Alors que « l'année 2004 était marquée par un accroissement considérable des actes racistes, antisémites et xénophobes, mais aussi par une prise de conscience collective de ces phénomènes et une forte mobilisation pour y remédier », « l'année 2005 fait apparaître un paradoxe opposé », souligne la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) dans son rapport annuel sur le sujet remis le 21 mars au Premier ministre, Dominique de Villepin (1). Ainsi, tout en se félicitant de la diminution globale importante des actes racistes portés à la connaissance des autorités et de la baisse encore plus sensible des actes antisémites, l'instance s'inquiète, à la lumière d'un sondage d'opinion, de l'augmentation du pourcentage de personnes qui s'avouent racistes et constate un essoufflement dans la mobilisation contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.
Reprenant et analysant les chiffres de la direction générale de la police nationale (2), la CNCDH se réjouit du « très net recul des violences et menaces à caractère raciste et antisémite » en 2005 par rapport à l'année précédente, qui avait marqué un pic. 974 actions et menaces racistes, xénophobes et antisémites ont ainsi été recensées l'an dernier, contre 1 574 en 2004, rappelle-t-elle, soit une baisse de 38 %. Sur ce total, l'antisémitisme a reculé de 48 % (22 % s'agissant des actes purement racistes). Qui trouve-t-on à l'origine de ces actes ?La CNCDH est frappée du nombre très important imputable à l'extrême droite : sur les 974 actions et menaces recensées, elle portait ainsi la responsabilité de 415 d'entre elles, soit près de 43%. Ciblant plus précisément l'antisémitisme, la commission relève que les « milieux arabo-musulmans » ont été responsables de 41 % du total des actions violentes (10 % pour les milieux d'extrême droite) et de 24 % des menaces.
La Commission nationale consultative des droits de l'Homme note par ailleurs que le nombre d'interpellations suivies de présentation à la justice a également baissé, passant de 369 en 2004 à 199 en 2005. Elle souligne aussi le nombre important d'auteurs mineurs (11,6%) et constate même une pointe plus élevée pour les infractions à caractère antisémite, où leur pourcentage atteint 25,8 %. Les violences et menaces racistes, antisémites et xénophobes ont toutefois baissé de manière significative en milieu scolaire (-54 %).
Pour la CNCDH, « les chiffres ne disent pas tout ». Elle s'inquiète en particulier « du fait que, dans un contexte de malaise social et économique fortement ressenti cette année, les étrangers et les immigrés sont souvent sinon dénoncés, du moins stigmatisés de manière flagrante ». « Il en ressort en particulier un climat de xénophobie et de repli sur soi particulièrement inquiétant, mais qui n'apparaît pas dans les statistiques concernant les faits », déplore l'instance, sondage à l'appui. Ainsi, une personne sur trois parmi celles qu'elle a interrogées se définit comme étant raciste (dont 24 % « un peu raciste » ), soit une augmentation de huit points par rapport à 2004.
Autre source de préoccupation pour la commission :l'essoufflement de la mobilisation et la dispersion des actions de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. La CNCDH regrette à cet égard la relative discrétion du Comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, qui ne s'est réuni qu'une fois en 2005 (contre 4 en 2004). Elle entend par ailleurs insister, en tout état de cause, sur le besoin de reconnaissance du rôle des associations dans la lutte contre le racisme. Et rappelle « le nécessaire soutien aux organisations non gouvernementales » ainsi que, a contrario, « les effets dommageables de toute diminution de l'aide qu'elles sont en droit d'attendre ».
Quelques jours avant la remise du rapport de la commission à Matignon, le garde des Sceaux, Pascal Clément, appelait les procureurs généraux à intensifier la lutte contre les actes racistes et antisémites. Il leur a notamment demandé de signer des conventions avec les rectorats d'académie « afin que tous les actes [racistes ou antisémites] , même de faible gravité, soient signalés directement au parquet par le chef d'établissement et que des sanctions éducatives ou des rappels à la loi par un délégué du procureur soient systématiquement envisagés ».
O.S.
(1) La lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie - Année 2005 - Disponible sur
(2) Voir ASH n° 2441 du 3-02-06.