Dans la foulée de la présentation du rapport Coutanceau sur la prise en charge des hommes auteurs de violences conjugales (1), la loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a été définitivement adoptée par le Parlement, le 23 mars. Accentuant l'arsenal répressif contre les violences conjugales, ce texte cherche également à lutter contre les mariages forcés, en s'inspirant des propositions d'une note d'étape adoptée en novembre 2005 par la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant de l'Assemblée nationale (2). Cette loi intervient en outre quelques semaines après la présentation par le garde des Sceaux d'un projet de loi tendant à renforcer le contrôle de la validité des mariages (3) actuellement en discussion au Parlement.
Le texte adopté met d'abord fin à la différence existant depuis 1804 entre les hommes et les femmes face au mariage. En effet, pour lutter contre les mariages forcés qui toucheraient quelque 70 000 adolescentes par an, l'âge minimal légal du mariage est porté de 15 à 18 ans pour les femmes, comme il l'était déjà pour les hommes.
Il vise également à affirmer sans ambiguïté le principe de l'audition des futurs époux et de la saisine du ministère public par l'officier d'état civil ou l'agent diplomatique ou consulaire en cas d'indices sérieux d'absence de consentement libre entre les époux. En clair, le législateur souhaite insister sur le fait que ces dispositifs s'appliquent aux hypothèses de mariages forcés célébrés en France ou à l'étranger et pas seulement aux mariages de complaisance, comme c'est le cas le plus souvent en pratique. De même, suivant une recommandation commune de la défenseure des enfants et du médiateur de la République, la loi autorise ces personnels à déléguer à un ou à plusieurs fonctionnaires titulaires du service de l'état civil la réalisation de l'audition commune ou séparée des époux et autorise les auditions par des officiers de l'état civil ou des agents diplomatiques ou consulaires différents lorsque les futurs époux ne résident pas dans le même pays.
Par ailleurs, il sera désormais possible au ministère public - comme cela l'est déjà pour les époux ou l'un d'entre eux - d'engager une action en nullité du mariage en cas d'absence de consentement libre des époux (c'est-à-dire en cas de violence physique ou morale) (4). En outre, il est ajouté que « l'exercice d'une contrainte sur les époux ou sur l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage ». Enfin, la loi supprime la disposition selon laquelle une demande en nullité du mariage pour vice de consentement (qui englobe le consentement non libre ou l'erreur sur la personne ou sur ses qualités essentielles) n'est plus recevable toutes les fois qu'il y avait eu « cohabitation continuée pendant six mois » après que l'époux a acquis sa pleine liberté ou reconnu son erreur. Désormais, s'alignant sur le régime de droit commun en matière d'action en nullité, le texte prévoit que la demande en nullité du mariage pour vice de consentement n'est plus recevable à l'issue d'un délai de cinq ans à compter du mariage ou depuis que l'époux a acquis sa pleine liberté ou reconnu son erreur. Par cohérence, le délai de recevabilité de l'action en nullité contre le mariage d'un mineur conclu sans l'accord d'un parent est notamment porté de un à cinq ans.
Au-delà, l'arsenal répressif à l'encontre des auteurs de violences conjugales est renforcé. La loi définit ainsi de manière générale la circonstance aggravante actuellement prévue par différents articles du code pénal lorsque l'infraction est commise par le conjoint ou le concubin de la victime et l'étend explicitement aux faits commis par la personne liée à la victime par un pacte civil de solidarité (PACS) ainsi que par l'ancien conjoint, concubin ou pacsé, sous réserve, pour ces derniers, que l'infraction soit commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime. Cette circonstance aggravante ne s'appliquera toutefois que dans les cas expressément prévus (tortures et actes de barbarie, violences...). Dans le même esprit, la loi crée une nouvelle circonstance aggravante en cas de meurtre commis par un conjoint, concubin ou partenaire d'un PACS.
Par ailleurs, la loi introduit une exception à l'impossibilité de poursuivre le vol entre époux. De telles poursuites seront désormais possibles lorsque le vol portera sur des objets ou des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime comme les documents d'identité, ceux relatifs au titre de séjour ou de résidence d'un étranger ou les moyens de paiement. Il s'agit ainsi de mieux protéger les femmes menacées, dans 90 % des cas des étrangères.
Consacrant une jurisprudence de la Cour de cassation, la loi prévoit également que l'infraction de viol et d'agression sexuelle peut être constituée quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage. En outre, le principe de la présomption du consentement des époux à l'acte sexuel ne vaut que jusqu'à preuve du contraire. Enfin, l'infraction de viol ou d'agression sexuelle est aggravée lorsqu'elle est commise par le conjoint, concubin ou partenaire.
Complétant la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales (5), le législateur étend au partenaire lié par un PACS la possibilité déjà ouverte au procureur de la République ou au juge de demander à l'auteur des faits, en cas d'infraction commise soit contre son conjoint ou son concubin, soit contre ses enfants ou les enfants de ce dernier, de résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, de s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci. Cette disposition est également applicable à l'ancien conjoint ou concubin ou partenaire de la victime, le domicile concerné étant celui de la victime. Cette mesure peut être proposée dans le cadre de la médiation pénale, de la composition pénale, du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve (6).
Enfin, le gouvernement devra déposer tous les deux ans devant le Parlement un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples (conditions d'accueil, de soin et d'hébergement des victimes, prise en charge sanitaire, sociale, psychologique des auteurs de violences conjugales...).
A côté du devoir mutuel de fidélité, de secours et d'assistance entre les époux, la loi ajoute celui de respect, « base d'une vie de couple harmonieuse et préalable indispensable à la prévention des violences conjugales », expliquent les rapports parlementaires.
Par ailleurs, une série de dispositions vise à renforcer la protection des mineurs contre les violences, y compris les jeunes étrangers vivant habituellement sur le territoire français. L'ambition est de « lutter plus efficacement contre l'excision et les autres mutilations sexuelles ». Autre mesure :les violences commises contre des mineurs qui ont entraîné une mutilation et une infirmité permanente se prescriront désormais après 20 ans, ce délai de prescription de l'action publique commençant à courir à compter de leur majorité. Celles ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours se prescriront, elles, au bout de dix ans. Pour lutter contre le tourisme sexuel, la loi autorise en outre le juge à prononcer, à titre de mesures complémentaires, l'interdiction pour cinq ans au maximum de quitter le territoire à l'égard de l'auteur d'un viol ou d'une agression sexuelle contre un mineur. Enfin, la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie du 23 décembre 2003 est transposée en droit français.
A signaler également que la loi autorise, à certaines conditions, le procureur de la République à ordonner l'inscription dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques d'une personne de nationalité française ou étrangère résidant de façon habituelle en France condamnée par une juridiction étrangère pour des infractions de nature sexuelle.
(1) Voir ASH n° 2448 du 24-03-06.
(2) Voir ASH n° 2432 du 2-12-05.
(3) Voir ASH n° 2442 du 10-02-06.
(4) Notion qui se distingue du défaut de consentement lié au non-respect des conditions d'âge, à la bigamie ou à la consanguinité, par exemple.
(5) Voir ASH n° 2432 du 2-12-05.
(6) En outre, il sera désormais possible au juge d'incarcérer l'auteur de violences en cas de non-respect du contrôle judiciaire ordonné ou maintenu dans le cadre d'une comparution par procès-verbal, d'une comparution immédiate ou d'une condamnation à un sursis avec mise à l'épreuve.