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La protection des salariés dénonçant des faits de maltraitance constitue une liberté fondamentale, selon la cour d'appel de Paris

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Par un récent arrêt, la cour d'appel de Paris vient de préciser les modalités d'application de l'article L. 313-24 du code de l'action sociale et des familles. Introduit par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale (1), cet article énonce que, dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, «  le fait qu'un salarié ou un agent a témoigné de mauvais traitements ou de privations infligés à une personne accueillie ou a relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière d'embauche, de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire ». Il ajoute qu' « en cas de licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié concerné si celui-ci le demande ».

En l'espèce, un directeur adjoint d'un centre d'aide par le travail (CAT) a été licencié pour faute grave. Son employeur lui reproche en particulier son attitude d'opposition systématique et d'avoir proféré « non seulement des accusations graves mais aussi des propos injurieux » à l'encontre du directeur du centre. A l'inverse, le salarié considère qu'une « situation scandaleuse se perpétue au centre d'aide par le travail » et évoque des « manœuvres d'intimidation de la part du directeur du CAT » et des « actes de maltraitance caractérisés à l'égard des personnes handicapées ». Il demande donc sa réintégration dans le centre (2).

En première instance, le conseil des prud'hommes estime le licenciement illicite, s'appuyant sur l'article L. 313-24 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit que le juge peut réintégrer le salarié qui dénonce de tels faits si celui-ci le demande. L'employeur décide alors de former un recours en appel. Il conteste l'interprétation de cet article et fait, de plus, valoir que la dénonciation de maltraitance n'est pas le motif du licenciement du salarié. Il reproche au tribunal de ne pas avoir recherché si les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement le justifiaient ou non.

La décision de la cour d'appel, qui ne donne pas raison à l'employeur, apporte, sur plusieurs points, un éclairage sur l'appréciation de l'article au cœur du litige. En premier lieu, la référence expresse dans la lettre de licenciement à la dénonciation de maltraitance signifie « sans ambiguïté qu'elle a été prise en considération » pour sanctionner le salarié. Dès lors, explique la cour, «  il n'est pas nécessaire que ce motif ait été l'élément déterminant de la décision de licencier et [...] il importe peu que les autres griefs invoqués puissent constituer un motif légitime de licenciement dès lors qu'est établie la prise en considération de cette référence prohibée à des actes de maltraitance ».

Par ailleurs, cet article protège « l'agent qui témoigne ou qui relate des actes de maltraitance sans qu'il ait à rapporter la preuve de la vérité des faits dénoncés ».

En outre, dans la mesure où le texte prévoit la réintégration du salarié licencié en raison du signalement de faits de maltraitance, il faut « nécessairement [entendre] que ce licenciement est nul ». Les magistrats semblent de plus limiter le pouvoir du juge : il doit prononcer la réintégration dès lors que le salarié le demande.

Enfin, la cour élève au rang de liberté fondamentale, qui « doit profiter d'une protection légale renforcée », « la protection des salariés qui exercent leur devoir, pénalement sanctionné, de dénoncer les crimes ou délits dont ils ont connaissance » commis à l'encontre de personnes accueillies dans un établissement ou un service social ou médico-social.

Reste à savoir si la Cour de cassation, saisie par l'employeur, aura la même interprétation que les juges du fond.

(CA de Paris, 18e chambre E, 18 novembre 2005, requête S 04/30711)
Notes

(1)  Voir ASH n° 2254 du 15-03-02.

(2)  Il abandonnera cette requête en appel.

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