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Le rapport qui accuse la France

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Dans un volumineux document, le Conseil de l'Europe dénonce une grave série d'atteintes aux droits de l'Homme commises en France. Le commissaire Alvaro Gil-Robles, qui a visité divers lieux de privation de liberté en septembre 2005, émet 70 recommandations pour améliorer d'urgence cette situation, pourtant plusieurs fois épinglée.

Rien de nouveau sur la réalité des prisons, des commissariats, des centres de rétention et autres lieux d'enfermement. Le rapport du commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Alvaro Gil-Robles, rendu public le 15 février, est accablant, mais aussi sans surprise (1). Le document très critique consacré au « respect effectif des droits de l'Homme en France » est en effet éloquent sur les violations scandaleuses et répétées de ces principes fondamentaux dont l'Hexagone se targue d'être le flambeau. Pour autant, il ne fait que mettre, une nouvelle fois, en lumière ce que professionnels et autres acteurs de terrain s'échinent à dénoncer depuis des années sans être, ou si peu, entendus. Une force d'inertie reconnue par le commissaire, qui souligne que « ces problèmes sont connus et reconnus par les principaux acteurs, au premier rang desquels les représentants du gouvernement ».

Fonctionnement de la justice, système pénitentiaire, action des forces de l'ordre, situation des étrangers, spécificités des mineurs, racisme et discriminations, condition des gens du voyage et autres groupes vulnérables forment la trame de ce bilan sans concession. Il en ressort en particulier, outre le manque choquant de moyens accordés à la justice, que le traitement des détenus, des étrangers et de certains mineurs est, en France, des plus alarmant.

Malgré les rapports cinglants des commissions d'enquête parlementaire de l'Assemblée nationale et du Sénat en 2000 (2) et du Comité de prévention de la torture (CPT) du Conseil de l'Europe en 2000 et 2003 (3), la situation des détenus reste déplorable. La surpopulation chronique des maisons d'arrêt et l'état de ces dernières ont frappé Alvaro Gil-Robles. Ils découlent surtout, selon lui, de « l'augmentation du nombre de condamnations et des longueurs des peines » ainsi que « d'un manque de financement pour accompagner cette tendance ». Conséquence : la limitation de l'espace vital des détenus comme de leur accès aux activités. Ainsi, témoigne-t-il, certaines scènes « ont été très dures et choquantes. Elles résultent en grande partie des problèmes de surpopulation, qui privent un grand nombre de détenus de l'exercice de leurs droits élémentaires. » Et de citer les cellules insalubres, le nombre réglementé de douches, les couvertures médiocres... Le maintien des détenus dans certains établissements, tels La Santé (Paris) ou les Baumettes (Marseille), est même jugé « à la limite de la dignité humaine ».

Une telle gestion ne peut qu'aviver les tensions entre les détenus et les personnels. Elle engendre aussi un mélange risqué des populations pénales et oblige notamment les condamnés à subir le régime plus strict des prévenus. Elle interdit enfin « la mise en œuvre d'un traitement social, psychologique ». Tout cela a, déplore le rapporteur, « un effet totalement négatif sur le principe de réinsertion ». Or c'est celle-ci qui peut donner du sens à la peine. En effet, affirme-t-il, la prison doit « servir à donner une nouvelle chance » aux personnes (4). Il préconise donc un « renforcement sensible du financement des structures d'éducation, de santé et d'insertion professionnelle » tout comme le suivi étroit des personnes libérées, afin qu'elles ne se retrouvent pas seules et sans ressources, avec tous les risques que cela comporte.

Resserrer les liens avec l'entourage est aussi l'une des tâches prioritaires à mener si l'on veut favoriser la réintégration des personnes. Cela suppose que les condamnés ne soient plus détenus loin du domicile de leurs proches. Alvaro Gil-Robles, qui se dit choqué par les conditions indignes dans lesquelles certains détenus reçoivent des visites, regrette par ailleurs « le retard pris par la France quant à la mise en œuvre des unités de vie familiale », dispositif qui « se généralise dans la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe ».

