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Immigration « choisie » : le gouvernement présente son avant-projet de loi

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Le droit des étrangers en France s'apprête à connaître une nouvelle évolution. Le gouvernement a en effet validé le 9 février, à l'occasion du quatrième comité interministériel de contrôle de l'immigration, l'avant-projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, préparé depuis plusieurs mois par le ministre de l'Intérieur (sur les réactions associatives, voir ce numéro). Les grandes lignes de ce texte de plus de 80 articles sont connues. Nicolas Sarkozy en avait, en effet, dévoilé de larges pans depuis de nombreuses semaines, à différentes occasions : il souhaite, d'un côté, relancer l'immigration de travail et, de l'autre, donner un coup de frein non seulement à l'immigration familiale mais aussi aux régularisations. Autrement dit, il s'agit de privilégier une immigration « choisie » et non « subie ». Toutes les idées défendues par le ministre n'auront pas, pour autant, été retenues. Ainsi, là où l'exposé des motifs de l'avant-projet de loi évoque des « objectifs quantitatifs prévisionnels de visas et de titres de séjour pour les trois années à venir », fixés chaque année par le gouvernement dans son rapport sur l'immigration au Parlement « en fonction des capacités d'accueil de la France en matière d'emploi, de logement, d'éducation nationale », Dominique de Villepin préfère, pour sa part, parler d'une simple «  estimation du nombre de titres de séjour et de visas que nous envisageons de délivrer ». « Il ne s'agit pas de quotas », a-t-il insisté, ajoutant que ces chiffres n'auront, en outre, qu'une « valeur indicative » .

Les outils de l'immigration « choisie »

C'est une des mesures phares de la future loi. Une nouvelle carte de séjour - dite « compétences et talents » -, d'une durée de trois ans renouvelable, devrait voir le jour pour l'étranger susceptible « de participer [...] de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, culturel et sportif, de la France dans le monde, et au développement économique du pays dont il a la nationalité ». Elle devrait viser essentiellement les étrangers hautement qualifiés (chercheurs, scientifiques, informaticiens, sportifs de haut niveau, etc.).

De façon plus générale, le gouvernement entend favoriser la venue d'une main-d'œuvre étrangère dans les secteurs où « les déficits et les tensions sont tels que cela ralentit l'activité économique », a expliqué le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, citant la mécanique, la maintenance industrielle, l'hôtellerie et la restauration, les travaux publics et la santé. Des « listes évolutives » de métiers pour lesquels les employeurs pourront faire appel à cette main-d'œuvre seront établies par arrêté, a-t-il ajouté. Concrètement, les étrangers concernés devraient pouvoir obtenir une carte de séjour temporaire de un an renouvelable sans que leur soit opposable la situation de l'emploi. La carte serait retirée en cas de rupture du contrat de travail et, sauf si celle-ci est imputable au salarié, l'employeur aurait alors à acquitter une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. Les travailleurs saisonniers devraient, pour leur part, bénéficier également d'une carte de séjour spécifique, pluriannuelle, d'une durée maximale de trois ans renouvelable. L'idée étant de leur éviter de redemander chaque année une autorisation de séjour. Autre « cible » du gouvernement : les « meilleurs » étudiants étrangers, « les plus motivés », « ceux qui ont un projet d'études de haut niveau », a expliqué Dominique de Villepin. Ainsi, celui qui irait au-delà du mastère devrait pouvoir obtenir, à l'issue de ses études, une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois non renouvelable s'il souhaite, « dans la perspective [du] retour dans son pays, compléter sa formation par une première expérience professionnelle participant directement ou indirectement au développement économique de la France et de son pays ». Cette autorisation devrait lui permettre de chercher du travail en France sans être obligé de retourner dans son pays pour effectuer cette démarche. A charge simplement pour lui, durant cette période, d'indiquer à l'administration la nature de son projet professionnel ainsi que l'intérêt de celui-ci pour le développement économique de son pays. Au final, il devrait pouvoir obtenir une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle en France. « Cette mesure ne vise en aucun cas à priver les pays d'origine de leurs élites », a expliqué le Premier ministre. Il s'agit simplement de permettre aux étudiants qui le souhaitent de connaître, dans la continuité de leurs études, leur première expérience professionnelle en France, alors même que « le dispositif actuel les pousse plutôt à le faire dans d'autres pays d'Europe ou en Amérique du Nord ».

