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Le mal-logement des jeunes, effet d'une crise globale passée au crible par la Fondation Abbé-Pierre

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Les jeunes subissent « une crise du logement sans précédent qui génère des effets sociaux durables, et pour certains sans doute probablement irréversibles ». C'est la démonstration du rapport 2006 de la Fondation Abbé-Pierre (1), qui présente cet « état de jeunesse » chaotique non pas comme une période transitoire vers la stabilité, mais comme un premier pas dans la précarité. Il dénonce une « véritable régression sociale », qui menace les dix millions de 19-30 ans, « reléguant toujours plus loin les possibilités d'insertion des plus fragiles ».

« Des logements inadaptés »

Les 18-29 ans, indique le rapport, représentent plus du tiers des personnes sans domicile personnel, alors qu'ils ne représentent que 23 % de la population. A Valenciennes, les jeunes constituent 40 % des 1 500 personnes accueillies tous les ans à l'accueil de jour de la boutique solidarité... A leurs fragilités sociales - parfois renforcées par des discriminations raciales - s'ajoute une offre de logement inadaptée : les jeunes recherchent des petits logements, existant surtout dans le parc privé, mais à un prix trop élevé par rapport à leurs revenus. Même lorsqu'ils sont économiquement insérés, ils restent donc aux portes du logement stable, sans pour autant recourir aux dispositifs d'aide. Soit par méconnaissance, soit parce que leurs revenus sont supérieurs aux plafonds en vigueur, ou par peur d'être étiquetés socialement. « Je me suis dit qu'avec mon niveau de salaire et les solidarités que j'avais, je pouvais me débrouiller... », témoigne une jeune assistante sociale de la région grenobloise, pourtant éligible au fonds de solidarité pour le logement et vivant dans un studio de 20 m2.

Les jeunes recourent davantage aux soutiens familiaux, à la cohabitation, mais aussi aux structures d'hébergement collectif, comme les centres d'hébergement et de réinsertion sociale ou les foyers de jeunes travailleurs. Mais la concurrence entre les demandeurs pour entrer dans ces dispositifs produit ce que la fondation appelle un « effet domino », qui renvoie les jeunes vers la rue ou une forme d'habitat indigne. L'avenir personnel, social et professionnel de ce public se trouve hypothéqué par ces effets sociaux « en cascades » : vie quotidienne et familiale perturbée, choix d'un emploi en fonction du logement trouvé, arbitrage entre les dépenses, obligation de travailler pour les étudiants, avec les conséquences induites sur la réussite de leur parcours... Selon les calculs de Conseil habitat jeunes, en Isère, « pour un jeune salarié au SMIC, le reste à vivre se situe à environ 100par semaine ». Pour réduire le poids du logement dans leur budget, la fondation propose que l'équivalent d'un demi SMIC soit « neutralisé », c'est-à-dire non pris en compte dans le revenu retenu pour le calcul des aides au logement.

Des aides de plus en plus ciblées

Plus globalement, le rapport se penche sur l'érosion de ces aides. La proportion de bénéficiaires (6 millions en 2004) recule : leur « diffusion » parmi les locataires est passée de 50,2 % en 2000 à 48,8 % en 2005. Elles se concentrent également sur les ménages les plus modestes. Ainsi, le seuil d'exclusion de l'aide personnalisée au logement est aujourd'hui de 2,1 SMIC pour un ménage avec deux personnes à charge, contre 4 SMIC en 1977. Pour une personne seule, le seuil est passé de 2,4 SMIC à 1,1 SMIC au cours de la même période. A ce ciblage, « laissant en quelque sorte sans appui des ménages qui, sans être riches, se trouvent ainsi fragilisés », s'ajoutent l'absence ou la faible revalorisation des barèmes et des « mesures d'économies », qui ont privé 200 000 mé-nages des aides au logement en 2004. Dans le même temps, l'augmentation des loyers accroît le taux d'effort des ménages : pour un couple avec deux enfants touchant l'équivalent de 1,5 SMIC, il s'élève, après déduction de l'aide au logement, à 48,8 % dans le parc privé et à 22,7 % dans le parc social.

Dans ce contexte, la Fondation Abbé-Pierre s'élève contre le « mauvais procès » fait par certains aux aides au logement, qui seraient responsables de l'augmentation des loyers. Si ce constat pouvait se vérifier au début des années 90, quand les bailleurs ont profité d'un effet d'aubaine entraîné par l'extension des aides aux étudiants, cette critique s'avère politiquement « tendancieuse », estime la fondation. Pour preuve : la hausse des loyers n'a pas cessé entre 1993 et 1997, ni entre 2003 et 2005, périodes pendant lesquelles les revalorisations ont été quasiment nulles.

Le débat, poursuit le rapport, doit plutôt porter sur le développement d'une offre de logement accessible correspondant à la demande sociale. Or la priorité n'est pas faite au parc réellement social : en moins de dix ans, de 2001 à 2009, la production annuelle de logements financés en prêts locatifs sociaux (PLS, qui correspondent à des logements intermédiaires) devrait passer de moins de 10 000 à 40 000, alors que l'ensemble de la production de logements sociaux n'aura même pas doublé (de 90 000 à 105 000) !

Développant une analyse de la « crise des banlieues », le rapport pointe de surcroît « l'inégale répartition de la construction HLM qui limite les perspectives résidentielles de nombreux ménages modestes ». Pour rétablir cet équilibre territorial, la fondation propose de renforcer l'application de la loi « solidarité et renouvellement urbains » (SRU) - sous le feu des débats parlementaires à l'occasion de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement (2). Les deux tiers des communes n'ont pas atteint leurs objectifs sur la première période triennale d'application de la loi, 154 sur les 743 concernées n'ont rien produit et celles qui ont fait le plus d'efforts sont celles qui sont le plus proches du quota des 20 %. Le rapport suggère quatre solutions : le triplement des sanctions financières, la substitution de l'Etat aux communes réfractaires, la suppression du recours aux PLS pour les villes ayant moins de 10 %de logements locatifs sociaux et l'instauration d'un nouveau mode de calcul comptant un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI, correspondant au logement très social) pour un logement social et demi. La fondation préconise également d'élargir la définition des agglomérations retenues pour l'application de la loi SRU. Toutes les intercommunalités de plus de 50 000 habitants devraient, selon elle, être concernées, ce qui augmenterait de 2 000 le nombre de communes soumises à la loi.

Notes

(1)  L'état du mal-logement en France - Rapport annuel 2006 - Fondation Abbé-Pierre : 3/5, rue de Romainville - 75019 Paris - Tél. 01 55 56 37 00 - Disponible sur www.fondation-abbe-pierre.fr.

(2)  Lors de son examen en première lecture, l'Assemblée nationale a modifié le calcul du quota des 20 % de logements sociaux en y intégrant les logements produits dans le cadre de l'accession sociale à la propriété. L'amendement concernant les aires d'accueil a en revanche été retiré.

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