Déjà en novembre, prenant appui sur les différents rapports qui lui avaient été remis (1), le ministre délégué à la famille avait dévoilé les grands axes de sa réforme de la protection de l'enfance (2). Il a réitéré l'exercice, en affinant toutefois ses objectifs, le 16 mars, lors d'un colloque intitulé « Réformer la protection de l'enfance » (sur les réactions, voir ce numéro). Ce, à quelques semaines de la présentation officielle, promise pour la mi-avril, du projet de loi en conseil des ministres.
Outre ce texte de loi qui pourrait, espère le ministre, être adopté par le Parlement à la fin de l'année 2006, un dispositif d'accompagnement doit être mis en place dès cette année, avec les différents partenaires (départements, services de l'Etat, professionnels de la protection de l'enfance, associations...). Sa finalité est de créer, sur trois ans, 4 000 emplois (médecins, sages-femmes, psychologues, puéricultrices, éducateurs, assistants sociaux, techniciens de l'intervention sociale et familiale). A l'issue de la montée en charge de cette réforme « ambitieuse mais pas coûteuse », 150 millions d'euros par an devraient être dégagés.
« Est-il normal que dans un pays où l'on dépense plus de cinq milliards d'euros pour la protection de l'enfance, seulement 4 % de ces sommes soient consacrées à la prévention ? » Partant de ce constat, Philippe Bas souhaite d'abord mettre l'accent sur la prévention. Pour ce faire, le projet de loi devrait clairement affirmer que celle-ci fait partie des missions de la protection de l'enfance. L'objectif est ainsi « de multiplier les points de contact entre l'enfant, sa famille et les professionnels pour anticiper les difficultés possibles » et « éviter que la situation de l'enfant ne se détériore ». Concrètement, le ministre, reprenant notamment une proposition du rapport Hermange (3), entend systématiser l'entretien au quatrième mois de grossesse afin d'identifier les difficultés futures dans le lien mère-enfant. Par ailleurs, lors du séjour à la maternité, il souhaite mettre systématiquement en contact les parents avec les services de la protection maternelle et infantile (PMI), qui devront donc se coordonner avec les maternités en vue de permettre la participation des mères à des actions précoces sur la parentalité et d'identifier les cas difficiles (femme isolée, problèmes psychologiques...). Dans le même ordre d'idées, le ministre suggère que soit systématiquement proposée à la jeune mère la visite de la PMI à son domicile, à son retour de la maternité, visite qui deviendra automatique lorsque les services de la maternité auront identifié des difficultés particulières pour la mère.
Par la suite, un bilan devra être effectué pour tous les enfants de 3-4 ans - seuls 40 % en bénéficient aujourd'hui - et dans leur sixième année, à l'entrée en primaire - contre 80 %actuellement. Enfin des actions devraient être menées en direction des adolescents en souffrance avec le développement de lieux d'écoute, d'accueil de jour, de lieux de médiation entre parents et enfants, de maisons d'adolescents...
Deuxième levier d'action : l'organisation du signalement. A cette fin, Philippe Bas propose de créer dans chaque département une cellule de signalement à laquelle serait associé un numéro d'appel connu de tous les professionnels de la protection de l'enfance (sur l'exemple de la Seine-et-Marne, voir ce numéro). Cette cellule évaluerait la situation et pourrait déclencher un recours à l'aide sociale à l'enfance ou à la justice. L'idée est de réunir toutes les informations permettant d'apprécier la situation et de prendre une décision collégialement. Ce, grâce à l'instauration d'un partage d'informations entre les professionnels du travail social et ceux de la protection de l'enfance habilités au secret professionnel. En dehors de cet aménagement mis en place dans l'intérêt de l'enfant, la règle du secret professionnel serait toutefois réaffirmée.
Par ailleurs, le projet de loi devrait mieux définir le partage des missions entre l'aide sociale à l'enfance (ASE) - qui interviendra sur la base d'un accord avec les parents et à titre principal - et la justice - qui prendra des décisions d'autorité et sera saisie en cas de danger manifeste ou lorsque les parents ne peuvent ou ne veulent pas accepter l'accompagnement proposé par l'ASE. Le ministre désire, enfin, former les professionnels au contact des enfants, « pour leur permettre de mieux détecter les signes de danger et de connaître comment s'organise le signalement ».
Dernier axe mis en avant par Philippe Bas, la diversification des modes de prise en charge des enfants entre la séparation et le maintien dans la famille. Le ministre souhaite, à cet égard, renforcer l'assistance éducative à domicile et permettre l'accueil de jour de l'enfant, l'alternance domicile-placement ainsi que l'accueil d'urgence ponctuel d'adolescents, avec l'accord de leurs parents, lors d'une fugue ou pendant une crise aiguë. Il préconise également d'expérimenter l'accueil d'enfants souffrant de troubles graves du comportement « par des familles d'accueil agréées et spécialisées, formées et soutenues par des professionnels de la pédopsychiatrie ou dans des unités d'accueil articulant soutien psychologique et accompagnement éducatif ». Enfin, il entend mettre en place un accompagnement social et budgétaire pour les familles ayant des difficultés à gérer leur budget.
(1) Il s'agit des rapports Broissia et Nogrix, du rapport de la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant de l'Assemblée nationale, du rapport Hermange, du rapport de l'Observatoire national de l'enfance en danger, du rapport de la défenseure des enfants, du rapport de l'inspection générale des affaires sociales (voir ce numéro)...
(2) Voir ASH n° 2431 du 25-11-05.
(3) Voir ASH n° 2446 du 10-03-06. L'Académie nationale de médecine, dans son rapport La prévention des risques pour l'enfant à naître, rendu public le 14 mars, fait une proposition similaire (disponible sur