Recevoir la newsletter

La formation des travailleurs sociaux, la prime pour l'emploi et le régime de santé au travail des fonctionnaires épinglés par la Cour des comptes

Article réservé aux abonnés

La Cour des comptes a présenté le 22 février son « rapport public annuel » 2005 (1). Cette année, ses observations sur les politiques sociales menées par les collectivités publiques portent, entre autres, sur « le rôle de l'Etat dans la formation des travailleurs sociaux à l'heure de la décentralisation », « l'efficacité et la gestion de la prime pour l'emploi », et « les accidents de travail et les maladies professionnelles des fonctionnaires ». Le rapport est complété par les réponses des administrations, collectivités, organismes et entreprises concernés, comme c'est traditionnellement le cas. Une nouveauté, toutefois : la cour a décidé, pour la première fois, de rendre compte des suites qui ont été données à certaines de ses interventions antérieures, qu'elle considère comme « particulièrement significatives ». C'est le cas, en particulier, de ses travaux sur l'accueil des immigrants et l'intégration des populations issues de l'immigration. Dans ce domaine, notent les auteurs, un « certain nombre d'avancées » ont été réalisées... mais elles connaissent de « sérieuses limites ». « La priorité donnée à la maîtrise des flux migratoires et à l'accueil des nouveaux migrants [qui a] fait passer au second plan la question de l'intégration » l'explique en partie.

La formation des travailleurs sociaux : Etat et régions appelés à l'effort

Nombre de diplômes délivrés « encore insuffisant » pour plusieurs formations, offre de formation « dispersée » et « insuffisamment connue », absence d'évaluation des résultats, mise en œuvre limitée de la validation des acquis de l'expérience (VAE) (seuls cinq diplômes de travail social sont actuellement accessibles par cette voie), modalités « peu satisfaisantes » de conventionnement des établissements de formation, financement des formations « mal connu » en dehors des subventions de l'Etat... Les magistrats de la rue Cambon dressent un bilan sévère de la politique de formation des travailleurs sociaux menée avant le transfert aux régions, le 1er janvier 2005, des moyens et des compétences pour définir et mettre en œuvre cette politique (2). Et en particulier du « schéma national des professions sociales (2001-2005)  » (3), dont ils constatent les « résultats quantitatifs limités » . Leur jugement sur les schémas régionaux des formations sociales est tout aussi critique : ceux élaborés s'apparentent davantage « à des bilans qu'à des schémas d'orientation ». Reste que ce constat se fonde sur des données qui datent, les dernières disponibles remontant à 1999 ou 1998.

Par ailleurs, la cour relève que la remontée des informations, jusqu'à présent, « a souvent fait défaut », pénalisant l'action de l'Etat, ce qui l'amène à plaider pour un véritable système d'information. Avec la décentralisation, cela devient « encore plus indispensable », insiste-t-elle. Les plates-formes d'observation sociale, désormais en place dans la plupart des régions, peuvent contribuer à améliorer cette situation, en faisant des professions sociales « un sujet prioritaire de l'observation partagée », considère la cour.

Les magistrats évoquent aussi « les perspectives ouvertes par la décentralisation » , insistant tout particulièrement sur les difficultés liées au nouveau partage des compétences entre l'Etat et les régions (4). Ils ont une conviction : à défaut d'une « coordination attentive » , cet « agencement nouveau de compétences qui s'entrecroisent » risque, en pratique, d'entraîner une « extrême complexité » dans l'exercice de leurs missions respectives. Etat et régions sont, au-delà, invités à fournir des efforts. Ceux de l'Etat devraient notamment porter sur la mise en œuvre de la VAE, la vérification de la qualité des prestations fournies et la promotion des bonnes pratiques de formation des travailleurs. Alors qu'il appartiendra aux régions de veiller, en particulier, à ce que les centres de formation poursuivent l'amélioration de leurs outils de prévision et de gestion, mais aussi de suivre l'évolution des coûts, en particulier ceux laissés à la charge des étudiants dans les formations sociales initiales.

Pour la Cour des comptes, des dispositions appropriées, notamment en matière d'effectifs et de formation des agents, doivent en outre être prises pour que les services de l'Etat soient « réellement en mesure d'assumer leur nouveau rôle, qui est loin d'être résiduel ». Enfin, en matière de création de places, il est nécessaire de mettre en place « une vraie pluriannualité », alors que l'annonce de ces créations était jusqu'ici subordonnée « à de tardives confirmations en loi de finances annuelle ».

La prime pour l'emploi, un dispositif à l'impact incertain

Autre dispositif dans le collimateur de la cour : la prime pour l'emploi (PPE) (5). Selon les auteurs, le dispositif n'a qu'un « impact très incertain » sur l'offre de travail et l'emploi. De plus, il aurait un « effet redistributif limité » , n'améliorant dès lors que « marginalement » le revenu disponible des bénéficiaires. Et pâtirait d'un « manque de visibilité » , tant pour ses bénéficiaires effectifs que potentiels.