Pointant d'autres anomalies, tel le coût exorbitant des produits et services accessibles en prison, le commissaire s'attarde ensuite sur la nécessité d'améliorer le régime disciplinaire. Notamment, il demande la réduction de la durée maximale de maintien en cellule disciplinaire (aujourd'hui de 45 jours, soit l'une des plus sévères d'Europe) et l'implication du juge d'application des peines dans les décisions. Le placement en isolement doit aussi être modifié, insite-t-il en déplorant qu'il dépende « du pouvoir discrétionnaire du chef de l'établissement », ne soit pas limité dans le temps « en dépit des effets souvent délétères de cette mesure sur l'état psychologique des personnes », et rende impossible l'usage des droits des détenus et le bénéfice d'activités.

Le commissaire s'arrête aussi sur l'organisation sanitaire. A ce sujet, il constate la « grande disparité dans l'accès aux soins » entre établissements, l'absence quasi systématique de médecins le week-end et la faible représentation des spécialistes, alors même que les unités médicales sont de plus en plus sollicitées. Une réalité qui découle notamment des mauvaises conditions de détention ainsi que de la précarisation de la population carcérale et de son vieillissement, phénomène d'ailleurs insuffisamment pris en compte. Quant à la suspension de peine pour raison médicale, il souligne que son octroi reste très subjectif et appelle les autorités « à faire preuve d'humanisme envers les personnes âgées et [celles] en fin de vie ». En matière de toxicomanie, le rapporteur pointe « de graves insuffisances dans le dépistage et les soins prodigués ». Les extractions médicales posent aussi problème. Ainsi des consultations et des hospitalisations sont reportées faute de personnels disponibles pour assurer les transferts. Cette situation « reflète un manque criant de moyens, qui contrevient à la dignité des prisonniers et à leurs droits à un traitement médical adéquat dans des délais respectables », dénonce le commissaire. Lequel demande de plus « la modification sans délai » de la circulaire de 2004 autorisant le port de menottes et la présence de surveillants lors de l'examen médical. La France n'avait-elle pas déjà été condamnée à ce sujet par la Cour européenne des droits de l'Homme (5)  ?

Sur le plan de la santé mentale enfin, le rapporteur se dit préoccupé par le fort taux de suicides, et recommande d'en intensifier la prévention « en augmentant le nombre de travailleurs sociaux dans les quartiers réservés aux primo-arrivants ». Il s'avoue aussi inquiet de l'absence de mesures prises pour endiguer l'afflux de malades mentaux en prison, « lesquels sont avant tout des malades ». Il relève en outre que le nombre de places en service médico-psychologique régional se révèle insuffisant, en particulier pour les femmes, et que le système de prise en charge à l'extérieur est inadapté. Voyant d'un bon œil la création des unités hospitalières spécialement

aménagées (6) dont le principe semble « s'accorder avec les besoins réels de la psychiatrie en prison et les soucis de sécurité des établissements hospitaliers classiques », il s'interroge néanmoins sur leurs capacités à absorber le nombre croissant de détenus souffrant de pathologies psychiatriques lourdes et sur les moyens alloués.

Du côté des étrangers, le tableau n'est guère plus rose, ce alors même que des irrégularités avaient déjà été dénoncées en 2003 par le Comité de prévention de la torture (7). L'Hexagone continue certes à être le pays européen qui accorde le plus le statut de réfugié, mais il a aussi récemment durci sa législation (8). Ainsi, alerte Alvaro Gil-Robles, « la conception plus stricte de l'asile actuellement pratiquée en France, risque de contrevenir aux droits des véritables demandeurs d'asile ». En outre, il redoute que l'évolution des politiques d'immigration ne mène à « une stigmatisation des demandeurs d'asile soupçonnés d'être des immigrés économiques ».

Première étrangeté épinglée : le statut des zones d'attente, considérées comme non intégrées au territoire alors même que des lois françaises les régissent. Une ambiguïté qu'il conviendrait de lever afin que le droit s'y applique clairement. Dans ces espaces, la suppression par la loi du 26 novembre 2003 du bénéfice automatique du délai d'un jour franc pendant lequel l'étranger se voyant refuser l'entrée sur le territoire français ne peut être renvoyé (5) pose question. D'autant qu'il semble, s'irrite le rapporteur, que « des policiers useraient de [la] méconnaissance [par les étrangers] des lois, des procédures et de la langue pour les inciter à renoncer à ce droit ». Le défenseur des droits de l'Homme exhorte de plus les autorités à agir pour que tous les étrangers aient accès à la zone d'attente, à l'heure où se multiplient les contrôles à la passerelle donnant lieu à des renvois immédiats. Un droit qu'avait rappelé le Conseil d'Etat le 29 juillet 1998.

