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Le Parlement donne son feu vert à la loi sur l'égalité des chances

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Le Parlement a définitivement adopté, le 9 mars, la loi pour l'égalité des chances, texte emblématique des réponses du gouvernement aux violences urbaines qui ont secoué les banlieues à l'automne dernier. Au-delà de la création du contrat première embauche (CPE) - à l'origine d'une levée de boucliers des organisations syndicales, estudiantines et lycéennes qui en demandent la suspension, voire le retrait -, la loi comprend également des mesures pour l'insertion des jeunes, le développement économique des quartiers en difficulté et la lutte contre les discriminations. Elle crée, par ailleurs, un contrat de responsabilité parentale - très critiqué par le secteur associatif (1) -et une « Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ». Tour d'horizon de ses principales dispositions, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel saisi le 14 mars par les parlementaires de l'opposition.

L'instauration du contrat première embauche

Le dispositif du contrat première embauche, présenté par le Premier ministre en janvier dernier (2), n'a été amendé qu'à la marge par les parlementaires. Réservé aux entreprises de plus de 20 salariés, le CPE peut être utilisé pour toute nouvelle embauche d'un jeune de moins de 26 ans. Contrat conclu sans détermination de durée, obligatoirement écrit, il est soumis dès sa conclusion aux dispositions de droit commun régissant les contrats à durée indéterminée. A une différence toutefois : au cours des deux premières années, l'employeur et le salarié peuvent rompre le contrat, sans motif, par simple lettre recommandée avec avis de réception. Afin de prévenir d'éventuels détournements du dispositif, un second CPE ne pourra être conclu entre les mêmes parties avant un délai de carence de trois mois.

L'employeur prenant une telle initiative est soumis aux mêmes obligations que celles prévues dans le cadre du contrat nouvelles embauches (CNE), en termes notamment de préavis et d'indemnité de rupture (3). Le CPE comporte toutefois quelques garanties supplémentaires pour les salariés : information sur leurs droits au Locapass (4), assouplissement des conditions d'accès au droit individuel à la formation, octroi durant deux mois (contre un mois pour le CNE) d'une allocation forfaitaire de chômage de 16,40 € par jour si le contrat est rompu après quatre mois et que le salarié ne justifie pas de droits suffisants à l'assurance chômage. En outre, venu défendre le contrat première embauche sur TF1 le 12 mars, Dominique de Villepin a proposé d'apporter quelques aménagements au dispositif. Il a ainsi suggéré qu'un référent accompagne les jeunes pendant les deux premières années du contrat. Et de mettre en place un « complément de rémunération », s'ajoutant à l'allocation chômage, « pour une période par exemple de trois mois », afin de permettre aux jeunes dont le contrat est rompu de suivre une « formation complémentaire ». Enfin, il s'est dit prêt à soumettre le nouveau contrat à une « évaluation régulière », par exemple tous les six mois. Au-delà du seul CPE, le chef du gouvernement a annoncé qu'il rencontrerait en avril l'ensemble des partenaires sociaux afin de « trouver des réponses concrètes » pour réduire la précarité dans l'emploi. Il a invité les ministres en charge de l'emploi à consulter les syndicats « dans les 15 prochains jours » pour avancer sur ce chantier.

Création de l'apprentissage « junior »

Autre mesure phare et controversée de la loi, l'apprentissage « junior ». Ouverte aux jeunes de 14 ans dès la rentrée 2006, cette nouvelle formule comprendra deux phases. D'abord, l'élève, demeurant sous statut scolaire, suivra un «  parcours d'initiation aux métiers » dans un lycée professionnel ou un centre de formation d'apprentis. Puis, à partir de 15 ans, il pourra signer un contrat d'apprentissage en vue d'obtenir une qualification professionnelle, sous réserve d'être jugé apte. Un tuteur sera chargé de le suivre tout au long de son parcours, y compris lors des périodes en entreprise. Différentes autres mesures visent notamment à redonner leurs lettres de noblesse aux stages en entreprise et à assouplir, pour les jeunes issus des zones urbaines sensibles, les conditions d'accès au contrat jeune en entreprise.

