Levée de boucliers générale. Les présidents de dix grandes fédérations associatives (1) viennent, par une lettre du 26 janvier adressée aux quatre ministres concernés, d'en appeler solennellement à leur autorité afin d'obtenir le retrait de l'article 1er du projet de décret « relatif au financement, à la tarification et au contrôle de certains établissements et services sociaux et médico-sociaux ».
Le texte contesté - pris en application de l'ordonnance de simplification du 1er décembre 2005 (2) - instaure des indicateurs nationaux de référence (calculés sur la base d'un échantillon représentatif) en fonction desquels les ressources des établissements seraient allouées. Il s'agit de permettre « d'aller vers une tarification à l'activité », précisait le projet présenté au Comité national de l'organisation sanitaire et sociale (CNOSS) le 15 décembre dernier. Malgré un vote contre unanime (3), la nouvelle version envoyée aux membres du CNOSS le 11 janvier est inchangée sur ce point, et même « aggravée » du point de vue des associations.
Que lui reprochent-elles ? « La méthode d'abord, et l'absence totale de concertation préalable, répond Arnaud Vinsonneau, conseiller technique de l'Uniopss. Nous avons découvert le texte huit jours avant la tenue du CNOSS. On ne décide pas dans la précipitation d'un tel changement des règles, qui n'a rien de mineur. »
L'opportunité ensuite. Le décret budgétaire et comptable du 22 octobre 2003 (4), qui institue un système de convergence tarifaire, vient à peine d'entrer en vigueur pour une partie du secteur. Les derniers arrêtés donnant des indicateurs départementaux de référence (établis à partir de la moyenne de tous les établissements du même type) ont été publiés en novembre 2004 et en juillet 2005. Il faut d'abord laisser le dispositif monter en puissance puis l'évaluer d'ici quelques années avant de décider d'éventuelles évolutions réglementaires, plaident les associations. « Une grande tension est perceptible face [...] à la multiplication des réformes qui n'ont pas le temps d'entrer en vigueur avant que la suivante se profile », écrivent les dix présidents. En parlant d' « acteurs de terrain saturés », les associations estiment qu' « il est urgent de décréter une pause dans les réformes ».
Sur le fond, enfin, les fédérations décryptent le nouveau projet comme permettant à l'autorité de tarification de procéder à des abattements sur les propositions des gestionnaires pour tout dépassement des indicateurs de référence. « Et cela, dès la première année, contre trois jusqu'à présent, explique Arnaud Vinsonneau. On avance à grand pas vers une forfaitisation des allocations. Nous ne sommes pas contre une comparaison des coûts. Mais, alors que la loi du 2 janvier 2002 prône l'individualisation de la réponse apportée aux usagers, il est contradictoire de vouloir aligner les financements et de les déconnecter des coûts réels de prise en charge, que les gestionnaires doivent d'ailleurs justifier. »
Les associations précisent également qu'elles ne sont pas favorables à la transposition de la tarification à l'activité dans le secteur social et médico-social, alors que ce chantier est ouvert depuis 15 ans dans le secteur sanitaire et que « sa mise en œuvre n'est absolument pas stabilisée ».
Interrogée par les ASH, la direction générale de l'action sociale se défend aujourd'hui de toute idée d'introduire la tarification à l'activité dans le secteur, « qui nécessiterait d'ailleurs des modifications législatives ». « Il s'agit, explique-t-elle, de mettre en place des référentiels nationaux de coûts "plancher" ou "plafond" pour certaines catégories d'établissements et de prestations, de type accueil de jour ou accueil temporaire, restauration, animation, accompagnement social spécialisé... Lesquels sont complémentaires des indicateurs de moyennes départementales. » Tout cela, dans un objectif de « simplification », d' « accélération de la tarification » et de « plus grande transparence des coûts ».
(1) ADMR, APF, FEHAP, FHF, FNARS, FNMF, UNA, Unapei, Unccas, Uniopss. C/o Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.
(2) Voir ASH n° 2433 du 9-12-05.
(3) Incluant aussi les représentants des syndicats et de la caisse nationale de l'assurance maladie.
(4) Le décret rectificatif, qui est passé au Conseil d'Etat le 10 janvier, est à la signature des ministres.