Les initiateurs de l'appel « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans » (1), qui réunit 130 000 signataires intervenant pour la plupart dans les champs de la santé et de la petite enfance, ont rappelé, le 21 mars, leur « refus d'une médicalisation du mal-être social ». Contes-tant l'approche « déterministe et scientiste » du rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur les troubles des conduites chez l'enfant et l'adolescent (2), ils dénoncent son « utilisation détournée à des fins sécuritaires ». « Les données fortement moralisantes qui émaillent le document en font un possible instrument de contrôle social », souligne le collectif, qui redoute « l'instrumentalisation des acteurs de la santé et de l'éducation à des fins de surveillance des familles et la confusion des rôles entre la santé, la police ou la justice ». Pour Pierre Suesser, vice-président du Syndicat national des médecins de PMI : « Il faut éviter l'écueil de passer de la prévention de troubles chez l'enfant à la prédiction de sa conduite future. »
C'est ainsi que le collectif entend demander au directeur de l'Inserm de soumettre son rapport « à une procédure de discussion, de lecture critique et de validation scientifique » et prévoit d'organiser, le 17 juin, un colloque pour « mener un débat scientifique ».
Par ailleurs, appelant à un débat de société sur la prévention, la protection et les soins prodigués aux enfants, ses membres demandent aux pouvoirs publics de renoncer à toute disposition « qui envisagerait des politiques de détection d'enfants présentant une pathologie supposée ». Ils se disent également hostiles à toute mesure portant atteinte au secret professionnel, comme l'institution d'un carnet de comportement ou l'obligation de partager des informations avec des acteurs autres que ceux des secteurs de la santé ou de l'action sociale. Enfin, ils réclament des moyens pour rendre effective la prévention.
Estimant ainsi avoir « des points de convergence » avec le « collectif national unitaire de résistance à la délation », les initiateurs de l'appel devaient se joindre à la manifestation organisée par celui-ci le 22 mars pour protester contre le plan de prévention de la délinquance préparé par le gouvernement.
De son côté, le ministre de l'Intérieur s'est défendu de toute velléité de détection des futurs délinquants, dans une lettre adressée le 20 mars au collectif national unitaire. Le repérage précoce des enfants en souffrance mettra « l'accent sur les effets éventuellement traumatiques pour l'enfant de son histoire ou de son environnement » et « ne saurait se confondre avec une quelconque stigmatisation, voire un fichage des enfants », écrit Nicolas Sarkozy, qui n'a qu'un objectif : « celui de leur venir en aide ». Regrettant que des « signalements restent sans effet ou que les interventions nécessaires aient lieu trop tard » et relevant des « difficultés de coordination entre les multiples professionnels qui sont appelés à intervenir » auprès des enfants en difficulté, le ministre défend « la désignation parmi eux d'un professionnel coordinateur ». Cela « permettra l'échange d'informations entre eux dans le strict respect d'un secret professionnel auquel il n'a jamais été envisagé d'associer le maire, les services de police ou la justice ».
(1)
(2) Voir ASH n° 2423 du 30-09-05.