Ce que nous disons, c'est qu'avant de demander des moyens supplémentaires, il faut regarder combien cela coûte. Or, si nous disposons de données budgétaires sur les dépenses sociales des institutions, nous n'avons aucune analyse financière du coût d'une intervention pour une personne dans l'année et des bénéfices induits pour les comptes de protection sociale. On constate un gâchis financier lié aux prises en charge redondantes, aux interventions trop tardives, mal ciblées, mais il n'a jamais été évalué. Il est nécessaire de se doter des moyens d'analyser le rapport coût/efficacité de l'intervention sociale.
Les dispositifs d'action sociale sont trop souvent standardisés et se prêtent mal à une modulation de l'intervention selon la gravité des problématiques et leur évolution dans le temps. Pour les personnes qui en ont vraiment besoin, l'accompagnement n'est pas assez intense. Ainsi, par exemple, dans chaque département, il y a quelques dizaines de jeunes en grande difficulté, déscolarisés, ballottés de famille d'accueil en famille d'accueil, d'institution en institution, et dont la situation ne s'améliore pas. Nous pensons qu'il faut accepter de faire un effort particulier, pendant un temps limité, en direction de ces publics lourds. On sait bien ainsi que certains titulaires du revenu minimum d'insertion vont s'en sortir très vite et que d'autres mettront du temps. L'idée, c'est d'isoler ces derniers et de mener à leur égard un accompagnement renforcé, comme l'ont compris d'ailleurs certains conseils généraux.
Cela suppose effectivement, à partir d'un public très large, de faire une analyse pluridisciplinaire très fine des situations. On peut s'aider de méthodes d'évaluation comme celles mises au point par les Québécois.
Nous défendons l'idée d'une prise en charge d'intensité variable et modulée dans le temps. D'où la nécessité d'améliorer la coordination des interventions entre les institutions afin d'éviter les doublons ou les ruptures de prise en charge. Nous proposons ainsi le développement de petites cellules de coordination pour traiter des cas les plus lourds et éviter le phénomène de la « patate chaude », comme le fait d'ailleurs le conseil général de l'Essonne. Mais la coordination doit se faire aussi au niveau du territoire, c'est pourquoi nous suggérons d'élaborer des schémas départementaux d'action sociale.
C'est vrai qu'à enveloppe budgétaire constante, le risque existe. C'est pour cela que nous demandons parallèlement qu'un gros effort soit fait sur la prévention. C'est pour cela aussi que, pour éviter les gaspillages, nous insistons sur la nécessité d'intégrer l'évaluation dès la conception des interventions, par exemple en fixant des objectifs opérationnels précis pour chaque prise en charge et en suivant régulièrement les résultats obtenus.
Mais c'est en redonnant une efficacité à l'action sociale qu'on redonne du sens à l'action des professionnels et qu'on valorise leurs compétences. Et c'est dans cet esprit que l'IGAS a travaillé. C'est parce qu'elle apparaîtra crédible et légitime aux yeux des politiques que l'intervention sociale viendra nourrir le débat public local. Car il nous semble nécessaire d'aller jusqu'au bout de la décentralisation de l'action sociale.
Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) L'intervention sociale, un travail de proximité - Objet d'un colloque le 23 mars au ministère de la Santé et des Solidarités -Voir ASH n° 2441 du 3-02-06.