Les zones d'attente elles-mêmes sont l'objet de critiques : celle de Marseille-Arenc, par exemple, contre toute légalité, n'est pas séparée du centre de rétention administrative, dispose de locaux vétustes, et la liberté de circulation y est très limitée. Le rapporteur s'insurge de surcroît contre le fait que les demandes d'asile déposées en zone d'attente ne soient pas toujours enregistrées.

Rappelant d'une part la nécessaire harmonisation du traitement des demandes, les préfectures n'ayant pas toutes les mêmes pratiques, Alvaro Gil-Robles s'inquiète d'autre part de certaines dispositions découlant de la réforme du droit d'asile. Aujourd'hui, au lieu d'un mois, le candidat au statut de réfugié ne dispose plus en effet que de 21 jours pour remplir son dossier de demande d'asile. Pire, obligation lui est faite de le faire en français. Une nouvelle exigence, qualifiée de « discriminatoire » par le juriste, qui estime impératif de la modifier ou de prévoir la prise en charge d'un interprète. Autre reproche : la possibilité pour la commission des recours des réfugiés (CRR) de statuer désormais par ordonnance, ce qui empêche le demandeur de défendre son cas. Les décisions ainsi prises « ne sont pas motivées et les critères qui les président restent flous », s'indigne le rapporteur, pour qui la charge de travail accrue de la CRR « ne peut en rien justifier l'utilisation massive d'ordonnances ». Il déplore également le non-suivi par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de la jurisprudence de la CRR, et la réduction prévue à 15 jours du délai d'appel.

Asile  : « un système à deux vitesses »

Les « fortes inégalités dans l'accès au statut de réfugié » résultant du mode d'hébergement des demandeurs d'asile, qui ont cinq fois plus de chances de l'obtenir en centre d'accueil, sont aussi jugées intolérables. Tout comme le sont les modalités de la procédure prioritaire, qui tend à se développer, notamment du fait de l'adoption de la liste, discutable, des pays d'origine sûrs. Une procédure d'examen accélérée -là encore les délais ont été raccourcis et la demande doit être remplie en français - qui interdit « un examen complet et attentif ». Une procédure aussi qui « ne laisse qu'une chance

infime aux demandeurs » et crée un système « à deux vitesses ».

Sensible au sort des déboutés, dont la plupart deviennent des sans-papiers, le commissaire demande « une réflexion urgente et une action globale » les concernant. Il appelle aussi les autorités à revenir sur la réforme de l'aide médicale d'Etat (9), qui « peut avoir des conséquences dramatiques » pour les étrangers en situation irrégulière. Ceux qui se retrouvent en centre de rétention administrative (CRA) rencontrent des difficultés également dénoncées par le rapport. Ainsi sont pointées l'absence d'information sur l'évolution des dossiers, les violences subies lors des interpellations, les tensions palpables inhérentes aux conditions de rétention. Au CRA de Marseille-Arenc sont décriés le manque d'hygiène, la rareté des sorties, la promiscuité grandissante, la cherté des produits disponibles - une « tentative peu scrupuleuse de tirer des profits commerciaux de la misère humaine », ce qu'une « administration publique ne doit pas permettre ». Pis est l'état du CRA situé sous le dépôt du Palais de Justice de Paris, qualifié de « catastrophique et indigne de la France ». A tel point d'ailleurs que le juriste juge « plus qu'urgent de fermer cet endroit qui représente à lui seul une image flagrante d'une violation grave des droits de l'Homme » (10).

Les conditions de la demande d'asile dans les centres de rétention administrative sont en outre intolérables : délai de cinq jours, français obligatoire - l'essentiel des refus de l'OFPRA découlent du non-respect de cette règle ! -, traitement en 96 heures par l'office. Résultat : 90 %de rejets. Pour rendre le système plus équitable, la création d'antennes OFPRA au sein des CRA est suggérée. Sont également accusées deux autres pratiques qui contreviennent à la loi française et à la Convention internationale des droits de l'enfant : le placement de mineurs en CRA et leur interpellation notamment en l'absence de leurs parents. « Les enfants sont victimes [...] de la pénalisation de l'étranger, et leurs droits [ne sont] pas respectés », assure Alvaro Gil-Robles. Enfin, si tous les étrangers ne sont pas expulsés, de plus en plus le sont, et les déclarations du ministre de l'Intérieur fixant des objectifs d'augmentation des expulsions inquiètent le commissaire. « Le fait d'énoncer des quotas est une pratique choquante », observe le rapporteur, qui redoute des « arrestations massives dans les zones ciblées » et un « certain nombre d'abus ». Parmi eux, des violences policières.

