Le projet de réforme du dispositif de protection de l'enfance (1), qui recueille globalement l'approbation des professionnels, n'en continue pas moins de susciter des réflexions de fond. Lors de son assemblée générale, le 25 mars, l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) (2) s'est notamment félicitée de la clarification des compétences des institutions administrative et judiciaire. « Il était nécessaire d'unifier les approches en retenant la notion d'enfance en danger, au-delà de la maltraitance », explique Catherine Sultan, secrétaire générale de l'AFMJF, qui précise que la loi de 1989 laissait planer de nombreuses ambiguïtés. Si l'intervention judiciaire doit être justifiée par le danger encouru par l'enfant, les professionnels doivent néanmoins bénéficier « d'un espace d'appréciation ». Appréciation qui « doit se faire à partir de normes ambitieuses », ajoute-t-elle.
C'est pourquoi les magistrats sont favorables à la création de cellules départementales de signalement, qui ne portent pas, d'après le projet du ministre délégué à la famille, Philippe Bas, préjudice aux compétences du parquet et du juge des enfants. A condition, néanmoins, que ces instances « ne soient pas seulement des lieux d'orientation, mais des lieux d'observation de fond, des lieux-ressources adossés à des moyens pour la prévention », souligne Catherine Sultan (3).
La même idée prévaut largement dans le secteur associatif. Dans une contribution détaillée au projet de réforme, l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) (4) estime que « la vraie prévention réside dans la qualification des professionnels, la pluridisciplinarité médicale, psychologique et éducative, la formation continue et l'analyse régulière des pratiques afin de développer les compétences de l'enfant et accompagner celles des parents, dans une relation de confiance ». L'organisation réclame des moyens pour la prévention globale, tout en appelant à la vigilance « sur des propositions qui risqueraient d'instrumentaliser le secteur de la petite enfance en le transformant en zone de contrôle social ».
Au-delà de l'articulation des compétences entre le département et la justice, c'est la coordination des actions de tous les acteurs (Education nationale, psychiatrie, lutte contre l'exclusion, etc.) qui est interrogée. C'est pourquoi l'Uniopss défend la création d'une « instance nationale coordonnant la politique de l'enfance avec l'Etat garant, intégrant l'ensemble des acteurs », à l'image du Conseil national des politiques de lutte contre les exclusions et la pauvreté ou du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Un pilotage qui contribuerait à remettre un peu de cohérence entre toutes les politiques en cours. « Ne sommes-nous pas sur une planète coupée du reste du monde à vouloir continuer à construire une justice des mineurs humaniste qui privilégie la protection et l'éducation quand, en même temps, des tendances inverses sont à l'œuvre ? », s'est interrogée Catherine Sultan lors de l'assemblée générale de l'AFMJF. Et d'illustrer son propos : « Le législateur vient de voter le contrat de responsabilité parentale (5) , dont l'esprit va à l'encontre de l'assistance éducative, le projet de loi sur la prévention se prépare au ministère de l'Intérieur, les expérimentations sur la décentralisation s'amorcent, des mesures judiciaires ne sont plus financées en particulier dans le domaine de la protection des jeunes majeurs. »
(1) Voir ASH n° 2448 du 24-03-06.
(2) AFMJF : c/o Tribunal pour enfants de Créteil -Tél. 01 49 81 16 00.
(3) Sur la cellule de signalement mise en place en Seine-et-Marne, voir ASH n° 2448 du 24-03-06.
(4) Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.
(5) Voir ASH n° 2447 du 17-03-06.