« Apocalypse No », répond Robert Evans, économiste canadien de la santé, à la question de l'impact du vieillissement sur le coût des soins. Tout le monde n'est pas de cet avis. Certains scientifiques et nombre d'acteurs du système de santé estiment que les évolutions démographiques des prochaines décennies vont devenir insupportables pour les finances publiques et l'assurance maladie. Cela ne semble pas assuré, cependant, à la lecture de la synthèse des travaux menés sur le sujet dans les pays occidentaux, réalisée par Dominique Polton et Catherine Sermet pour le compte de l'Institut de veille sanitaire (1). Les observations et les débats devraient continuer.
Une certitude cependant : comme les dépenses de santé augmentent logiquement avec l'âge, l'évolution démographique des prochaines décennies aura pour conséquence d'accroître mécaniquement la dépense moyenne de santé. Mais cet effet reste modéré, de l'ordre de 0,5 à 0,7 % par an ces dernières décennies. Si l'on gardait ce rythme, cela représenterait 1,5 point de PIB en 20 ans et 3 points à l'horizon 2050. De quoi permettre « de garantir le même niveau de soins qu'aujourd'hui », mais avec le risque de restreindre d'autant les moyens disponibles pour de nouveaux développements, assurent les auteurs. A ces dépenses consenties pour les soins aigus, il faudrait cependant ajouter celles consacrées aux soins de longue durée et à la dépendance, qui pourraient également absorber 3 points de PIB.
Des études (surtout américaines) ont fait ressortir l'importance du coût des soins dans les derniers mois de la vie. A cette aune, l'allongement de la durée de la vie aurait pour effet paradoxal de minorer, du moins de retarder les dépenses de santé. Un effet auquel il est cependant difficile de croire, en France du moins, devant l'observation des consommations.
Le recours aux soins des personnes âgées s'accroît en effet beaucoup plus vite que celui du reste de la population. Et cela, malgré l'amélioration de leur état de santé. L'évolution tient essentiellement aux pratiques de soins, sous l'effet conjugué d'une offre et d'une demande croissantes, pour les personnes âgées en bonne forme plus encore, d'ailleurs, que pour celles en mauvaise santé. Le plus grand risque de dépense ne réside donc pas dans les tendances démographiques ou d'état de santé, mais bien dans l'évolution des technologies médicales, conclut l'étude. A cet égard, le vieillissement ne fait qu'exacerber une question plus générale : celle du financement des progrès techniques par la collectivité. Jusqu'où et pour quelle utilité ?
(1) « La santé des personnes âgées » - Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 5-6/2006 du - Disp. sur