Comme en témoigne la mise en place du « plan alimentation et insertion » (PAI) en 2003, l'état nutritionnel des personnes précaires est une réelle préoccupation dans les actions de santé publique. Mais la situation demeure « très critique », au point de remettre en question l'organisation de l'aide alimentaire, indique, selon ses premiers résultats, une étude réalisée par l'Institut de veille sanitaire (1), saisi il y a trois ans par l'ancien secrétariat d'Etat à la lutte contre l'exclusion et la précarité.
L'étude « Abena (alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l'aide alimentaire) 2004-2005 » - une première en France - a été menée dans quatre zones urbaines (Paris, Marseille, Dijon et la Seine-Saint-Denis) auprès de 1 200 personnes faisant appel à des structures associatives pour se nourrir. Premier constat : près de la moitié des personnes interrogées déclarent « ne pas avoir assez à manger, parfois ou souvent ». L'enquête pointe surtout « la très faible présence de certains groupes d'aliments fondamentaux sur le plan nutritionnel tels que les fruits et légumes, dont la consommation est bien éloignée des repères diffusés dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS) et très en dessous de ce qui est observé en population générale ». A titre d'exemple, 1 %seulement des personnes interrogées déclarent des consommations de fruits et légumes, frais, en boîte ou surgelés, respectueuses des recommandations du PNNS.
Malgré ces dernières, les associations, dépendantes des aides de l'Etat et des dons privés, se heurtent à des contraintes d'approvisionnement. Or l'aide alimentaire constitue souvent un recours de longue durée (au moins trois ans dans un cas sur quatre), majoritaire, voire unique, pour la plupart des produits. D'où une situation défavorable qui aggrave les risques de maladies chroniques -hypertension (dans 25 à 29 % des cas), dérèglements biologiques liés à l'obésité... -, « dont les conséquences en termes de prise en charge médicale restent à prendre en compte ».
Pour les auteurs, « il ne fait aucun doute que ces résultats, même limités d'un point de vue géographique, doivent déboucher sur des décisions de politique de santé publique intégrant des mesures sociales fortes ». Selon le ministère de la Cohésion sociale, ce thème devrait figurer à l'ordre du jour de la conférence nationale de lutte contre l'exclusion prévue pour le 10 avril. Un groupe de travail interministériel (Agriculture, Santé et Cohé-sion sociale) devrait par ailleurs être constitué.
(1) « Surveillance nutritionnelle des populations défavorisées : premiers résultats de l'étude Abena » - Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 11-12/2006 - Disponible sur