années pourront contester leur éviction devant le juge prud'homal, dans les 12 mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée les avertissant de la décision de leur employeur. Celui-ci aura à indiquer les motifs de cette rupture afin de permettre au juge, en cas de recours du salarié, de « vérifier qu'ils sont licites » et de « sanctionner un éventuel abus de droit ». Les juges prud'homaux devront notamment rechercher si le motif de la rupture « n'est pas discriminatoire et ne porte pas atteinte à la protection prévue par le code du travail pour les femmes enceintes, les accidentés du travail et les salariés protégés ».
Et maintenant ? L'article 8 instituant le contrat première embauche est d'application immédiate. En principe donc, un CPE peut être conclu depuis le 3 avril (soit au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel ). L'entrée en vigueur du nouveau dispositif n'est en effet pas subordonnée à la parution d'un décret en précisant les modalités de mise en œuvre. Reste qu'aucun CPE ne devrait être conclu dans l'immédiat. Lors de son intervention radiotélévisée, le président de la République a en effet demandé au gouvernement « de préparer immédiatement deux modifications de la loi sur les points qui font débat » : « la période [d'essai] de deux ans sera réduite à un an ». Et, « en cas de rupture du contrat, le droit du jeune salarié à en connaître les raisons sera inscrit dans la nouvelle loi ».
Une proposition de loi allant dans ce sens devrait être présentée par les présidents des groupes UMP à l'Assemblée nationale et au Sénat. Pas avant mai, a priori, le temps pour ces derniers et le gouvernement de mener à terme les négociations qu'ils ont engagées dès le 5 avril avec les organisations syndicales, étudiantes et lycéennes (3). D'ici là, Jacques Chirac a invité les ministres concernés à « prendre toutes les dispositions nécessaires pour qu'en pratique aucun [CPE] ne puisse être signé sans intégrer l'ensemble des modifications » qu'il a annoncé. Ceux chargés de l'emploi se sont rapidement exécutés : le 3 avril, Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher ont adressé aux 220 présidents de fédérations professionnelles un courrier dans lequel ils leur recommandent « de ne pas signer de CPE avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ».
(1) Voir ASH n° 2447 du 17-03-06.
(2) Voir ASH n° 2445 du 3-03-06.
(3) Réunies en intersyndicale le 5 avril avant le début des discussions, ces organisations ont exigé « le vote avant les vacances parlementaires le 17 avril d'une loi abrogeant le CPE ».