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Amiante : l'Assemblée nationale critique sévèrement les dispositifs de prise en charge des victimes et s'inquiète de leur financement

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Eviter que l'amiante ne fasse d'autres victimes » et « en tirer les leçons, principalement dans le domaine de la santé au travail », tels ont été les fils conducteurs du rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur « les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante » rendu public le 22 février (1). Un travail salué par les ministères chargés de l'emploi et de la santé. Dans ce volumineux document de près de 600 pages, la mission a notamment évalué les dispositifs de prise en charge des victimes de l'amiante - notamment le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) -, qui, selon elle, ont montré leurs « insuffisances ». Le dossier de l'amiante a en outre révélé que le système de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles est maintenant « inadapté car injuste et qu'il doit évoluer vers une meilleure indemnisation ». La mission formule en conséquence 51 propositions, dont la plupart visent à améliorer et à simplifier l'indemnisation de ces victimes.

Les «  insuffisances » du FCAATA

La mission rapporte tout d'abord les insuffisances des mécanismes de préretraites liés à l'amiante. Le FCAATA souffre avant tout d'une « organisation institutionnelle complexe » , souligne Jean Lemière, député UMP de la Manche et rapporteur de la mission. Pour mémoire, le service et la gestion de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) sont à la fois assurés par la Caisse des dépôts et des consignations et par les caisses régionales d'assurance maladie. Les auditions ont montré que l'intermédiation de la Caisse des dépôts était « parfaitement inutile » et qu'il convenait de la supprimer. En outre, la mission d'information propose de relever le montant de l'ACAATA, qu'elle juge faible, notamment pour les bas salaires. Autre reproche : le FCAATA a souvent été « détourné de son objet » et « davantage utilisé comme un instrument de reconversion industrielle destiné à accompagner des restructurations économiques que comme un dispositif de réparation ». Une critique qui avait été également émise par la Cour des comptes dans son rapport consacré à l' « indemnisation des conséquences de l'utilisation de l'amiante » présenté en avril 2005 (2).

Le rapport pointe aussi « les défauts de coordination et d'harmonisation entre les divers dispositifs de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante » . En effet, ceux-ci sont en général « mal coordonnés » et « particulièrement inégalitaires » en ce sens qu'ils excluent certaines personnes ayant pourtant été exposées. La mission suggère en conséquence d' «  instaurer des mesures de réciprocité entre les différents régimes de façon à ce que chacun d'eux puisse opérer le cumul de toutes les périodes d'activité susceptibles d'ouvrir droit à une allocation de préretraite, sans considération du régime sous lequel ces périodes d'activité ont été exercées ». Et d' «  ouvrir le bénéfice du FCAATA , sous les mêmes conditions, aux travailleurs de l'amiante employés en intérim ou en sous-traitance dans des établissements figurant sur les listes ». Rappelons que peuvent prétendre au bénéfice des préretraites amiante les personnes salariées d'entreprises répertoriées sur des listes établies par arrêté comme ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante. Une procédure « lourde », estime la mission, et qui manque de souplesse. Ce qui explique que les « extensions des listes interviennent désormais de plus en plus rarement ». Le rapporteur propose ainsi de « créer, au niveau régional, des commissions chargées de recevoir, pendant un délai limité à un an, puis d'instruire les demandes d'inscriptions sur les listes ouvrant droit au bénéfice du FCAATA de tout ou partie [de l'] établissement ». Ou encore l'ouverture d'une nouvelle voie d'accès, permanente et individualisée, au FCAATA au profit des personnes non encore malades mais qui ont été particulièrement exposées à l'amiante, bien que ne travaillant pas dans l'un des établissements ou l'un des secteurs figurant sur les listes.

Dernier inconvénient : « l'énorme coût financier de la cessation anticipée d'activité » , passé de 166,4 millions d'euros en 2001 - date de la création du fonds - à 752,8 millions d'euros en 2005.