Une troisième génération de ZFU le 1eraoût 2006

La loi pour l'égalité des chances crée, à compter du 1er août 2006, 15 nouvelles zones franches urbaines (ZFU). Avec une différence de taille par rapport aux précédentes : le seuil de population des zones éligibles est ramené de 10 000 à 8 500 habitants. La liste des zones doit encore être approuvée par les autorités européennes. La loi prévoit, au-delà, diverses mesures touchant aux différentes générations de zones franches urbaines. Elle précise notamment le nouveau régime d'exonérations fiscales applicable à compter du 1er janvier 2006 aux anciennes et nouvelles ZFU, jusqu'au 31 décembre 2011.

Un contrat de responsabilité parentale

« En cas d'absentéisme scolaire [...], de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale », le président du conseil général pourra - de sa propre initiative ou sur saisine de l'inspecteur d'académie, du chef d'établissement d'enseignement, du maire de la commune de résidence du mineur, du directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales ou du préfet -proposer aux parents un « contrat de responsabilité parentale ». Ce contrat leur rappellera leurs droits et leurs devoirs et « leur offrira une aide et un accompagnement social pour les soutenir dans l'exercice de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants », a expliqué le ministre délégué à la famille, Philippe Bas, le 5 mars dans un communiqué. Une suspension du versement de la part des allocations familiales et du complément familial dus à la famille au titre de l'enfant visé par le contrat pourra être décidée en cas de refus des parents, sans motif légitime, de s'associer à cette démarche ou encore en cas de non-respect de leurs obligations. Elle sera de trois mois et pourra être renouvelée jusqu'à un maximum de un an. Au terme de cette suspension, si les parents se sont conformés à leurs obligations, les allocations seront versées rétroactivement. Dans le cas contraire, elles seront rétablies sans effet rétroactif et le président du conseil général mettra en œuvre « toute mesure nécessaire pour remédier à la situation ».

La loi fixe le principe d'une compensation, pour les départements, des dépenses liées à la mise en œuvre du contrat de responsabilité parentale. Contrat qui fera l'objet d'une évaluation au plus tard à la fin de l'année 2007.

Signalons enfin que les pouvoirs des maires en matière de « lutte contre les incivilités » sont renforcés, avec notamment la possibilité de proposer aux auteurs d'actes ayant porté un préjudice à un bien de la commune une transaction destinée à réparer le préjudice.

Une Agence nationale pour la cohésion sociale

La loi crée « l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances » (ANCSEC), que le gouvernement espère voir opérationnelle cet été. Présentée comme le pendant pour l'action sociale de l'Agence nationale de rénovation urbaine, elle participera aux opérations en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville ainsi qu'au financement des nouveaux contrats urbains de cohésion sociale (voir ce numéro). Mais elle devra également mettre en œuvre, sur l'ensemble du territoire national, des actions visant à l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration et concourir à la lutte contre les discriminations. Elle remplacera, à cet égard, le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, dont elle absorbera les missions, à l'exception des actions de participation à l'accueil des populations immigrées, qui sont désormais confiées à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations. L'ANCSEC jouera également un rôle dans la mise en place du nouveau service civil volontaire prévu par la loi pour les jeunes de 16 à 25 ans, et devra « contribuer à la lutte contre l'illettrisme ». Les préfets seront les délégués départementaux de l'ANCSEC et deux chargés de mission vont, en outre, être nommés pour contribuer à sa mise en œuvre.

Les pouvoirs de la HALDE renforcés

Les pouvoirs de sanction de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) sont renforcés. Ainsi, elle peut désormais, avant la mise en mouvement de l'action publique, proposer une « transaction » à l'auteur d'une discrimination, consistant principalement à verser une amende - qui ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale - et, s'il y a lieu, à indemniser la victime. Cette transaction doit être homologuée par le procureur de la République et acceptée par l'auteur des faits et, s'il y a lieu, par la victime.

Enfin, la loi légalise la pratique des vérifications à l'improviste - « testing » - comme moyen de preuve d'éventuelles discriminations. Elle instaure en outre le CV anonyme dans toutes les entreprises de 50 salariés et plus et prévoit que les maisons de l'emploi mèneront auprès des employeurs privés et publics « des actions d'information et de sensibilisation aux phénomènes des discriminations à l'embauche et dans l'emploi ».

(Loi et décision du Conseil constitutionnel à paraître)
Notes

(1)  Voir en dernier lieu ASH n° 2443 du 17-02-06.

(2)  Voir ASH n° 2439 du 20-01-06.

(3)  Voir ASH n° 2418 du 26-08-05.

(4)  Système d'apport d'une caution ou d'une avance de dépôt de garantie en cas de recherche d'un logement.

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