« Il semble que nous soyons les seuls à estimer qu'un escalier, quelles que soient ses dimensions, reste un obstacle critique pour une personne à mobilité réduite, et absolument infranchissable pour une personne se déplaçant en fauteuil roulant. » Vincent Assante, président, et Christian François, administrateur de l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteur (Anpihm) (1), ne décolèrent pas contre le projet de décret relatif à l'accessibilité des bâtiments, tel qu'il a été soumis le 20 décembre au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
Ce texte mentionne en effet, à plusieurs reprises, la nécessité de construire des escaliers « adaptés », que ce soit dans les parties communes des immeubles collectifs ou à l'intérieur des logements comportant plusieurs niveaux. Adaptés ? C'est-à-dire, selon le ministère de l'Equipement, d'une taille telle qu'elle permet aux personnes en fauteuil roulant de « pouvoir être portées dans l'escalier ». « Combien faut-il de porteurs dans le cas d'un fauteuil roulant électrique avoisinant les 200 kg ? », ironisent les deux critiques, qui notent aussi qu'on ne trouve pas d'escalier à la taille prescrite dans les catalogues courants des fournisseurs. « Or, pour des raisons d'économies de terrain et de place, on va construire de plus en plus de maisons et d'appartements à plusieurs niveaux, explique Christian François. Il serait beaucoup plus efficace d'imposer de réserver, à côté d'un escalier de taille normale, la place pour un petit élévateur. Place qui pourrait servir de rangement tant que la famille n'a pas besoin de cet engin, mais qu'il serait facile d'équiper en cas de survenue d'un handicap ou de vieillissement. »
Autre disposition dénoncée comme une « véritable régression » : celle qui « pulvérise la notion d' "unité de vie" accessible de plain pied », laquelle, dans les textes actuels, inclut obligatoirement une chambre. Désormais, les appartements à construire seront considérés comme accessibles dès lors qu'ils permettent l'accès à une cuisine, un cabinet d'aisances, une salle d'eau, une chambre ou « une partie de séjour aménageable en chambre ». Pire, dans le cas des maisons individuelles, le décret ne mentionne plus du tout de chambre ni de salle d'eau, mais seulement un coin de séjour et « un cabinet d'aisances comportant un lavabo ». L'Anpihm « constate avec effarement » qu'on « institutionnalise une promiscuité moyenâgeuse », où la personne handicapée « pourrait dormir dans le séjour, se laver à l'évier de la cuisine et n'avoir pas accès aux chambres de ses enfants ».
L'association estime aussi inefficace la disposition qui permet de ne pas installer un ascenseur dans les bâtiments neufs comportant moins de quatre niveaux mais (selon les cas) plus de 15 ou 24 logements hors rez-de-chaussée, dès lors qu'un emplacement est réservé pour une « installation ultérieure ». Elle juge encore exorbitante la mesure qui fixe à 80 % de la valeur d'un immeuble ancien le coût des travaux au-delà duquel ceux-ci doivent inclure obligatoirement une mise en accessibilité.
« Cette occasion manquée de promouvoir et de généraliser le concept d'accessibilité universelle est l'un des loupés majeurs de la loi du 11 février 2005 », estime l'Anpihm, qui déplore que le CNCPH ait émis un « avis positif avec réserves » sur ce décret au lieu de s'y opposer fermement.
(1) Anpihm : 36, avenue Duquesne - 75007 Paris - Tél. de la présidence : 03 80 71 28 91.