La réforme engagée dans le cadre de la loi de finances pour 2006 - aménagement du barème de la prime, qui est par ailleurs mensualisée (6) - devrait permettre d'atténuer ces effets néfastes, considère la cour, mais c'est loin d'être suffisant. Selon elle, des progrès restent à réaliser dans deux directions : la lisibilité d'ensemble de la panoplie des mesures fiscales et sociales de retour à l'emploi, dont fait partie la PPE, et le ciblage de ce dispositif au profit des publics prioritaires. Sur le premier point, le rapport juge indispensable un « effort coordonné d'information et d'explication de la part des administrations sociales et fiscales » pour améliorer l'insertion des publics visés. Quant au ciblage de la PPE, il suppose que les pouvoirs publics déterminent clairement l'objectif qu'ils entendent privilégier : l'incitation au travail ou la redistribution du dispositif.

Par ailleurs, la sécurisation de la gestion de la prime pour l'emploi « ne devrait plus être négligée ». En effet, le mode de gestion retenu jusqu'à présent a, certes, permis d'en assurer une large diffusion mais, déplore la cour, il offre un niveau de sécurité « qui n'est pas satisfaisant ». En d'autres termes, le contrôle de la prime ne constitue pas une priorité pour les services gestionnaires, alors même que de nombreuses anomalies affectent son calcul et que des comportements frauduleux sont avérés. La « généralisation de la déclaration préremplie et la mise en œuvre du dispositif de relance amiable » devraient constituer « un vecteur pertinent » pour corriger ces scories. A tout le moins, pour en atténuer le nombre. Si tel n'était toutefois pas le cas, la direction générale des impôts devrait intensifier ses contrôles, recommandent les magistrats.

Accidents du travail et maladies professionnelles des fonctionnaires : un dispositif dispersé et mal organisé

La Cour des comptes passe également au crible le régime spécifique de couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles applicable dans les trois fonctions publiques. Au moment même où l'évolution du droit et de la jurisprudence bouscule l'ensemble des réglementations régissant cette matière.

Les magistrats estiment nécessaire de faire évoluer ce régime, qu'ils jugent notamment « complexe » et générateur d' « inégalités » . Ils recommandent, en premier lieu, d'unifier et d'harmoniser les réglementations des trois fonctions publiques, les particularismes propres à chacune d'elles étant source d'injustices. Et, plus fondamentalement, plaident pour un rapprochement « aussi poussé que possible » avec le régime général applicable aux salariés du secteur privé, tant en matière de reconnaissance des droits, de réparation, de gestion que de prévention. Trois « raisons fortes » le commandent : les différences objectives dans les risques professionnels des deux secteurs se sont fortement réduites, en même temps que celles des métiers ; les particularismes sont facteurs de « lourdeur » et de « manque d'efficience » dans la gestion ; et la prévention et la santé publique en pâtissent.

La cour estime qu'il est nécessaire, « au minimum », d'amender le dispositif sur les points suivants : les procédures doivent « être simplifiées » ; l'intervention des différents acteurs doit « être coordonnée » et les instruments mis à leur disposition rendus « plus opérationnels », de manière à « raccourcir les circuits et les délais » ; la composition des commissions de réforme devrait « être revue, leur nombre réduit et les règles de leur fonctionnement allégées » en vue de leur permettre de « se focaliser sur les dossiers complexes » (7)  ; le transfert au régime général de l'instruction de la reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles et de la gestion des prestation en nature.

La mise en place d'un dispositif qui « responsabilise et incite » les employeurs publics à promouvoir la prévention est également recommandée par la cour, qui plaide par ailleurs pour que l'intégration des fonctions publiques dans le plan « santé au travail » soit renforcée.

Notes

(1)  Disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr.

(2)  Voir ASH n° 2372 du 10-09-04.

(3)  L'objet de ce schéma était de prévoir et de susciter les évolutions nécessaires du dispositif de formation des travailleurs sociaux - Voir ASH n° 2220 du 22-06-01.

(4)  Par exemple, le recensement des besoins relève désormais de la région tandis que les conséquences à en tirer en termes de création et d'organisation de diplômes relèvent de l'appréciation de l'Etat, à qui il revient de garantir la qualification des professionnels concernés.

(5)  Il s'agit, pour mémoire, d'un crédit d'impôt créé en 2001 qui poursuit simultanément deux objectifs : inciter à la reprise ou à la poursuite d'une activité professionnelle d'une part, redistribuer du pouvoir d'achat aux travailleurs à bas revenus d'autre part.

(6)  Voir ASH n° 2440 du 24-01-06.

(7)  Actuellement, l'absence de présomption légale d'imputabilité contraint à examiner la plupart des demandes de reconnaissance d'accidents du travail et de maladies professionnelles, « ce qui est source d'engorgement de ces commissions au détriment d'un examen plus attentif des dossiers difficiles ».

LE SOCIAL EN TEXTES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur