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La relance de l'immigration de travail et la limitation de l'immigration familiale au cœur du projet de loi présenté en conseil des ministres

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L'immigration demeure aujourd'hui sans rapport avec les capacités d'accueil de la France et ses besoins économiques. » Cette phrase, tirée de l'exposé des motifs, résume à elle seule la philosophie qui sous-tend le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration présenté le 29 mars en conseil des ministres. Il s'agit, d'un côté, de relancer l'immigration de travail et, de l'autre, de donner un coup de frein non seulement à l'immigration familiale mais aussi aux régularisations. Autrement dit, de privilégier une immigration « choisie » et non « subie ». Le texte sur lequel les parlementaires auront à se pencher - qui contient également des dispositions relatives à l'éloignement des étrangers, à l'asile ou encore à la nationalité - est sans surprise puisque le gouvernement l'avait dévoilé le 9 février, à l'occasion du quatrième comité interministériel de contrôle de l'immigration. On se souvient qu'un point de désaccord semblait alors exister entre le ministre de l'Intérieur et le Premier ministre à propos d'éventuels quotas - même si le mot n'était pas prononcé - d'étrangers susceptibles d'être accueillis chaque année en France (1). L'exposé des motifs du projet de loi emploie, au final, les mêmes termes que ceux de l'avant-projet préparé par Nicolas Sarkozy, évoquant des « objectifs quantitatifs pluriannuels » fixés chaque année par le gouvernement dans son rapport aux parlementaires sur les orientations de sa politique d'immigration. Ce rapport, précise le texte, « indiquera à titre prévisionnel le nombre, la nature et les différentes catégories de visas de long séjour et de titres de séjour qui seront délivrés au cours des trois années qui suivent l'année de sa remise au Parlement, en distinguant en particulier l'admission au séjour aux fins d'emploi, aux fins d'études et pour motifs familiaux ». Ces objectifs « tiendront compte de la situation démographique en France, de ses perspectives de croissance, des besoins du marché de l'emploi et des capacités d'accueil de notre pays au regard des conditions de bon fonctionnement des services publics et des dispositifs sociaux susceptibles d'être sollicités dans le cadre de l'accueil et de l'intégration des migrants ». Ils devraient apparaître pour la première fois dans le rapport qui sera remis au Parlement en juillet 2006.

La promotion de l'immigration « choisie »

Le gouvernement entend donc tout d'abord faciliter la venue de certaines catégories d'étrangers. Une nouvelle carte de séjour - dite « compétences et talents » -, d'une durée de trois ans renouvelables, devrait ainsi voir le jour pour l'étranger susceptible « de participer [...]de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, culturel et sportif de la France dans le monde, et au développement économique du pays dont il a la nationalité ». Les membres de sa famille devraient se voir remettre une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». Parmi les étrangers venus en France pour travailler, certains devraient, en outre, pouvoir obtenir une carte de séjour temporaire de un an renouvelable sans que leur soit opposable la situation de l'emploi, à condition d'être venus pour exercer une activité « dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement » , figurant sur une liste établie par arrêté. Les travailleurs saisonniers devraient, pour leur part, bénéficier également d'une carte de séjour spécifique, pluriannuelle, d'une durée maximale de trois ans renouvelable. Sous réserve toutefois qu'ils aient leur résidence habituelle hors de France et qu'ils viennent pour une période de travail n'excédant pas six mois sur une année.

Autre « cible » du gouvernement : les étudiants étrangers de haut niveau. Le projet de loi prévoit ainsi que ceux admis à suivre une formation en vue de l'obtention d'un diplôme au moins équivalent d'un master dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national et titulaires d'une carte de séjour temporaire depuis au moins un an pourront, à l'échéance de la validité de cette carte, en solliciter le renouvellement pour une durée supérieure à un an et ne pouvant excéder quatre ans (2). En outre, ceux qui iraient au-delà du master devraient pouvoir obtenir, à l'issue de leurs études, une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois non renouvelables s'ils souhaitent, « dans la perspective du retour dans leur pays d'origine », compléter leur formation par une première expérience dans l'Hexagone. Pendant cette période de six mois, les intéressés devraient avoir à indiquer à l'administration la nature de leur projet professionnel ainsi que l'intérêt de celui-ci pour le développement économique de leur pays. Au final, s'ils trouvaient un emploi en relation avec leur formation et rémunéré à un certain niveau (3), ils obtiendraient alors une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle en France, pour une durée de un an renouvelable. Le projet de loi institue encore un dispositif d'accueil en France particulier pour les étudiants étrangers souhaitant effectuer un stage non rémunéré. Ceux-ci devraient ainsi pouvoir obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « stagiaire », à condition de pouvoir établir qu'ils disposent de moyens d'existence suffisants.

L'immigration pour des motifs de vie privée et familiale dans le collimateur du gouvernement

Comme prévu, le projet de loi durcit les conditions entourant le regroupement familial. Ainsi, un étranger ne devrait pouvoir déposer une demande pour faire venir sa famille qu'au bout de 18 mois de séjour régulier en France, et non plus 12 mois comme c'est le cas aujourd'hui. La donne devrait en outre changer s'agissant de la justification, par le demandeur, de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Contrairement à la pratique en vigueur actuellement, les minima sociaux devraient en effet être exclus expressément du calcul des ressources. L'intéressé devra « démontrer » qu'il peut « faire vivre sa famille des revenus de son travail », indique l'exposé des motifs. L'étranger demandeur devrait en outre avoir à justifier « se conformer aux principes qui régissent la République française » . Le projet va, à cet égard, moins loin que l'avant-projet, qui était plus exigeant sur la question de l'intégration. La première mouture prévoyait notamment la possibilité, pour le maire, d'émettre un avis pour l'appréciation de cette condition d'intégration. Cette disposition a finalement disparu du projet de loi, au profit de celle octroyant à l'administration la possibilité, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, de retirer le titre de séjour qui a été remis au conjoint de l'étranger regroupant en cas de rupture de la vie commune.

Autre restriction en matière d'immigration familiale : « afin de lutter contre le détournement du mariage à des fins migratoires », les conjoints de Français devraient, en plus d'avoir à justifier de la régularité de leur entrée en France, être en possession d'un visa de long séjour de plus de trois mois pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » et attendre trois ans - et non plus deux - pour demander une carte de résident. La durée de communauté de vie leur permettant de demander la nationalité française devrait passer, en outre, de deux à quatre ans (cinq ans s'ils ne justifient pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France depuis le jour de leur mariage). Parallèlement, le délai d'opposition laissé au gouvernement pour s'opposer, pour indignité ou défaut d'assimilation autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger devrait être porté de un à deux ans.

Le gouvernement propose par ailleurs de mettre fin à la délivrance automatique d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à tout étranger présent en France depuis plus de dix ans (ou plus de 15 ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant).

Seule signe d' « ouverture » en la matière : le projet de loi propose d'étendre, à sa majorité, le bénéfice de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l'étranger qui a été confié, depuis qu'il a atteint l'âge de 16 ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et qui s'est inscrit dans un parcours d'insertion qu'il souhaite poursuivre.

Sur un plan plus général, la signature d'un contrat d'accueil et d'intégration devrait devenir obligatoire pour tout étranger admis pour la première fois au séjour en France et qui souhaiterait s'y maintenir durablement. En outre, l'intégration à la société française des étrangers qui demandent une carte de résident de dix ans - après cinq ans de séjour régulier sur le territoire national, après trois ans de séjour régulier s'ils sont entrés par le regroupement familial, ou encore s'ils sont titulaires d'une carte de séjour en qualité de parent d'enfant français - devrait être appréciée désormais au regard de leur « engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française », « du respect effectif de ces principes » et de leur connaissance suffisante de la langue française. La signature et le respect du contrat d'accueil et d'intégration devraient également être pris en compte.

A noter encore : l'obtention d'un visa de long séjour devrait devenir indispensable pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire, à quelques exceptions près.

Dispositions diverses

Le projet de loi donne à l'administration la possibilité d'assortir sa décision de refus de séjour, de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou de retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour, d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination et laissant à l'étranger un mois pour partir. Passé ce délai, l'obligation serait exécutée d'office par l'administration. L'étranger concerné par une telle décision devrait pouvoir demander son annulation au tribunal administratif dans les 15 jours suivant sa notification. Ce recours suspendrait l'exécution de l'obligation de quitter l'Hexagone sans pour autant faire obstacle à un placement en rétention administrative.

La future loi organise par ailleurs la sortie des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) de la catégorie des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). L'objectif du gouvernement étant, on le sait, que ces établissements n'accueillent plus, à terme, que des demandeurs d'asile et non plus des déboutés ou des réfugiés. Les missions des CADA sont au passage redéfinies. Il s'agira, pour ces structures, d' « assurer l'accueil, l'hébergement ainsi que l'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile, pendant la durée d'instruction de leur demande ». Un décret devrait déterminer leurs conditions de fonctionnement et de financement et préciser notamment les modalités selon lesquelles les personnes accueillies participent à proportion de leurs ressources à leurs frais d'hébergement, de restauration et d'entretien.

Enfin, un tour de vis particulier est donné dans les départements et territoires d'outre-mer afin d'y lutter plus efficacement contre l'immigration irrégulière.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2443 du 17-02-06.

(2)  Cette carte pluriannuelle devrait pouvoir également être accordée aux titulaires de la carte de séjour temporaire portant la mention « scientifique ».

(3)  Le projet de loi laisse à un décret le soin de fixer le niveau de rémunération.

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