Le juriste ne s'est pas cantonné au sort des enfants dans les CRA, il s'est aussi penché sur celui d'autres mineurs, et d'abord sur celui des jeunes délinquants. Ainsi, à ceux qui désirent l'abaissement de l'âge de la responsabilité pénale, il répond que « prononcer des peines de prison à l'encontre d'enfants très jeunes ne ferait qu'aggraver le problème » et que « ce serait même un non-sens ». Il encourage donc les autorités « à privilégier l'action éducative sur toute forme de répression ». Pour que priorité soit donnée à la « réduction des délais de prise en charge des mineurs par les services sociaux spécialisés, et [...] de jugement », il affirme la nécessité de renforcer les « services de la protection judiciaire de la jeunesse, qui sont les plus à même de rétablir la chaîne sociale rompue pour ces mineurs délinquants ». S'il s'avoue favorable aux centres éducatifs fermés, qui peuvent « s'avérer utiles face à certains enfants particulièrement déstructurés et violents » et dont il a apprécié l'accompagnement, il insiste cependant sur le besoin d'un suivi efficace à leur sortie. Il est « impératif, affirme-t-il, d'instaurer une continuité dans l'encadrement, afin que l'enfant conserve les repères acquis lors de son placement » et, par cela, « de rendre plus cohérentes les décisions de justice et les mesures socio-éducatives ». Le nombre de places disponibles lui paraît en outre « dérisoire ».

Mineurs  : l'enfermement doit être « exceptionnel »

Le commissaire insiste de surcroît sur le « caractère d'exceptionnalité » que doit revêtir l'enfermement des mineurs. Or il constate qu'aujourd'hui « plus de 65 % des mineurs incarcérés » le sont au titre de la détention provisoire et que cela n'a pas de sens au vu de la durée moyenne des peines. Il dénonce de plus le non-respect de la séparation des prévenus et des condamnés comme celle des jeunes et des adultes. En particulier, il juge « irrecevable » la justification qui en est faite concernant les filles, à savoir la faiblesse de leurs effectifs, car cela leur interdit l'accès aux mêmes activités que les garçons. Le rapporteur dénonce aussi les difficultés grandissantes des éducateurs confrontés à un nombre croissant d'enfants souffrant de problèmes psychologiques. « Ces derniers nécessiteraient des soins et une approche spécialisée que la prison ne peut leur offrir », analyse-t-il. Enfin, signalant que 50 à 60 % des jeunes retombent dans la délinquance à leur sortie de prison, il souligne « l'inadaptation du milieu carcéral aux mineurs et l'inefficacité des mesures éducatives appliquées dans le cadre pénitentiaire », et appelle à la création de quartiers de semi-liberté, qui autoriseraient une meilleure préparation de la sortie.

Abordant ensuite le cas des mineurs étrangers isolés, le juriste souligne que le respect de quelques principes doit s'imposer. Tout d'abord, il s'agit de les considérer « comme [des] enfant [s] en danger » et ainsi de leur éviter un passage « traumatisant » en zone d'attente, et d'améliorer le système des administrateurs ad hoc. Non seulement, en effet, ces derniers disposent rarement des compétences spécialisées indispensables, mais ils devraient aussi intervenir plus tôt dans la procédure afin d'éviter certaines dérives.

Objets de toutes les méfiances, ces mineurs le sont aussi de « pratiques inacceptables ». Ainsi, le commissaire ne parvient pas « à saisir cette logique qui pousse des officiers de police à renvoyer, sans précaution aucune et hors de tout cadre légal, des enfants sur de simples présomptions ». Pour lui, la police aux frontières « devrait avoir l'obligation de signaler au juge des enfants tout cas d'enfant isolé ». En outre, le rapporteur relève l'absurdité des mesures restreignant notamment l'accès à la nationalité (11) qui font qu'à leur majorité, maints adolescents se retrouvent dans la plus parfaite illégalité après avoir été pris en charge, notamment par l'aide sociale à l'enfance, et scolarisés. Enfin, la question des jeunes errants préoccupe particulièrement Alvaro Gil-Robles, qui recommande à l'Etat de « se saisir pleinement de ce problème douloureux » et de ne pas tout faire peser sur les associations, de surcroît en diminuant leurs subventions. Une recommandation qu'il serait bon de suivre, comme bien d'autres formulées dans ce rapport, même si la France n'a aucune obligation de le faire. Outre la question de la défense des droits de l'Homme, qui sont inaliénables, il en va aussi de la cohésion sociale et de la crédibilité de l'Hexagone sur le plan international.

