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Jeunes majeurs : « désintégrer l'intégration » ?

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La protection judiciaire de la jeunesse a redéfini en 2005, dans un sens plus restrictif, sa politique de prise en charge des jeunes majeurs (1). Conséquence, la situation de certaines structures devient préoccupante, comme en témoigne Lionel Georges (2), directeur d'un établissement bourguignon qui accueille 25 jeunes majeurs.

« Je tiens à exprimer ma colère, celle des équipes éducatives, ainsi que le désarroi dans lequel l'Etat, et plus précisément le ministère de la Justice, est en train de faire plonger nos jeunes. Ma structure n'est d'ailleurs pas la seule concernée par ces directives silencieuses, qui impactent l'ensemble du système de protection de l'enfance et des jeunes majeurs.

« Mon établissement, qui dépend d'une association, exécute une mission d'utilité publique dans le système de protection de l'enfance. A ce titre, il bénéficie d'une double habilitation, département et Justice. Nous accueillons des enfants et des jeunes majeurs en famille d'accueil ou dans des appartements éducatifs. Les décisions de placement sont prises par les juges des enfants ou par l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements. En ce qui concerne les mineurs, les prix de journée sont payés par les conseils généraux. Pour les jeunes majeurs, ils sont réglés par le ministère de la Justice lorsque le placement émane du juge, et par les départements lorsque le placement est demandé par l'ASE.

« Les populations que nous accueillons relèvent de l'enfance et de l'adolescence maltraitées ou ont vécu une rupture soudaine de leurs liens familiaux. Ces jeunes ont, pour la plupart, grandi dans des maisons d'enfants ou dans des familles d'accueil, et l'objectif d'une socialisation et d'une insertion affective et professionnelle allait jusqu'ici tout naturellement avec l'idée d'une continuité de la prise en charge.

« Or, en ce début d'année 2006, nous recevons, comme tous les cinq ans, l'habilitation nous autorisant à fonctionner. Alors qu'auparavant, elle spécifiait que nous étions autorisés à accueillir des enfants et des jeunes de 16 à 21 ans, nos tutelles (département et Justice) nous souhaitent la nouvelle année avec une habilitation pour les 16-18 ans, et une possibilité restreinte d'accueillir des jeunes majeurs pour six mois, une seule fois renouvelables. Ces jeunes vont donc devoir trouver une solution dans les six mois. Mais laquelle ?Hébergement d'urgence, foyer Sonacotra, foyer de jeunes travailleurs, HLM... ou tout simplement leur famille qui les a rejetés, ou encore la rue ?

« A cette précarisation s'ajoutent les difficultés de financement. En effet, en ce début de mois de février, la moitié des prix de journée 2005 n'a pas été payée pour les publics relevant de la protection judiciaire de la jeunesse. Explication donnée : l'enveloppe départementale, voire régionale, est dépassée. Aucun paiement ne devrait plus pouvoir être assuré à partir du printemps 2006.

« Il y a d'autres priorités, la mise en place des centres éducatifs fermés (CEF), par exemple, qui nécessitent 25 postes pour 10 jeunes. Le prix de journée moyen de ces structures est de 600 €, celui de mon établissement est en dessous de 70 €. Autrement dit, lorsqu'un CEF accueille un jeune mineur délinquant, nous pouvons recevoir six jeunes majeurs et deux jeunes mineurs délinquants.

« Plus grave, nous allons être dans l'obligation de nous séparer de 14 jeunes avant le printemps en raison du non-paiement du ministère de la Justice. Au bout du bout, où est l'économie de ces dispositions ? Quelles mesures et à quel coût faudra-t-il prendre a posteriori pour pallier le déficit d'insertion de ces jeunes isolés ?

« La solution immédiate est d'orienter ces jeunes majeurs vers l'aide sociale du département, et ainsi de transformer une mesure "Justice" en mesure "administrative ".C'est sans doute l'effet escompté pour décentraliser sans légiférer et sans transférer de moyens aux collectivités locales. La prise de conscience de cet effet pervers par les services de l'enfance des départements ne tardera pas et conduira, là encore, à plus de vigilance sur le nombre des prises en charge.

« A l'heure où l'imagination gouvernementale fabrique la précarité de l'emploi pour nos enfants souvent formés et diplômés, elle met à la rue des jeunes en complète rupture familiale et affective. C'est à croire que notre pays s'efforce actuellement de désintégrer l'intégration de l'ensemble des jeunes. »

Notes

(1)  Voir ASH n° 2404 du 22-04-05.

(2)  Contact : Leuye - 01 270 Coligny - Tél. 04 74 55 70 66 - E-mail : gitedesbois@yahoo.fr

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