Les objectifs du FIVA « imparfaitement atteints »

Bien que lui reconnaissant une « réussite indéniable » du fait de sa procédure « simple, rapide et peu coûteuse », la mission de l'Assemblée nationale n'épargne pas le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. En créant un tel dispositif, l'intention initiale du législateur était de limiter les procédures contentieuses directes en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur, un objectif « imparfaitement atteint », estime-t-elle. Plusieurs raisons l'expliquent : une issue en majorité positive pour les plaignants (3), l'attachement des victimes, même symbolique, à la condamnation d'un responsable, et la recherche d'un niveau d'indemnisation le meilleur possible. Sur ce dernier point, le risque d'une multiplication du contentieux et les disparités d'indemnisation « trop importantes » entre le FIVA et les tribunaux amènent la mission à suggérer la suppression, pour le FIVA, de son obligation de recours contentieux contre l'employeur lorsqu'il y a lieu de verser aux victimes un complément à la réparation intégrale accordée par l'assurance maladie et l'amélioration concomitante du barème du fonds.

Autre problème majeur : les dépenses du FIVA croissent à un rythme rapide et « fin 2006, [ses] réserves seront pratiquement épuisées et ne couvriront plus qu'un mois d'activité ».

A court terme, « le FIVA et le FCAATA posent un problème de financement et d'équité vis-à-vis des victimes d'autres risques professionnels et, plus globalement, ces dispositifs spécifiques soulèvent la question de l'avenir de la réparation AT-MP [accidents du travail et maladies professionnelles] », s'inquiète la mission.

Le système de réparation AT-MP n'est plus adapté

Pour les députés, l'amiante est un révélateur de la nécessité de faire évoluer la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le système mis en place pour prendre en charge les victimes de l'amiante, tant sur le plan légal (création du FCAATA et du FIVA) que jurisprudentiel (évolution des critères de la faute inexcusable) (4), aura en effet des « conséquences déterminantes sur l'avenir de la branche », principal financeur des allocations servies par les deux fonds. Or l'équilibre financier de cette dernière est critique depuis quatre ans : elle est passée d'un déficit de 45,4 millions d'euros en 2002 à 704 millions d'euros en 2005 (5). Un problème d'autant plus flagrant que la branche « dépense en définitive pour les dispositifs de préretraites près de deux fois plus que pour l'indemnisation des victimes », note Jean Lemière. Aussi suggère-t-il de réévaluer la participation de l'Etat, jugée « très faible », au financement des deux fonds pour la « doubler, au minimum » .

Au final, le rapport souligne la nécessité de faire évoluer la réparation AT-MP vers une réparation intégrale, une question actuellement mise à l'étude dans le cadre des négociations relatives à l'avenir de la branche, à son organisation et à son financement (6). Dans l'optique d'une « plus grande responsabilisation », la mission d'information suggère aux partenaires sociaux de s'interroger, dans le cadre des discussions touchant à la tarification, sur la réactivation « d'un système de modulation des cotisations en fonction des efforts de prévention » .

Signalons enfin que le ministère de la Santé et des Solidarités travaille actuellement sur un décret devant instituer un droit à un suivi médical personnalisé, qui fera l'objet d'une information systématique.

Plus généralement, la mission estime que « la prévention des risques professionnels doit devenir une priorité de santé publique » . Même si elle considère que le plan « santé au travail », présenté il y a un an par Gérard Larcher (7), est une réponse adaptée, elle demeure néanmoins « encore incomplète ». A noter que, s'agissant de la prévention du risque d'exposition passive à l'amiante de la population générale, le gouvernement entend renforcer les contrôles dans les établissements publics (établissements de santé, médico-sociaux et sociaux, équipements scolaires...). A cet effet, deux décrets et une circulaire devraient paraître « sous trois mois », assure-t-il.

F.T.

Notes

(1)  Rapport disponible sur assemblee-nationale.fr.

(2)  Voir ASH n° 2403 du 15-04-05.

(3)  Seuls 2 % de jugements ne reconnaissent pas la faute inexcusable de l'employeur.

(4)  Voir ASH n° 2253 du 8-03-02, n° 2261 du 3-05-02 et n° 2369 du 23-07-04

(5)  Prévision.

(6)  Voir ASH n° 2435 du 23-12-05.

(7)  Voir ASH n° 2395 du 18-02-05.

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