Limiter l'immigration « subie »

Comme annoncé, les conditions entourant le regroupement familial devraient être durcies. Ainsi, un étranger ne devrait pouvoir faire venir sa famille qu'au bout de 18 mois de présence en France, et non plus 12 mois comme aujourd'hui. Le projet de loi change encore la donne s'agissant de la justification, par le demandeur, de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Actuellement, il est tenu compte de toutes les ressources du demandeur et de son conjoint, en dehors toutefois des prestations familiales. Avec la future loi, le revenu minimum d'insertion, l'allocation temporaire d'attente, l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'allocation équivalent retraite et l'allocation de solidarité spécifique ne devraient plus, de la même façon, être pris en compte. L'intégration à la société française devrait par ailleurs devenir une condition supplémentaire pour pouvoir faire venir sa famille. Elle devrait être appréciée en particulier « au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ses principes, et de sa connaissance suffisante de la langue française ». Et le maire devrait pouvoir émettre un avis pour l'appréciation de cette condition d'intégration.

Autre restriction en matière d'immigration familiale : les conjoints de Français devraient avoir à justifier d'un visa de long séjour de plus de trois mois pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » et attendre trois ans - et non plus deux - pour demander une carte de résident. La durée de communauté de vie leur permettant de demander la nationalité française devrait passer, en outre, de deux à quatre ans (cinq ans s'ils ne justifient pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France depuis le jour de leur mariage).

Signalons encore, d'une façon plus générale, que - et ce n'est pas une surprise -, la signature d'un contrat d'accueil et d'intégration devrait devenir obligatoire pour tous les étrangers souhaitant s'installer durablement en France.

Autre confirmation : la suppression de ce que Nicolas Sarkozy appelle « la prime à la clandestinité », à savoir la délivrance automatique d'un titre de séjour à tout étranger présent en France depuis 10 ans. « Cette mesure concernait un petit nombre de personnes (moins de 2 500 par an) mais elle pouvait être comprise comme un encouragement à l'illégalité et une légitimation de l'immigration irrégulière », a justifié, de son côté, Dominique de Villepin. Pour autant, a promis le Premier ministre, il sera toujours possible de « régulariser la situation des étrangers qui, par leur situation personnelle et familiale, sont profondément liés à notre pays ». Autrement dit, au cas par cas.

Dispositions diverses

L'administration devrait pouvoir assortir sa décision de refus ou de non-renouvellement d'un titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, laissant à l'étranger un mois pour partir. Passé ce délai, l'obligation serait exécutée d'office par l'administration.

De nouveaux bouleversements sont par ailleurs à prévoir en matière d'asile. Nicolas Sarkozy avait prévenu le mois dernier qu'il souhaitait que les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) n'accueillent plus, d'ici à la fin de l'année, que des demandeurs et non plus des déboutés ou des réfugiés. Une récente note d'instruction invitait du reste les préfets à aller dans ce sens (1). L'avant-projet de loi s'incrit dans cette logique de spécialisation, en faisant sortir les CADA de la catégorie des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Le texte redéfinit au passage les missions des CADA - « assurer l'accueil, l'hébergement ainsi que l'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile, pendant la durée d'instruction de leur demande » - et renvoie à un décret le soin de déterminer leurs conditions de fonctionnement et de financement. Ce texte devrait préciser, notamment, les modalités selon lesquelles les personnes accueillies participent à proportion de leurs ressources à leurs frais d'hébergement, de restauration et d'entretien.

A signaler également : l'avant-projet de loi renvoie à la directive européenne du 1erdécembre 2005 sur le droit d'asile (2) pour ce qui concerne la liste des pays considérés au niveau national comme des pays d'origine sûrs, concept qui doit permettre d'accélérer l'examen des demandes d'asile des ressortissants de ces pays. Toutefois, la directive elle-même botte en touche sur cette question et renvoie à la Commission européenne le soin de préciser cette liste. En attendant, la France devrait donc continuer à considérer comme sûrs les 12 pays désignés en juin dernier par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (3).

Enfin, le gouvernement donne un tour de vis particulier dans les départements et territoires d'outre-mer afin d'y lutter plus efficacement contre l'immigration irrégulière. Sans remise en cause toutefois du droit du sol (4), ni à Mayotte, ni dans une quelconque autre collectivité.

Le projet de loi ne sera pas examiné en conseil des ministres avant le mois de mars - et non en février comme l'aurait souhaité la Place Beauvau -, avant d'être débattu au printemps au Parlement. Notons qu'une commission d'enquête du Sénat travaille actuellement sur la question de l'immigration irrégulière. Elle rendra ses conclusions au mois d'avril et devrait donc encore donner du grain à moudre au gouvernement et aux parlementaires pendant l'examen de la future loi.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2440 du 27-01-06.

(2)  Voir ASH n° 2433 du 9-12-05.

(3)  Voir ASH n° 2415 du 8-07-05.

(4)  Comme l'avait évoqué en septembre dernier le ministre de l'Outre-mer, François Baroin - Voir ASH n° 2422 du 23-09-05.

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