Florence Raynal

UN RÉQUISITOIRE « INJUSTE », SELON LE GARDE DES SCEAUX

« La réponse au surencombrement carcéral est la construction de prisons modernes respectant la dignité des personnes et garantissant leur sécurité », explique le ministère de la Justice dans le dossier distribué lors de la conférence de presse organisée le 15 février en réaction au rapport du Conseil de l'Europe. On ne saurait être plus clair. Et plus réducteur. Rappelant qu'est prévue la construction de 13 200 places, le garde des Sceaux, Pascal Clément, qui a jugé le rapport « injuste avec la France » et loin de refléter « la réalité des efforts menés par les gouvernements successifs depuis 2002 », a affirmé que « la situation dans les prisons françaises ne sera conforme à notre tradition humaniste et à nos valeurs républicaines qu'à la sortie de ce lourd programme immobilier qui permettra de fermer les établissements plus vétustes ». Pour autant, il a démenti que « la politique pénitentiaire [adoptée] soit une politique du tout carcéral ». La programmation en cours devrait permettre, selon le ministre, de régler le « mélange tout à fait dommageable » des prévenus et des condamnés comme des mineurs et des majeurs, et d'améliorer, grâce à la mise en service d'établissements « adaptés à la diversité des détenus (centres pénitentiaires classiques, quartiers courtes peines, établissements pour mineurs)  », les actions d'insertion en détention. Et d'ajouter : « Les 1 000 postes de travailleurs sociaux créés depuis 2002 permettront d'accentuer les efforts réalisés pour préparer les détenus à leur sortie et poursuivre l'augmentation déjà enregistrée des aménagements de peine. » Il a par ailleurs assuré que, dans les prisons pour mineurs, « l'éducatif sera présent du début de la détention au suivi après la sortie » et que « les fonctionnaires de la protection judiciaire de la jeunesse, de l'administration pénitentiaire et de l'Education nationale œuvreront ensemble pour que la présence en cellule soit réduite au maximum au profit d'activités éducatives ».

Les acteurs de terrain exigent « un changement de cap »

« Un changement de cap en matière de politique pénale et pénitentiaire s'impose. » C'est ce que demande l'Union générale des syndicats pénitentiaires-CGT en réaction au rapport du Conseil de l'Europe, qui a donné « une nouvelle gifle » à la France. « Ce rapport n'est pas une surprise », reprend, de son côté, Paola Bergs, secrétaire nationale de la Fédération Interco CFDT-Justice, qui estime que « l'effort budgétaire doit porter sur le travail d'insertion et pas seulement sur la multiplication du nombre de places en prison ». Pour le Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire-FSU, « il faudrait enfin passer à l'action ». Plutôt que de construire des prisons, le syndicat préconise, pour lutter contre la surpopulation, un usage plus modéré de l'emprisonnement. « Si on limitait drastiquement le recours à la détention provisoire et aux peines privatives de liberté de courte durée, on pourrait nettement améliorer les choses », observe son secrétaire général, Michel Flauder. Sur la même lignée, l'Observatoire international des prisons s'irrite de la réaction du gouvernement : « Prétendre répondre à la surpopulation par l'augmentation du parc pénitentiaire sans aucune remise en question du recours à l'incarcération est une imposture. » Pour sa part, Act Up-Paris, tout en réclamant « une plus... large application de la loi sur la suspension de peine » pour raison médicale, exige que les « recommandations sur l'état des prisons soient enfin suivies d'actions concrètes ». La tendance au « tout enfermement » est également dénoncée par le Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée PJJ-FSU. « A partir d'une idée d'humanisation de l'incarcération des jeunes, on institutionnalise cette pratique. On crée davantage de places de prison au lieu de donner les moyens à une prise en charge éducative de qualité », analyse son secrétaire général Roland Ceccotti-Ricci. Et si le rapporteur est favorable aux centres éducatifs fermés, le syndicat, lui, déplore que leur essor se fasse « au détriment de structures éducatives classiques ». Rien de nouveau non plus dans les critiques formulées par les associations défendant les droits des étrangers. Néanmoins, observe Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile, cela « nous rappelle que, même dans notre pays où la tradition des droits de l'Homme est fortement ancrée dans la conscience collective, les atteintes portées aux droits fondamentaux sont trop nombreuses ». Quant à l'Association nationale pour l'assistance aux frontières des étrangers, à la Cimade et à Amnesty International, elles somment ensemble le gouvernement « de prendre en compte les préoccupations et les recommandations exprimées par les organismes internationaux et européens ces dernières années et de ne pas se contenter de ne pas répondre ou de les balayer comme si la situation des droits de l'Homme était parfaite en France ».

D'AUTRES DROITS À PROTÉGER

Moins médiatisées, mais il est vrai aussi moins fouillées, les conclusions du Conseil de l'Europe dans les autres domaines méritent cependant qu'on s'y attarde aussi. Concernant les discriminations, tout d'abord, le commissaire regrette que, malgré le nombre croissant de plaintes déposées, celui des affaires pénales jugées stagne à un niveau très bas. Or, rappelle-t-il, « la non-effectivité du droit entretient le sentiment d'impunité [...]. Il faudrait donc commencer par appliquer avec plus de rigueur les lois en vigueur. » Un principe qui vaut aussi pour la lutte contre le racisme, qui jouit d'un bon arsenal juridique mais pour lequel « la répression reste faible ». Les discriminations sont aussi le lot des gens du voyage, qui doivent faire face à maints « problèmes liés à la non-reconnaissance pleine et entière de leur mode de vie itinérant ». Alors que la loi Besson est peu ou pas respectée, les sanctions prévues en cas de stationnement hors des aires spécifiques ont été renforcées. Outre cette injustice, ces personnes sont aussi confrontées à un droit dérogatoire. L'obligation de détenir un document de circulation « constitue une discrimination flagrante » car, dénonce le commissaire, ce sont les seuls citoyens français pour qui « la possession d'une carte d'identité ne suffit pas pour être en règle ». Autre exemple : le droit de vote ne leur est accordé que trois ans après leur rattachement à une commune, au lieu de six mois pour tout un chacun. Le rapporteur appelle donc « à mettre fin instamment à cette situation d'exception qui restreint les droits civils et civiques des voyageurs ». Enfin, dans un chapitre sur les personnes vulnérables, Alvaro Gil-Robles aborde la lutte contre les violences domestiques et recommande d'élargir les dispositifs aux conjoints de fait et aux pacsés, d'augmenter les lieux neutres de rencontres permettant « le maintien des relations parents-enfants dans un environnement apaisé », de mieux sensibiliser policiers et magistrats et de s'intéresser au cas spécifique des femmes étrangères. Sur le plan de la traite des êtres humains, il demande que la protection des victimes de réseaux collaborant avec la police soit améliorée et la jurisprudence de la Cour européenne sur l'esclavage moderne intégrée au droit français. Le rapport s'achève enfin sur l'hospitalisation sous contrainte. L'assimilant à une privation de liberté, le commissaire estime en effet que celle-ci « ne peut être établie que par un juge et non par la seule autorité administrative ».

Notes

(1)  Le rapport est téléchargeable sur le site www.coe.int.

(2)   « La France face à ses prisons » et « Prisons : une humiliation pour la République » - Voir ASH n° 2174 du 7-07-00.

(3)  Voir ASH n° 2225 du 24-08-01.

(4)  Voir également le rapport du Conseil économique et social sur les conditions de la réinsertion socioprofessionnelle des détenus, ce numéro.

(5)  Voir ASH n° 2286 du 22-11-02.

(6)  Voir en dernier lieu ASH n° 2418 du 26-08-05.

(7)  Voir ASH n° 2338 du 19-12-03.

(8)  Voir ASH n° 2340 du 2-01-04.

(9)  Voir ASH n° 2338 du 19-12-03.

(10)  Voir ASH n° 2418 du 26-08-05.

(11) Le ministère de l'Intérieur s'est engagé depuis à fermer le CRA de Marseille-Arenc en mai et celui de Paris en juin.

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