Les ministères de l'Intérieur et de la Cohésion sociale font le point, dans une circulaire commune, sur le regroupement familial. En attendant « des réformes plus profondes susceptibles d'intervenir prochainement » en la matière (1), ils y recensent et y commentent les modifications législatives et réglementaires relatives à cette procédure intervenues depuis la loi « Chevènement » du 11 mai 1998. Le texte rappelle ainsi les principes du regroupement familial, définit son champ d'application, précise les conditions de fond qui doivent être réunies par le demandeur et le bénéficiaire, décrit la procédure de droit commun applicable et indique sous quelles conditions dérogatoires l'admission au séjour peut être prononcée.
La circulaire revient notamment sur les modifications introduites par la loi « Sarkozy » du 23 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité (2) et son décret d'application du 17 mars 2005 (3), qui confient au maire le soin de vérifier les conditions de ressources et de logement auxquelles doivent satisfaire les demandeurs résidant sur le territoire de la commune.
Le regroupement familial peut ainsi être refusé « si le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille », rappelle tout d'abord la circulaire. « Dans ce calcul, indiquent les ministres, sont prises en compte les ressources du demandeur et de son conjoint, pour autant que ce dernier soit régulièrement présent en France ou dispose de revenus qui continueront à lui être versés lorsqu'il quittera son pays. » Ainsi, « si le conjoint est salarié à l'étranger, il ne dispose plus, par hypothèse, de revenus salariés lorsqu'il quitte son pays et ses ressources ne peuvent être prises en compte ».
Quelles sont les ressources comptabilisées ? Il peut s'agir de celles tirées de l'activité professionnelle de l'intéressé, salariée ou non (commerçants, artisans, professions libérales). En ce qui concerne les revenus salariaux, leur appréciation se fait ainsi au vu du contrat de travail, quelle qu'en soit sa forme juridique, ou du contrat d'entreprise de travail temporaire, ou encore, à défaut, d'une attestation d'activité fournie par l'employeur. L'intéressé doit aussi produire les bulletins de paie reçus au cours des 12 mois précédant le dépôt de la demande. En outre, les revenus de remplacement (indemnités journalières, Assedic...) sont également pris en compte.
Des personnes n'exerçant aucune activité professionnelle peuvent par ailleurs percevoir des revenus non salariaux, des pensions alimentaires versées régulièrement en vertu d'une décision de justice, des pensions de retraite, des rentes, des revenus tirés de la gestion d'un patrimoine. Ces ressources entrent également en ligne de compte, à charge pour l'administration d'en examiner le niveau et la stabilité « en considérant attentivement les documents produits ». « Le maire ou l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations devront en établir l'exactitude en n'hésitant pas à procéder aux vérifications nécessaires auprès des organismes débiteurs. »
Les prestations familiales et l'aide personnalisée au logement sont en revanche exclues de ces ressources. Il en est de même pour les versements effectués spontanément par des tierces personnes, « dans la mesure où leur stabilité n'est pas assurée ». S'agissant précisément de la question de la stabilité des ressources, les ministères sont conscients qu'elle est parfois délicate à établir, « car elle se fonde non seulement sur leur nature, mais également sur la durée prévisible de leur perception ». Ils invitent en conséquence les préfets à prendre en compte, le cas échéant, la nature et la durée du contrat de travail, ainsi que la pérennité de l'entreprise qui emploie l'intéressé, ou de celle qu'il a créée. Les étrangers autorisés temporairement à travailler en France comme les saisonniers, les titulaires d'autorisation provisoire de travail et les stagiaires sont ainsi considérés comme ne présentant pas de garanties de stabilité suffisantes. Il en est de même pour les étudiants autorisés temporairement à exercer une activité salariée à titre accessoire.
Le niveau de ressources est apprécié par référence à la moyenne du SMIC sur une durée de 12 mois. Les ministères attirent l'attention des préfets sur le fait que « des perspectives d'évolution favorable de la situation de l'intéressé ne suffisent plus pour que les conditions de ressources soient considérées comme satisfaites ».
La circulaire revient par ailleurs sur les conditions de logement à respecter pour le demandeur du regroupement familial. Rappelant les exigences en termes de salubrité et d'occupation, elle indique aux préfets qu'au vu d'une appréciation d'ensemble, ils peuvent être amenés à refuser de prendre en compte un logement dont la superficie serait suffisante mais dont l'habitabilité n'apparaîtrait pas satisfaisante, notamment compte tenu du nombre de pièces, de leur surface et de leur répartition, et de la composition de la famille. Les ministères évoquent également le cas des demandeurs qui ne disposent pas d'un logement mais seulement d'une « promesse de logement », c'est-à-dire de « documents attestant, de manière probante, la disponibilité ultérieure du logement ». Dans cette hypothèse, un contrôle sur pièces sera obligatoirement effectué pour vérifier si le logement répond aux critères de superficie et d'habitabilité considérés comme normaux pour une famille comparable vivant en France.
Enfin, la circulaire donne un coup de projecteur sur les conditions du « regroupement partiel ». Alors qu'en principe, le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble de la famille, la loi accepte en effet qu'il ne concerne qu'une partie des enfants, à condition toutefois que cela soit dans leur intérêt. Les ministres indiquent à cet égard aux préfets qu'ils disposent d'un large pouvoir d'appréciation. « Vous pourrez accepter par exemple une demande motivée par une impossibilité de déplacement ou un suivi médical engagé localement », précisent-ils. D'autres motifs peuvent être avancés, l'essentiel étant qu'ils soient suffisants pour démontrer qu'il est de l'intérêt du bénéficiaire de la mesure d'être séparé du reste de sa famille et de son pays d'origine. Les préfets doivent également prendre en compte l'intérêt des autres enfants de la famille d'être séparés de leur frère ou sœur.
(1) Le gouvernement a en effet d'ores et déjà annoncé son intention de réviser les règles du regroupement familial dans le cadre de la prochaine loi sur l'immigration - Voir ASH n° 2432 du 2-12-05.
(2) Voir ASH n° 2336 du 5-12-03.
(3) Voir ASH n° 2400 du 25-03-05.